Après deux premiers LPs d’excellente facture, le ciel s’était quelque peu assombri pour les rouge-gorge de Los Angeles. Il y a eu le départ de Josh Graham, remplacé tant bien que mal par Brendan Tobin (à la guitare) mais dont les visuels apportaient aussi au collectif une part de sa grandeur. Et puis il y a eu cet EP mi-figue mi-raisin, Aphorisms, pas vraiment mauvais ni bon, un disque avec lequel Red Sparowes semblaient vouloir rompre avec les méthodes d’écriture des deux albums précédents et en lequel ils ont peut-être investi l’espoir d’un changement trop brusque. Heureusement, les revoilà à leur meilleur niveau avec ce nouveau disque.
Il aura fallu tout ce temps-là pour que Red Sparowes trouve son rythme de croisière, s’affirme enfin en tant que formation à part entière – et abandonne l’image de groupe « all-star » ou side project de luxe qui lui collait à la peau. L’arrivée d’Emma Ruth Rundle à la guitare n’y est peut-être pas pour rien? Difficile de distinguer ses parties de celles d’Andy Arahood ou de Cliff Meyer, mais force est de constater que même s’il respecte désormais un schéma assez récurrent sur la durée de l’album (se partageant accords, arpèges et staccato) le jeu entremêlé des trois guitares est incroyablement bien équilibré. Et bien que cette particularité soit un peu devenu son leitmotiv, jamais les sonorités plombées et aériennes des six-cordes du combo ne se sont mariées avec autant de subtilité : en atteste ce titre final épique de sept minutes, « As Each end Looms and Subsides » cloturant le disque sur une mélodie puissante et étirée, absolument hypnothique.
Au fil d’arpèges longilignes et de variations de climats, même si les pistes ne se lient plus pour raconter une histoire de tout leur long, il reste dommage d’en morceler l’écoute car elles s’enchaînent et s’imbriquent parfaitement. On retrouve la pedal steel désormais traditionnelle (« A Swarm »), les riffs étouffants bourrés d’une épaisse distortion (« A Hail of Bombs »), mais tout en ayant laissé derrière lui les titres à rallonge, le groupe a intensifié son propos, en lui amenant davantage de finesse, de justesse, comme s’il avait parfait son savoir faire à force de persévérance. Personnellement, je n’en attendais pas autant. The Fear Is Excruciating, But Therein Lies The Answer est finalement une bien douce surprise : ne boudons pas notre plaisir.
Album en écoute intégrale sur Bandcamp
En écoute : « Giving Birth to Imagined Saviours »
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).