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Insight

Summer clubbing ( une sélection ?)

« Dance, Dance, Dance to the Radio » ( Ian Curtis, « Transmission »)

Ringo se demandait ce qu’il ferait ? Après deux heures passées à chercher une nouvelle chemise qu’il ne trouva pas, Ringo pensait qu’il sortirait malgré tout, ce soir. Il retourna son T shirt aux motifs imprimés ridicules, puis l’enfila à l’envers. Sous une veste gris clair, cela avait une petite allure. Enfin assez petite.

Et c’est toujours pareil. Vous sortez et vous le regrettez, qu’est-ce que je fais là? Les discothèques servent-elles vraiment à écouter de la musique ? Pourquoi venez vous ? Quand vous êtes jeune, vous n’y pensez pas vraiment, n’est-ce pas? Ringo était une sorte d’esthète. Ce qui constituait un handicap au divertissement. Vers 23h, le DJ diffusa un vieux titre des Sparks. Pas compliqué, facile à retenir. Ringo s’était rapproché du bord de la piste éclairée de projecteurs multicolores. Le hit des frangins en costard serrés avait été enchaîné dans la foulée, juste après les soupirs de plaisir de Diana Ross. Au bord de la piste de danse, Ringo regardait celles et ceux qui s’agitaient en suivant le tempo comme ils pouvaient. Ils dansaient mal, mais au moins ils dansaient.

Ringo ne participa que fort peu aux danses qui suivirent. Elles l’inspiraient moins. Get into the groove, n’était pas si facile en réalité. C’était compliqué de danser, comme ça, un peu seul. Il n’était pas John Travolta. Qu’est-ce qu’il était ? La musique donnait du sens au temps, peut-être à la vie , encore fallait il y croire suffisamment. A une heure plus tardive le gars aux platines se lâchait. C’était bien. Ringo patientait, attifé dans sa mauvaise tenue. Il ne risquait pas de ramener une fille, ce soir là. Et alors ? Il écoutait la musique en sirotant un cocktail indistinct. Intérieurement il souriait. Allez savoir pourquoi, il pensait tout en buvant , à l’acteur Benoît Poelvorde dans C’est arrivé près de chez vous… La scène du cocktail : Le Petit Gregory .

La nostalgie le gagnait. Une putain de nostalgie. C’était presque suffocant. Il faisait chaud cette nuit d’été. La ville n’était pas un lieu pour l’été. Est-ce que la ville était un lieu pour un moment quelconque. Ringo n’appréciait guère la promiscuité. Il s’envoya ce qu’il avait sur lui. En général du Xanax avec nimporte quoi qui faisait l’affaire. Xanax et Petit Gregory. Vous parlez d’une blague. Ensuite il éprouva un cafard abominable, mais c’était sans comparaison avec ce que vous subissez plus tard. Ringo l’ignorait alors. A ces moments là, vous ne le savez pas, dans votre jeunesse. Une vraie perte de temps. Un gâchis.

Les gars embrassaient les filles. C’était tout un cérémonial. Ringo aussi. Il les embobinait en parlant musique. Il avait raconté à une jeune italienne en vacances sur la Marana qu’il était ami avec Lucio Battisti et Celentano. La fille avait demandé s’il connaissait Zucchero ? Non, non, non. Pas du tout. Cette fille n’avait aucun sens artistique, aucun goût sauf celui de son rouge à lèvres. Selon lui, c’était insuffisant. Ringo lui colla au corps, malgré son aversion relative lorsque le DJ mit à nouveau Donna Summer. Une version remix de dix-sept minutes Merde, comment voulez vous resister à ça ?

Au bout des dix sept minutes son histoire avec la fille s’arrêta. Une très courte idylle, finalement. Après une second cocktail bu trop rapidement, il osa s’avancer vers la cabine du DJ. Il trouvait Blondie très sexy. Vous avez du Blondie, ici ? Bande de ploucs ? Il ne le dit pas; c’était comme ça dans sa tête, à ce moment précis. Bang ! Voilà le gimmick d’Atomic qui résonnait. De la télépathie, il faut le croire. Aurait il préféré Heart of Glass ? Possible, mais pas certain. Atomic était déjà très bien. Back to the dancefloor.

