Et si tout dans l’oeuvre discographique de Sébastien Schuller ne se résumait qu’à une question de décor? Si, à la manière des grands réalisateurs de cinema, il racontait encore et toujours la même histoire? Entre le trouble intimiste Happiness en passant par le pastoral et délicatement brumeux Evenfall jusqu’au dernier arrivé, le crépusculaire et urbain Heat Wave, les années passent avec trop d’attente et de régularité (cinq semble être le chiffre fétiche) mais ce serait avant tout le traitement musical qui se transforme. Ainsi, même si sur ce nouvel album, ce sont des influences électropop déclinées en une série de clins d’oeil appuyés aux années quatre vingt et new wave qui illustrent le vague à l’âme, au final, c’est toujours en premier le regard mélancolique du musicien qui persévère: fragile, aérien, et brillamment toxique.
Sébastien Schuller a déjà évoqué le film de Nicolas Winding Refn Drive comme la mise en image idoine de son nouvel album. Et effectivement, deux instrumentaux aux accents de thriller nocturne ouvrent (« Silent ») et concluent (« Tropical Storm ») le disque; balises opportunes et évidentes d’un disque comme le compte-rendu d’une balade de nuit en voiture. Des boîtes à rythmes sèches y dessinent un environnement urbain, y évoquent parfois le relief des grandes cités américaines jusqu’à provoquer une sensation de vertige voire de perte (les spirales hypnotiques de « Disillusion ») ou, au contraire, à en dénicher les havres de paix et l’horizontalité (« Asleep in a Japanese Garden »). Fait exprès du musicien? Les deux morceaux se suivent comme pour accentuer ce trouble de la hauteur.
La vague de chaleur est ici la cause d’un repli sur soi, instant propice à l’introspection mais, une fois de plus, le calme n’est que de surface chez Schuller; les tourments de l’intime y contaminent subrepticement et invariablement l’ensemble. Car même lorsqu’il s’imagine des pistes de danse construites selon les préceptes eighties d’Orchestral Manœuvres in the Dark (« Eternal Summer », OVNI du disque car sans doute le seul morceau ostensiblement lumineux), Depeche Mode (« Black Light » et sa rythmique imparable) ou Visage (juste immense « Regrets »), celles-ci ne sont qu’un écho précaire de ses propres souvenirs (« Memory – Les Halles ») et sont toujours hantées par des ombres plus ou moins perceptibles dont la langueur est rongée inévitablement par une mélancolie crampon, existentielle et tourmentée (les chœurs électroniques presque fantomatiques de « Nightlife »). Et pourtant, loin d’être anxiogène, cette orientation se révèle bienheureuse, révélatrice d’une vertu humaine élémentaire.
Derrière les beats martiaux et électroniques et ces autres claviers à consonance années 80, il subsiste donc chez Schuller cette constante : une inflexion à l’affleurement de l’âme humaine, cette observation sensible et respectueuse, tenue à distance, mais tout de même attentionnée et affectueuse envers l’objet de son discours. Sa musique prend alors les formes d’un être mesuré, au regard retenu mais paradoxalement toujours lumineux et survivant d’une discrète gloire.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.