De l’influence du climat sur les groupes de rock.
Il y a des groupes, tu les écoutes et bang! tu te demandes d’où ça vient leur musique? L’OVNI tu te dis. Ils sortent d’où ceux là? Avec les Warlocks tu ne te poses pas la question. La génération spontanée, c’est non. L’origine musicale, elle, te saute aux oreilles et aux yeux aussi – l’allure, le choix des guitares (Gretsch et Epiphone Sheraton, que du double bobinage et de la demi-caisse) – ce qui fait que dissocier The Warlocks d’une scène musicale spécifique, voire d’une zone géographique et de son climat, pourquoi pas, c’est pas le truc qui te vient en premier et c’est même carrément impossible ici. Ou alors c’est que t’as jamais écouté un disque, il n’y a pas d’autre possibilité. Donc, et je résume, tu tombes sur Les Warlocks (Les Démonistes?) et t’es chez Montesquieu. Parce que La théorie des climats, si tu veux en trouver un exemple dans le rock, tu les prends et ça colle parfaitement.
Je vous fais pas l’article complet, mais je vous mets juste le début de la collec. OK ?
Les Démonistes, c’est le même sac californien que les Dandy Warhols, Black Angels, BJTM. Etiquettes Rock-Néo-psyché US côte Ouest. Genre qui pète comme un champignon (halluciné?) au milieu des nineties, conduit par l’allumé Anton Newcombe, lequel s’est imaginé qu’il pourrait être à lui tout seul Lou Reed période Velvet, le Jefferson Airplane tout comme les Lennon and Mc Cartney de Revolver plus Sergeant and Mc Cullogh – ben pardi – et un peu les frères Reid pour le dessert. D’une certain façon il y est arrivé, engageant compagnons et suiveurs, donc, mais pas complètement; il faut toujours relativiser Anton, et nous autres ne prenons pas des vessies pour des lanternes, ou une allumette éclairée pour une Luciole survivante échappée de chez Georges Didi-Huberman.
Enfin notre Bobby Hecksher, patron chez Les Warlocks, en 1999, il tombe là–dedans. Depuis on voit bien qu’il s’en est pas vraiment remis. Nan!
Secouez la dope?
La première formule des Warlocks Shake The Dope Out, (tube sur 3 accords archi rejoués, mi ,la ,ré – et mis dans tous les sens – paru en 2003 ) mais à force d’être secoué comme l’Orangina, le groupe en est devenu à géométrie variable pour se retrouver à cinq aujourd’hui. Pendant un moment on aura eu deux batteurs et une dame aux claviers, lesquels ont disparu, et ne se pointeront pas sur scène. Ce qui fait que même si on a brillamment secoué la dope en rappel, ces claviers du début 2000, pour autant qu’ils furent vintage 60’s à souhait et sur lesquels il ne faudra plus compter, n’en étaient pas moins un petit plus mélodiques et guillerets dans la musique des adorateurs du démon – la bonne blague! – .
Mais enfin, il nous avait prévenus Bobby Hecksher. Je le cite: « The Warlocks ne sont pas bons pour la santé, pour les enfants, et pour les autres chose vivantes ».
Alors fallait s’y attendre. Ca allait virer et salement en plus. On pouvait pas s’imaginer que ça continuerait comme ça, en riffs tempos moyens, mélodies pop psychédélique et voix idoine, façon je te refais du Velvet trente ans après en choisissant les titres cools, tu me suis? genre « I’m beginning to see the light ». Désormais, ça allait plomber grave, les Warlocks. On allait mettre du boogie pas net sauce Gun Club et du sonique dans les guitares, pour se frotter au mur du son de je te tiens super longtemps le même accord avec fuzz et phaser, maçonnerie maison Spacemen 3. Live, The Warlocks, ça plombe grave. C’est le projet.
Pornography revisited .
Chez The Warlocks 2013 il y a un homme fondamental. C’est le gardien du tempo, alias Bob Moustachio, batteur de son état. Lequel, bien qu’affublé d’un si rigolo patronyme, ne rigole pas du tout. Le champion du tempo médium, voire lent c’est Bob. Pas de problème. Sur Skull Workship, dernier opus du groupe, la majeure partie des titres se joue à vitesse modérée ou réduite. Et wooww, ça plombe again. Bien, très bien et avec mention.
Sur scène, l’affaire s’en retrouve calée, sérieusement, et notre Moustachio a d’autre part l’intérêt, de retenir les quatre guitares en les ralentissant, oui! ce qui par un curieux effet rebond les propulse en avant. Etonnant.
Musicalement, c’est plus qu’intéressant. Pour être dans la référence à – The Warlocks ont de grandes oreilles, il n’en faut pas douter – , un trio conduit par un autre Robert en eût l’idée en 1982 avec un terrible album rouge et noir à l’image de couverture déformée et qui s’intitulait Pornography. Vous voyez de qui je veux parler. J’y ai pensé à l’écoute de Skull Workship et le groupe sur scène a confirmé l’impression. Grosso modo un Martin Hannett (une pointure lui aussi, comme l’autre Robert) aurait suggéré (d’ailleurs il l’a dit, mais pas aux Warlocks qui l’ont peut-être noté toutefois): « Tu le joues plus vite, mais lent ». SUPER ! En plus, ça marche.
