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Live Reports

Sofy Major + Geneva + Blackthread – Sonic (Lyon), 18/09/09

090921aEn dépit des apparences, la saison est déjà bien entamée au Sonic (après le concert de rentrée de Minnaars, auquel j’aurais vraiment aimé voir plus de trente personnes, et celui d’Astro et Kouhei Matsunaga auquel je n’ai pas assisté mais dont vous pouvez lire un très bon riviou ). Pourtant on a l’impression que ce n’est que ce soir que la péniche rouge retrouve ses aficionados et ses habitués (quelqu’un m’a dit un jour, « c’est bien la peine de se casser le cul à faire venir des groupes de Kranky pour vingt personnes » – *sourire* – les meilleurs d’entre vous auront reconnu). Ce soir la concurrence est rude niveau concerts (The Chap jouent au Grrrnd Zero, et Keiko Tsuda et les Monstroplantes au Clac’son) mais là, c’est Ostrobotnie et Bigoût Records qui s’associent pour proposer l’affiche « régionale » Blackthread / Genava / Sofy Major. Histoire de changer un peu les habitudes (et de garder le « meilleur » pour la fin – non pas que mon humble avis prévale sur celui de la centaine de personnes présentes ce soir-là, mais le songwriting minimaliste et les sonorités shoegaze me conviennent un chouille plus en ce moment que la noise hardcore criarde et frénétique) on va commencer par la fin. Et vu que c’est Sofy Major qui a achevé de mettre la péniche à l’envers, c’est sur leur set qu’on va revenir en premier.

Première chose que je remarque, les Clermontois ne sont plus que trois. Il me semblait bien que la dernière fois que je les avais vus au même endroit (sur la scène du sonic, si mes souvenirs sont exacts avec Daturah) ils étaient plus nombreux, et un confrère me le confirmera un peu plus tard : le line-up était différent et ce n’était pas le même chanteur qui officiait au micro. Deuxième constatation, en un peu moins de deux ans depuis leur dernier passage sous mes yeux, la noise hardcore du groupe s’est grandement étoffée et surtout incroyablement diversifiée. A l’époque le set de Sofy Major ne m’avait vraiment pas emballé (trop loin pour que je me rappelle vraiment pour quelles raisons) mais ce soir, le trio envoie un son sévèrement puissant, son de guitare gonflé aux amphétamines et au distos vrombissantes, et usant d’une bonne grosse section rythmique pour servir sur un plateau changements de rythme à foison, structures asymétriques, et surtout motifs mélodiques imparables. Parfois c’est un petit solo de basse joué dans le haut du manche qui prend la première place, parfois c’est même la batterie lors de breaks finement placés. Coté chant c’est gueulard, comme d’habitude, hein, faut pas déconner on est pas là pour faire dans la finesse non plus, mais même si on sent la voix du chanteur fatiguer un peu sur la fin du set cela reste bien maitrisé, et d’autant plus appréciable lorsque Xavier (ex-vocaliste d’une formation bien connue et fortement appréciée ici, dont on se demande un peu ce qu’elle va devenir, ainsi que son chanteur) rejoint le groupe sur scène pour donner un coup de main et offrir un featuring des plus fracassants. On apprécie aussi (et c’est pour ma part le coté le plus attirant des compositions du groupe) lorsque la tension redescend un petit peu, et laisse apprécier toute la subtilité de certains passages instrus bien envoyés. Classieux. Et puis pour finir, quand même – on salue le bassiste chanteur qui entre deux morceaux a la présence d’esprit de remercier le Sonic « d’être toujours là ». Ben ouais. A l’heure où de plus en plus de salles cessent leur activité (localement ou moins – on pense au Mistral Palace de Valence qui n’a pas réouvert cette année) et où les cachets des artistes semblent à l’augmentation, il est de bon aloi de rappeler que les choses ne sont pas faciles pour les petits programmateurs indépendants. A ce sujet, on peut lire sur un rapport de la ville de Lyon ici qu’une subvention a enfin été allouée au Sonic il y a quelques mois. Bonne chose qui laisse à penser que les manifestations de soutien et la mobilisation du public en janvier et février dernier ont porté leurs fruits.

