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Disques

Ruben Block / Looking To Glide

Peut-être plus connu au Bénélux que dans l’hexagone Ruben Block est, depuis la fin des années 1990, la guitare et la voix du trio belge Triggerfinger. Le groupe de Lierre tout près d’Anvers, au registre entre Blues rock et stoner rock, s’est souvent fait remarquer par l’impressionnante puissance de ses prestations live ainsi que par l’excellence de ses musiciens – cf la nomination du batteur Mario Goossens comme meilleur musicien de l’année 2011. Tenté par l’aventure solo, Block aura pris tout son temps pour ce premier album réalisé à cinquante ans passés, le flamand ne délaissant pas pour autant sa formation d’origine dont il reste un membre essentiel – on se souvient de l’intensité de Colossus en 2017, dernière production en date de Triggerfinger.

Produit par l’américain Mitchel Froom et Ruben Block lui-même, Looking To Glide vient de paraître le 30 septembre, enregistré par étapes tout au long des deux dernières années. Il y a un an, nous avions ainsi pu en entendre un premier extrait avec le single prometteur « Lights », titre sombre et dansant qui annonçait la volonté d’expérimentation et de sophistication de Block, qualités qui n’avaient rien d’étonnant de la part du musicien d’Anvers. Dans sa globalité Looking To Glide est rugueux, présentant un mélange réussi d’électronique et de guitares poussées vers leurs limites. « Better Best » sixième chanson d’un ensemble de onze, placée au centre de l’album, est sans doute l’illustration la plus nette de cette approche du guitariste, chanteur et compositeur qui joue ici avec le son, mixant les pistes avec originalité et tempérament. La chanson de 4 minutes qui débute comme une étrange ballade mi-acoustique mi-synthétique, se termine avec des guitares et des claviers entremêlés, entrecoupés d’appels en contrepoints puis pris dans un maelstrom sonore soudainement happé par le silence. Le crescendo conduit au vide… L’effet est saisissant. « That’s Just The Way » avec son rythme syncopé, a de prime abord un côté T-Rex qui met l’auditeur en confiance, avant que la dimension mystérieuse d’un mélange de voix ne prenne le pas sur le tempo entrainant. Même chose avec « Turning On a Fan » en ouverture du disque. Block y plaque un riff à la rudesse appuyée par le martèlement d’une batterie dont la caisse claire se distord. La voix du chanteur joue sur chaque couplet avec des intonations graves et inquiétantes sinon menaçantes, lesquelles sont présentes sur presque toutes les chansons. « Awake » second titre qu’on retient après « Lights » est, à mon point de vue, un grand moment de l’album. Il contient à la fois toute l’humeur et les intentions artistiques de Ruben Block. Son clip officiel nous montre un homme aussi élégant qu’à l’envers de lui-même, inconfortablement plaqué sur le toit d’un camion roulant dans une campagne morne: que fait-il là? Ce renversement surréaliste des données – renforcé dans la vidéo par une troublante image de fin étrangement cadrée – sont clairement voulus par l’artiste et leur récurrence ne doit donc rien au hasard. L’étrangeté serait ainsi la marque de fabrique de Block pour son travail solo. Soit le signe d’un musicien capable d’efficacité et de fantaisie sombre, à l’instar de celle visible dans les peintures de James Ensor à Ostende, mu par la volonté de créer au-delà des formats habituels. Musicalement, on retiendra des sonorités de guitare et des intonations de voix qui tout au long de Looking To Glide sont enrichies par une haute aptitude à dessiner des mélodies – la précision des refrains!- deux caractéristiques qui font indéniablement la signature stylistique de l’artiste sur ce disque très réussi.

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