La récente disparition, à l’âge de soixante cinq ans, d’un Shane Mac Gowan usé avant son heure, coincé dans un fauteuil depuis trois ou quatre ans, ferait presque oublier par son tragique et l’image d’un déclin annoncé, ce qui fit la grandeur et la rareté de l’homme en lui-même. Le public connaissait Mac Gowan à la fois pour son songwriting ciselé, mais aussi pour le folklore de ses excès et démons, surexposés par sa popularité et une industrie musicale qui n’a jamais craché sur l’imagerie dévastée des beautiful losers.
Quand nous découvrons Mac Gowan, en 1985 ou 1986, il est ce garçon longiligne et pâle, à la dentition compliquée, leader d’une étonnante formation punk rock, se basant sur une tradition folk irlandaise jusqu’alors véhiculée par des groupes spécialistes en ce domaine. Tels The Dubliners que The Pogues , donc, – nom argotique qu’on peut comprendre ou traduire par « kiss my a*** » -, contribueront alors à nous faire connaître.
La carrière de The Pogues puis celle en solo de Mac Gowan sont bien connues. Les collaborations avec Kristy Mc Coll ( « Fairy Tale of New York »), Joe Strummer ou Sinnead O‘ Connor ont tapé à chaque fois dans le mille. Shane sait écrire et composer des chansons brillantes qui saisissent et fédèrent. Les musiciens suivent, mélangeant avec énergie tradition et style punk ou new wave. Pour avoir assisté de très près à un concert de The Pogues au 15 août 1987, dans la salle de bal du grand hôtel de Tralee ( ouest irlandais) puis backstage, je peux vous assurer que mes mots ne sont pas exagérés. Ça bougeait!
Fin connaisseur de la rime rock comme de la littérature anglo-saxonne la plus pointue, de Yeats à James Joyce en passant par Burroughs, Mac Gowan était un lecteur cultivé. Il s’inspira de ses lectures et auteurs fétiches – tel le poète Dylan Thomas – et d’une écriture de folk songs populaires qu’il mit à la mode punk rock. La fin des seventies le voyait londonien, le jeune homme un peu en rupture ( déjà ) suivit ainsi le mouvement entre Pistols et The Clash, y adhérant sans aucune réserve. Nul besoin n’est de donner le détail des événements. Vous les connaissez comme moi. La période est largement documentée. Ce qui est moins connu, par contre, c’est que l’étendue de la culture de Mac Gowan dépassa au fil des ans les domaines littéraires et musicaux grâce auxquels il avait infiltré la société du spectacle…
Le musicien pratiquait en effet la peinture depuis son plus jeune âge. Inspiré des impressionnistes français, dit- il. Ainsi a t- il longtemps réalisé des peintures et des dessins, la plupart illustratifs de son processus créatif. Croquis, autoportraits de l’artiste en punk rebelle ont souvent été les formes et les sujets de ses créations griffonnées, colorées, tracées avec rudesse. Beaucoup ont été réalisées à partir de matériaux aléatoires et de trouvailles fortuites. Tels que des listes de courses , des serviettes, des pages de carnets réemployées. MacGowan déclarait : « En ce qui concerne mes matériaux, j’aime les pastels mais je n’y pense pas vraiment. Je peindrai ou dessinerai sur n’importe quoi, avec n’importe quoi. J’aime plus ou moins tout le monde, depuis Fra Angelico et Giotto jusqu’au dernier, comme le Caravage fut le dernier de la Renaissance avant de passer à l’expressionnisme ».
Ses oeuvres sont disponibles sur le site de Mac Gowan, par ailleurs représenté par une galerie londonienne. Un certain nombre ont été regroupées en 2021 dans un livre d’artiste à tirage limité.
Clochard céleste autodestructeur, ce qui finit par l’emporter, Mac Gowan fût surtout par-dessus cette montagne de souffrances, un très grand créateur. Un artiste qui sublimait un mal être, péniblement noyé dans de mortifères paradis artificiels jusqu’à plus soif. Souvenons nous davantage de lui par ce qu’il nous laisse, en témoignage de son humanité.
Dessins/ Techniques mixtes extraits de « The Eternal Buzz and The Crock of Gold » ( Shane Mac Gowan)
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.
Bougheddou Françoise
J’adorais c’est artistes ces chansons, sa musique je peux savoir où je voir d’autres dessins je les trouve très beaux.