Après quatre d’années d’attente, une palanquée de collaborations (Basement Jaxx, Spank Rock, Amadou & Mariam, entre autres…) et un changement de phonème dans le pseudonyme consécutif à une possible poursuite judiciaire, Santigold (auparavant Santogold donc et de son vrai nom Santi White dans la vie civile) s’est enfin décidée à révéler son deuxième opus : Master of My Make-Believe.
Le premier album intitulé Santogold, et donc éponyme du nom de l’artiste à l’époque pour ceux qui suivent, démontait respectueusement un large éventail de la pop moderne (soit la pop, le rap, la soul, l’electro, la world, le reggae et tout un tas d’autre chose…) puis le remodelait avec suffisamment de talent et d’intelligence pour rafraîchir par la même occasion le tristounet paysage musical de l’époque. Cerise sur le gâteau, cette première galette offrait de précieux singles, classes et déjà classiques, comme l’intemporel « L.E.S. Artistes » ou encore « Lights Out », délicat joyau qu’on aurait cru échappé des sixties et revêtu pour l’occasion d’apparats contemporains.
Pour son nouvel effort, Santigold a choisi de se faire épauler à divers niveaux par un ensemble de musiciens et producteurs renommés et variés (entre autres Karen O et Nick Zinner des Yeah Yeah Yeahs, Q-Tip de A Tribe Called Quest et Dave Sitek de TV On The Radio, qui dit mieux?) dont la présence est non seulement un gage de qualité mais démontre aussi la poursuite du caractère tout à fait protéiforme et plurisonore du propos de l’artiste, tout en réaffirmant sa place et son importance centrale au sein de la scène musicale new-yorkaise. C’est d’ailleurs toute cette thématique de la reconquête qui occupe Master of My Make Believe, explicitement illustrée et revendiquée sur la pochette de l’album dans laquelle la chanteuse se décline en trois avatars différents : tout d‘abord deux amazones en tenue légère et dorée, échappées d’un univers d’heroic-fantasy et montant la garde, puis grimée en maffioso androgyne et crâneur et finalement en hussarde guerrière sur un tableau accroché au mur. Le premier morceau de l’album, un « Go! » aux accents militaristes et en duo avec Karen O, ne laisse lui non plus pas de doute quant à son envie d’en découdre : « People want my power / And they want more station / Stormed my winter palace / But they couldn’t take it! / All the way to Paris / Ruin my reputation / Try to pull my status / But they couldn’t fake it! » tout comme « Look At These Hoes » sur lequel elle s’amuse de sa supériorité « I’m so dam Gold » face à toutes les pétasses suiveuses. Mais c’est finalement lorsque cette reconquête se fait plus universelle et sensible que le discours de Santigold atteint complètement sa cible, comme sur la balade mélancolique sous influence reggae dub « Disparate Youth » ou le très new-wave à connotation sociale « The Keepers ».
Si une légère inquiétude pointait avant l’écoute de l’album, accentuée par un « Big Mouth », premier extrait de l’album, qui sorti de son contexte avait des airs de ‘porte nawak et pouvait (encore) présager d’une (autre) artiste particulièrement douée mais bouffée plus rapidement que prévu par son propre égo, Master of My Make Believe rassure rapidement sur le talent de Santigold : de son aisance d’écriture, le soin de sa production toute en décalage de gros sons et détails délicats qui tuent, sa capacité à sortir LE single parfait jusqu’à son intuition pour s’entourer des bonnes personnes, même si l’influence de ceux-ci paraît parfois un peu trop envahissante (les crève-coeurs « This Isn’t Our Parade » ou « The Riot’s Gone » pourraient définitivement être des morceaux des Yeah Yeah Yeahs).
Comparé à l’album précédent, Master of My Make Believe gagne en cohésion, densité et parfois même en accessibilité comme lorsque la pop s’incruste tranquilou avec son pote le refrain fédérateur sur le rap tribal de « Fame ». Au final, il y a toujours autant d’évidentes facilités, de riches et contrôlées fusions stylistiques (les electro-rap-reggae-rajouteicitonétiquette- avec des soupçons de World Music de « Pirate In The Water » ou « Freak Like Me ») chez Santigold mais la douce et légère extravagance des débuts semble se dissiper peu à peu, remplacée par une sécurité artistique forte et réfléchie mais évitant les choix plus expérimentaux qui l’avaient vu débuter. On m’a depuis expliqué que l’on appelait cela la maturité et que, même inévitable, on a toujours tendance à trouver ce passage un peu triste.
« The Riots Gone »
« This Isn’t Our Parade »
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.