Après le départ il y a deux ans de Tyl Durden, bassiste et membre fondateur avec Looping Murdock de The Loving Dead , le trio post punk marseillais aurait pu définitivement disparaître. Pour autant le tour de la question était il fait? Les salles de la région écumées, deux lp auto produits enregistrés, l’envie de jouer encore se posait au terme d’une décennie d’existence. C’était sans compter avec la ténacité d’Axel* ( alias Looping) guitariste, chanteur et principal compositeur qui voulait y croire sans fléchir, s’accrochant au pied de son micro avec le soutien d’Aymeric Bonin, dernier batteur en date de la formation. En matière de rock il vaut mieux être résilient, je le suppose, comme dans la vie d’ailleurs.
Avec l’arrivée d’un nouveau bassiste, The Loving Dead reprennent donc du service. Le groupe qui reste dans une ligne musicale entre Ramones, Clash et Joy Division ( on se rappelle de « Plastic Love » en 2014 ), a gagné en maturité durant ces quelques mois d’un élan retrouvé. « J’ai besoin de jouer et composer », déclare Axel. « La musique est un exutoire. J’y traduis une sorte de fascination pour les marges de la vie… Plus immédiatement je déverse toutes mes pensées les plus négatives, ce qui donne ce côté sombre à mes textes. »
En effet « Vernon » paru à la fois en ep et clip vidéo, est de fait un titre qu’on ne qualifie pas spontanément de joyeux. Pour preuve les images choisies qui mettent en scène l’acteur Conrad Veidt, emblématique du cinéma expressionniste allemand du début du XX ème siècle. Les extraits du « Cabinet du Docteur Caligari », d’un noir et blanc très contrasté, montrent la manipulation à des fins criminelles, d’un être vulnérable sous la coupe d’un médecin charlatan et incarnation du mal… Il y a du morbide et de l’halluciné dans tout cela, The Loving Dead ( traduire » Le mort amoureux ») forçant le trait en début de bande son, par une citation de William Burroughs, junkie universel, tirée du Festin Nu. Tout cela pourrait risquer le glissement dans les pièges d’un gothique convenu, si n’existait dans la musique du groupe une énergie positive et un second degré, qualités immédiatement observables lors des prestations live et audibles dans la musique jouée. The Loving Dead, fort heureusement, évitent ce travers trop fréquent chez les groupes d’obédience cold wave, au profit de leur singularité.
Musicalement » Vernon » dépasse, me semble t-il, les précédentes réalisations des Loving Dead. La composition qui fût d’abord instrumentale, a gagné en efficacité par une plus grande musicalité. La basse, qui propose un jeu différent de celui de Durden, oublie un peu les seules fondamentales pour développer des lignes plus complexes qui se combinent à la batterie d’Aymeric Bonin au demeurant non critiquable. La guitare de Looping Murdock s’est, quant à elle, enrichie et la voix du chanteur a gagné en assurance et harmonies, signes d’une maturité acquise.
La scène marseillaise est un foyer actif et varié. The Loving Dead y retrouveront sans doute la place qu’ils méritent, avec l’énergie de leurs riffs post punk francs et sans détour qu’ont bonifié les années passées et une volonté d’être.
* Axel, alias, Looping Murdock, est collaborateur de Dark Globe.fr
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.