Duo garage-rock et électro franco-anglais, The Little Death est-il une tentative d’échappée à l’emprise d’âmes errantes et ombrageuses rencontrées à la croisée de chemins incertains ou, a contrario, une complaisante déambulation vers l’obscur et l’effrayant? L’association Amy Wood et Tom Ledbetter née sur des terres brumeuses, semble puiser son inspiration sous un ciel bas et ses frimas, se mouvant en lamentations lentes dans des landes folk et rock hantées de fantômes. La froidure de Lost Souls Scary Shadows (2022) traverse un objet sombre, dans lequel s’immisce la fascination du déclin et de l’abandon érigée en principe esthétique.
Toutes guitares dehors cinglant dans le mauvais temps, The Little Death s’appuient sur les séquences programmées d’une boîte à rythmes qui ne réchauffent guère les tonalités de six titres en anglais à la densité certaine , tous chantés à deux voix. À leur première écoute on songe très vite à The Kills ou PJ Harvey, références évidentes, espérant trouver ensuite ce qui ferait la singularité du duo? Son romantisme sans doute, comme un lyrisme flirtant avec une théâtralisation du chant évocatrice d’un drame. Les voix sur «Rusty Ruins» concourent dans ce sens. Les chants se répondent – voix grave/voix aiguë, à l’unisson ou avec des écarts mesurés– pour réussir un dialogue mélodique envoûtant. Les deux guitares, éléments musicaux principaux, usent d’effets fuzz en appui de la nervosité anxieuse du ton. Trop systématisé peut-être, l’apport des fuzz ou de l’overdrive – choix au demeurant cohérent avec l’intention générale – pose une couleur sonore où domine un timbre qui paraît unique. On regrette la relative absence de modulations et on apprécie d’autant plus la venue de l’arpège clair de «Lonely», songeant à la variation qu’aurait pu offrir un son plus dépouillé pour la guitare vouée aux accords des séquences harmoniques. Quand les pulsations s’accélèrent sur «Soothe Me», on suit le tempo plus rapide avec l’impression libératrice d’échapper à une pesanteur dont les deux musiciens s’affranchissent eux-mêmes. Est-ce là ce qui constituerait la résolution d’une problématique posée en ouverture? Rien n’est moins sûr. Malgré son ambivalence «Uncomfortably in Love» termine l’album par une proposition plus ouverte, amenée par une guitare soulagée de tout pathos, conduite vers un riff enlevé, le chant jouant habilement sur les registres des deux voix. L’inconfort céderait presque le pas …
Enregistré par Dominique Lafontaine qu’on a connu aux côtés de Dogs (plus grand groupe à ce jour dans l’univers du rock hexagonal, mais oui!), Lost Souls Scary Shadows de The Little Death, est un album court, cohérent et rassemblé sur lui-même. Pas une seule seconde le duo Wood & Ledbetter n’y semble pénétré de bonnes intentions. En ce sens il est Baudelairien, et sa musique est à situer dans un Symbolisme pessimiste et mélancolique par lequel elle rejoint les voix de ces Poètes maudits chantés par Paul Verlaine. Pelléas et Mélisande mis en poème rock? Possible mais pas encore certain.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.
Amy Wood
Merci Jean-Noël ! On viznt de découvrir ce que tu as écrit à propos de notre EP ! Ça claque ! Amy & Tom / The Little Death