Mur du son.
Jason Pierse quand il décida de mettre un terme aux Spacemen 3 (qu’il n’est pas anecdotique de citer quand on veut décrire la musique des Warlocks), Jason Pierse disais-je, fonda Spiritualized. Un excellent groupe, très mélodique. Avec des phrases musicales belles à pleurer, comme celles de « Stop your crying », qui est un tire larmes – enthousiasmant. Triste mais plein d’espoir. Enfin Jason Pierse avait atteint le mur du son. Il est ensuite passé à autre chose.
Chez les Warlocks de Bobby Hecksher par contre, on le cherche, le mur. Et on le trouve. On va se le prendre. PANG! On l’a pris. Tout le monde dans la salle, personne n’y échappe. Le mur des guitares à doubles bobinages. Trois plus une basse.
Ce qui flingue un peu, en toute logique, la dimension mélodique des chansons. Et vu que par ailleurs, le bassiste martèle gaillardement les fréquences basses fondamentales et ne joue pas de chorus – ce qui aurait pu s’envisager avec l’aide du malin Moustachio-, les lignes des six cordes restent répétitives, sans véritable saillies, la troisième assignée à des parties plus légères demeurant bouffée par le volume des deux autres, loupant peut-être son rôle, transformée de fait en crin-crin mal audible sur scène du moins.
Mais un choix est un choix. Une thèse est une thèse? Les démonistes, je le suppose, en exposent une. Depuis The Mirror Explodes sorti en 2009, j’en ai eu l’impression. On a glissé dans l’hypnose sur fond de fuzz et réduction de la gamme de notes. Symptôme, sur cet album, de la thèse de Hecksher, le « Slowly dissapearing », qui s’exerçait déjà au tempo ralenti décrit plus avant et aux constructions linéaires, ou en boucle, avec trois notes et pas plus. Analyse vérifiable. La lumière est du coup devenue noire. Hecksher avait dit vrai, qui a guidé le groupe jusqu’à « Dead Generation » – sans doute le hit single de Skull Workship – titre toutefois plus enlevé en matière de tempo, mais pas beaucoup plus varié en nombre d’accords, on reste sur trois, commençant sur un la mineur joué ouvert ce qui apporte de l’air et appelle à la danse, ce qui n’a rien de contraire à l’exercice du rock and roll, souvenons-nous de la phrase du Velvet: « And we dance to a rock n roll station / and it’s all right ».
Laquelle n’a pas échappé ,bien sûr, à Hecksher.
A se rouler par terre.
Nonobstant, l’hypnotisme des Warlocks est certain. Et d’une belle efficacité. Qui a pour conséquence d’agir sur Hecksher lui-même. Brave gars au demeurant, c’est une évidence, dans son pull rayé Factory Warhol 1966, souriant et pas si sombre que ça, mais qui, à plusieurs reprises, est emporté dans une transe derviche-tourneur le rendant twister du Bayou – il est originaire de Floride -, ou doux possédé pour lequel on ne s’inquiète pas vraiment. Tombé au sol, il s’agite la Gretsch sur le ventre pour continuer sa partie, ou tenir plus de deux minutes un seul ré majeur (une spécialité maison récurrente) passé à la Big Muff Electro Harmonix – à vue d’oreille habituée.
Du bonheur à se rouler par terre?
Dans leur noirceur et leur densité qui tutoie un ton monocorde auquel on se laisse prendre, The Warlocks sont les maîtres. Le public suit et – en décalage paradoxal avec les propos tenus sur scène si on veut s’intéresser aux mots qui sont chantés – le public sourit, danse, pogote sympathiquement et sans une once de rébellion, nullement mis en colère par les adorateurs du malin californien. C’est du folklore passé et, de notre côté, oserais-je l’écrire, on n’aura pas de frisson de crainte avec nos amis Warlocks. A l’instar de ce papa confiant son fiston ravi en bord de scène aux bons soins d’un Bobby Hecksher paternel. Quand je le disais? Une vraie nounou.
Sûr qu’on ne fera pas le même coup à Anton Newcombe, sur la même scène, d’ici quelques semaines?
Alors pourquoi Dead generation ? Et pas Birth à la place ? The born again Warlocks, ce serait pas mal du tout. Pour un groupe revenu de loin, ça collerait ; une renaissance référencée.
Epilogue tardif
Dans la voiture que je conduis, on est contents. Contents d’avoir écouté les Warlocks. Ce sentiment agréable, vous savez ?
A l’arrière, mon ami Serge Scotto, écrivain et romancier bien connu de ceux qui le connaissent, homme ayant le sens des formules, lâchera cette phrase que je retranscris ici: « Tu vois dans les groupes, quand les guitares font le mur, et bien il faut que ce soit au batteur et à la basse de faire un peu le trou. »
Et tout le monde s’est mis à rire. Ce n’est que son avis. J’ai le mien. Plus nuancé.
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Les Warlocks sont en tournée européenne en Mars et Avril. Ils joueront en Mai plusieurs dates US avec les Dandy Warhols.
www.thewarlocks.com
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.