On revient à nos moutons. Je ne connaissais pas du tout Geneva, trio lui aussi – mais Valentinois – qui précede Sofy Major sur l’affiche. Formation à peu près identique, c’est à mon impression sur la gratte que Geneva tire réellement son épingle du jeu. Arborant sur le poitrail un splendide t-shirt Dinosaur Jr (c’est le genre de détail insignifiant, mais qui fait toujours plaisir aux types comme moi, et d’ailleurs je ne suis pas le seul à qui ça n’a pas échappé) le bonhomme qui officie à la six cordes – et qui se charge également du chant, gueulard à souhait lui aussi – construit par dessus les fondements rythmiques élaborés par ses deux acolytes des lignes de guitares du meilleur effet : épaisses, bouffantes, savamment bruitistes et mélodiques. Dissipées à l’aide de bonnes couches de reverb et d’overdrive bien crasseuses, la fender jaguar (encore un signe de bon goût évident, on ne reviendra pas là-dessus mais décidément il fait plaisir ce garçon) remplirait presque l’espace à elle toute seule – et c’est bien là le talent des deux autres (dont la présence n’est pas moins indispensable), celui de rester parfois au second plan pour laisser la guitare nous en envoyer plein la gueule. Et puis çà et là le groupe montre aussi un peu de retenue et se laisse même parfois aller à des petits écarts expérimentaux. Tout ça commence ma foi comme du Unsane mais si il n’y a pas du Sonic Youth de caché là derrière messieurs dame, je m’y connais pas. Très bonne surprise donc, qu’on pourra écouter sur disque très bientôt puisque l’album devrait voir le jour sous peu.

Là ça se corse un peu. Difficile pour moi d’écrire objectivement sur le set de Blackthread (alias Pierre, alias mister la sono du sonic, alias mister la basse de OneSecondRiot) alors que depuis que j’écoute les titres de son myspace je suis de toute ma personne acquis à sa cause. Mais c’est pas parce que c’est mal de pourrir les copains quand ils font de la merde qu’il faut aussi la fermer quand ils font des belles choses. Je me suis donc assis au premier plan pour profiter au mieux du premier concert auquel je peux enfin assister. Sous un éclairage blanc mais très faible, laissant au protagoniste juste assez de lumière pour sortir un peu de la pénombre, c’est « Falling For Keith » et sa ligne de basse hypnotique qui ouvrent le bal. Il y dans la musique de Blackthread – et dans la voix de Pierre Georges – quelque chose de totalement saisissant qui relève de la poésie, de la nostalgie, d’une introspection quasi extrême, comme si la musique s’adressait directement à notre profond intérieur. La fébrilité et l’émotion qui animent le multi-instrumentiste se mélangeant à un stress certes perceptible (qui ne sera pourtant trahi que par quelques interventions amicales entre les morceaux, la plénitude s’en dégageant suffisant à le faire complètement disparaître) et pour peu qu’on se laisse un peu aller, on assiste pendant une trentaine de minutes (impossible de dire combien de temps le concert a duré, même approximativement) à une pluie d’émotions. On a presque envie de dire un déluge, mais le rythme et la retenue (sans qu’on puisse pour autant parler de minimalisme) rendraient le terme bien excessif. Triturant ses machines et maniant les boucles avec une certaine dextérité, Blackthread a le spoken word habité et la main tremblante, mais pas la voix : une voix narrative qui tient en haleine et déclame de façon presque cinématographique des textes évocateurs et captivants (« I’m in my room, lying on my bed, cold and wet from sweatening too much » … « and I feel like something is missing » « My heart is missing » « It was taken away » – de ce que j’ai pu retenir – peut-être l’intéressé me corrigera-t’il).
Il me faudra bien quelques longues minutes pour décrocher et revenir à la réalité, au terme de ce set vraiment étonnant, manquant peut-être encore d’un peu de préparation et d’automatismes pour réellement prendre toute son ampleur. Le disque devait être disponible vendredi – mais la faute à pas de chance, il faudra attendre encore un peu. Espérons qu’on aura en consolation l’occasion de revoir le projet sur scène à l’occasion de cette sortie, car sans aucun doute, c’est en live qu’il prend véritablement son envol. En vidéo (avec mes excuses pour sa bien piètre qualité) un titre intitilé « It feels like a heavy coat ». Et un autre ici.

[youtube]ixVn9V8c3to[/youtube]

Photo : Stéphanie Jacquet

3 comments
  1. abds69

    J’étais sur The Chap ce soir là, beaucoup de monde au Grrnnd zero Gerland…The Chap est un groupe communicatif et visiblement très apprécié du public et pas que du premier rang…
    A+

  2. Lionel

    Oui je connais :-) et d’ailleurs je crois bien qu’ils repassent à l’épicerie moderne avec Ebony Bones dans deux mois. Bien le concert? T’as filmé?

  3. abds69

    oui en partie avec max de RECMAG.COM et Laurent du Ground Zero. Sinon le groupe en première partie, Nickel Pressing, m’a bien plu et tu as une vid sur mon site pour se faire une idée.A+

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