Un peu plus tard il s’est écroulé. Dead drunk. Sur une banquette en skaï. Il y a eu des cris, des sifflets. La musique s’arrêta quelques minutes puis reprit. Le type au micro baragouinait avant de relancer une bribe de conversation avec des gens qu’on ne voyait pas. Musique – stop- silence – musique- voix dans le micro… Sauf qu’il était devenu impossible de se parler. Ringo en avait sa claque. Il y eut une sorte d’émeute. Un bordel incompréhensible dans un coin lointain de la salle de danse. Une bagarre vers les toilettes entre skins et bouseux . Avec des filles qui gueulaient, piaillaient. La femelle est aussi conne que le mâle est con. Ça expliquait les arrêts du DJ. C’était le bon moment pour se tirer. Dehors il faisait chaud, sur le parking devant la discothèque.Trois heures du matin. il voyait les lumières de l’aéroport Bastia – Poretta, de l’autre côté des terrains le long de la lagune. Trois heures du matin, ce n’était pas une heure, ça. Il démarra sa voiture, un modèle ancien autrefois plutôt chic. Assez spacieux. Une Volvo. Ensuite quelque chose d’inattendu se produisit. Ringo se mordit la main, dix minutes plus tard quand il découvrit la scène. Tu n’en crois pas tes yeux tout de suite quand tu découvres certaines choses.

Alors bien sûr il aurait pu ne pas s’arrêter sur ce bord de départementale. Mais Il avait vu la mobylette renversée sur le bas côté. Putain c’était quoi ? Et les deux gars plus loin qui avaient l’air de chercher dans le fossé. Ringo se gara juste après la mob. Un CIAO remarqua t- il. L’air était plus frais. Étonnamment il se sentait beaucoup mieux que dans la disco qui était une étuve, un hangar éclairé aux néons. Il descendit de la Volvo. La veste un peu froissée et le t shirt jaune à l’envers, en dessous. Le lecteur cd de la voiture jouait toujours. Du PIL ltd. Drive ou PopTones. Plutôt. Le titre c’était Pop Tones, Metal Box.

Bon sang, c’était un spectacle vraiment étrange. David Lynch , genre. La jeune fille gisait devant lui. Les deux gars s’étaient tirés aussitôt. Il n’avait pas remarqué leur voiture, qui était cachée par un bouquet d’arbres un peu plus loin. Ringo leur avait fait peur, quand il s’était approché du CIAO renversé. Les autres avaient détalé. Bordel de merde. Là, il était peut-être devant le fait divers bien dégueulasse. La fille avait les deux pieds en l’air, vers le haut du fossé . La jupe lui retombait sur le mauvais côté du corps, vu qu’elle avait la tête en bas. C’était logique. Les lois de l’attraction terrestre. La tête portait toujours un casque. Pas un gros, intégral, parce que le visage était visible . Le casque pour frimer. C’était peut-être une chance malgré tout, mais il y avait du sang sur le corps. Ah l’odeur du sang ! Ringo dégueula. Il l’aurait fait quoiqu’il en soit, à cause des cocktails et du Xanax mélangés. Vous vivez ? Il y eut un râle . Puis un, deux mots qui sortaient de la bouche de la fille à l’envers .Vous pouvez bouger? Je crois… Alors bougez que je voie ça? Sauf que, a t-on idée ? Vous ne faites pas bouger les gens comme ça, dans une roubine le long des étangs, avec du sang qui leur coule du nez et d’un bras. Non. Vous ne devez pas le faire ? Lève toi et marche, Lazare… Personne ne supporte la mort. Personne ne veut voir la mort. La fille n’était pas morte. A cinq heures moins le quart du matin, Ringo qui regarda sa montre par hasard, se dit que dans la boîte c’était l’ heure où ils mettent de la soul. La nuit est presque finie. Vous pouvez bouger ? Oui, il me semble.

Ringo tenait la fille dans ses bras. Et la fille tenait miraculeusement sur ses jambes. Rien d’autre que des écorchures qui avaient beaucoup saigné. On va aller aux urgences. Vous pensez pas ? Oui. C’est la bagnole des types qui vous a fait tomber ? Je ne sais pas. Vous ne savez pas ? Non. J’ai été aveuglée, il me semble. Les CIAO c’est pas top. Voilà l’avis de Ringo. Il tenta de mettre dans le coffre de la Volvo la mobylette qui perdait de l’huile, pendant que la fille s’installait à la place du mort. Puis il renonça. La fille à l’avant demandait: A l’hôpital s’il vous plaît. Je ne me sens pas bien. Ah, évidemment.

Ringo démarre en trombe. Summer clubbing, tu parles. Quelle âge vous avez ? Dix sept, bientôt dix-huit…Dépêchez vous. Elle s’évanouit. Pourvu qu’elle crève pas, se dit Ringo. Vous allez pas crevez, hein ? Il fonça pour rejoindre la ville . C’était pas un âge pour être dehors. Voilà tout.

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