Il y a parfois des disques qu’on se surprend à aimer parce qu’ils ont ce truc inexplicable qui fait qu’alors qu’on appuie sur play sans grande conviction, ou pire – avec celle que la galette va atterrir direct au fond de la pile estampillée « oubliettes » – on s’empresse de l’écouter à nouveau une fois terminée. La Ligne Âpre est de ceux-ci Je n’ai jamais été trop adepte de Cheval de Frise (la moitié de Tormenta y officie aussi à la batterie), et m’avoue plutôt difficile à l’encontre des musiques dites « mathématiques ». Mais en sept titres tranchants, Tormenta, conjugue brillamment déstructure, groove et mélodie dans un metal incisif redoutable de précision, et me fait ravaler mes à-priori.
Dès « Pagan », titre d’ouverture, on sait qu’on tient là une recette qui va fonctionner. D’abord parce qu’il faut le dire, le son est juste phénoménal (La Ligne Âpre a été – au moins partiellement – enregistré à la Rock School Barbey à Bordeaux par Mathieu Pascal, joli travail): les riffs de guitare gonflés aux amphétamines, et la batterie – clé de voûte claquante, frappante, aussi puissante que minutieuse, enchaînées l’une à l’autre, tournoient ensemble dans un battement symbiotique. Déferlantes de breaks, superpositions de plans, cassures de rythme, l’exercice – remarquablement maîtrisé – aurait pu s’avérer cruellement ennuyeux s’il n’était pas ponctué de variations subtiles comme c’est le cas ici (« Fêlure », « La Sensation de Membre Fantôme »). Tormenta sait faire respirer sa musique, distiller son tempo, insufflant parties de son clair soutenues çà et là par quelques ajouts de violoncelle (il fallait y penser). « Rituels et Décadence » associe même des plans presque jazzy au son metallique des guitares, dont les overdubs ont été utilisés avec juste ce qu’il faut de parcimonie. « Ubris », morceau de clôture tout en retenue, riffs de basse appuyés marquant les mesures alambiquées, achèvera d’enfoncer un gros clou dans nos tympans meurtris – parce que la musique de Tormenta, aussi subtile soit-elle, s’écoute et s’apprécie fort, très fort. On la recommande donc vivement aux amateurs de rock agressif et velu, mais surtout aux curieux et aux ouverts d’esprits désireux d’offrir leurs oreilles en sacrifice à des sonorités plus coupantes, parce qu’elle s’avère, à mon sens, étonnamment accessible. On reconnait encore une fois le nez du label Africantape, qui, avec Tormenta, élargit le spectre de son catalogue de bien jolie façon. L’occasion de rappeler que le groupe jouera à Lyon fin avril pour la « Convention Annuelle des Cassettes Africaines » dont on vous parlait juste un peu plus tôt. Dont acte.
En écoute: « Pagan »
[audio:https://darkglobe.free.fr/extraits/110328a.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).