A l’époque de son deuxième album Where Do We Go From Here, nous avions déjà parlé avec beaucoup de plaisir de Robin Foster: guitariste anglais débarqué depuis déjà plus d’une décennie sur les rivages de la Bretagne et fournisseur d’une musique en grande partie instrumentale et fréquemment qualifiée, à juste titre, de cinématographique tant elle s’imagine en enfilades de longs travellings. L’attente avait duré plus de trois ans entre ses deux premiers opus mais cette fois-ci, le musicien n’aura eu besoin que d’un peu plus d’un an et demi pour nous proposer à la fois la bande originale du film Metro Manila et l’album Peninsular. C’est bien entendu ce dernier qui sera le sujet de cette modeste bafouille. Financé en partie par les fans par le biais du crowdfunding, Peninsular a été envisagé comme un objet musical local, inspiré par la péninsule de Crozon, et plus précisément la ville de Camaret-sur-Mer, lieu de résidence du musicien.
Si Where Do We Go From Here représentait une pause propice au questionnement et dont l’immobilisme était marqué par la tragédie, Peninsular reprend doucement la marche en avant, le cours du road-movie initié avec le premier album, Life is Elsewhere. Mais tandis que celui-ci plongeait dans un univers urbain aux lumières artificielles, l’ambiance de Peninsular est plus opaque, plus tenue, les contrastes sont moins affirmés et l’avancée réapprend à prendre son temps (plus de sept minutes pour l’excellente conclusion « Peninsular »). Ce nouveau disque retrouve aussi le caractère instrumental de la musique de Foster; au contraire du second opus, il n’y a pas de chanteurs invités cette fois-ci, à peine quelques phrases échantillonnées sur le premier morceau « Pen Had », noyées dans le mix et donc difficilement audibles à l’exception d’un conclusif et réjouissant : « Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant?« , évident trait d’union avec le titre de l’album précédent (le bonhomme Foster apprécie ces clins d’oeil ; on se souvient de Ray Cokes introduisant Where Do We Go From Here) .
Car tout est finalement question de continuité chez Foster, rien ne penche vers la révolution. Son oeuvre se dessine en connexions, routes, déplacements, lieux à (re)découvrir. Sa musique, constante depuis les débuts dans sa stylistique atmosphérique toute en progressions et vagues à l’âme, est de celle qui accompagne les regards incertains au travers des hublots d’avion, des fenêtres d’hôtels ou des vitres de voiture. Elle est illuminée par une mélancolie qui s’étire entre une lumineuse et douce naïveté ( « Kerloc’h ») et un spleen ténébreux et agressif (« Sheriff of Lagatjar ») pour évoquer un voyage qui tient, bien entendu, tout autant de l’interieur et se nourrit de la beauté du mystère quotidien d’un environnement aux frontières indéterminées (« Finis Terrae »).
Près de quatre siècles après que John Donne ait écrit, en 1624, que « Nul homme n’est une île », Robin Foster le décrit comme un être inexorablement attiré par le large (un court interlude s’intitule d’ailleurs « Magellan »), rattaché au continent par une unique et mince bande de terre comme un fragile cordon ombilical. Il n’est pas tout à fait ici et déjà ailleurs.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.