Ce vendredi 16 novembre 2007 était un peu particulier. Particulier, parce que rares sont les occasions dans notre bonne vieille ville de Lyon où on est amené à choisir entre deux concerts. Ce même soir, Gravenhurst se produisait à Oullins, au clacson, avec un certain Arnaud Michniak dont la presse musicale ne tarit pas d’éloges en ce moment. Mais la pop élaborée des deux derniers albums de Pinback – Autumn of the seraphs, et l’excellent Summer in abaddon – ajoutée au fait que les visites des californiens se font rares en hexagone, et que Gravenhurst avait déja joué à la Marquise l’année dernière, ont achevé de me convaincre…
Nous voilà donc aux Abattoirs de Bourgoin Jallieu. Cette SMAC (scène de musique actuelle) à son « ambiance » bien à elle: la cinquantaine de personnes dans le public (dont je fais partie – je n’accuse personne) restera quasiment léthargique tout au long de cette soirée. Peut-être est-ce en partie du à la carte du bar, ou thé et grenadine sont venus remplacer la bière « traditionnelle », peut être est-ce aussi à cause de ses choix de premières parties. Au risque de passer pour un con, prétentieux et élitiste, je dis qu’il faudrait vraiment arrêter de nous balancer n’importe quoi en ouverture des concerts, sous couvert d’éclectisme et de « découverte » de la scène locale. On avait déjà eu droit au phénomène lors du dernier passage de Venus aux abattoirs, pour qui avait ouvert un groupe Berjallien à la sauce Kyo « meets » Pleymo, pas trop mal fichu mais qui n’avait vraiment rien à faire sur l’affiche. Les états fédérés de Micronésie ont été les premières victimes de ce vendredi soir. Leur rock français n’a pas convaincu (comment pouvait il en être autrement devant un public venu voir Pinback) et ils ont passé leur set à batailler dur devant une fosse presque vide et totalement apathique. Quarante-cinq minutes à l’issue desquelles on se dit, encore une fois, que programmer des artistes en première partie d’un groupe avec lequel ils n’ont absolument aucune affinité artistique n’est vraiment pas la meilleure façon de leur rendre service. Et je ne veux pas croire que la scène locale (ou régionale en l’occurence) soit pauvre au point de ne pas avoir d’artiste à proposer pour chaque type de programmation.
Quoiqu’il en soit, Pinback n’arrivera pas non plus à déchaîner la foule, c’est le moins qu’on puisse dire. Pourtant, leur pop alambiquée sonne de façon beaucoup plus énergique sur scène, notamment sur les titres du dernier album, donc la production reste somme toute assez lisse. Ici, le son est brut, la basse proéminante; les voix mêlées de Rob Crow et Zach Smith viennent habiller les chansons de façon élégante, élaborée, et très efficace. Alternant titres de leurs trois derniers albums Summer in abaddon (Non photo blue), Autumn of the Seraphs (Good to see, Bouquet, From nothing to nowhere, How we breathe) et Blue screen life, les cinq musiciens tiennent la scène avec décontraction et humour. L’ambiance est très bon enfant, et entre deux titres, Rob Crow ne manque pas d’amuser la galerie avec quelques blagues – voire quelques vannes bien placées: « We want to thank you for coming after the funeral. It must’ve been horrible » (Nous voulons vous remercier d’être venus après l’enterrement… Ca a du être horrible, NDLA). Sans être réarrangées, mais juste grâce au son, les chansons prennent une toute nouvelle forme sur scène et Pinback devient un autre groupe que sur ses disques, indéniablement. Zach Smith est impressionnant de dextérité à la basse, bien plus qu’à l’utilisation de ses cordes vocales, et Rob Crow, lui, a parfois du mal à jongler entre sa Les Paul, son micro et sa canette de Guinness. Quant au guitariste sur la gauche de la scène, il a juste l’air complètement à l’ouest. Après un set bien rempli, qui se sera somme toute déroulé assez vite, le public parvient tout de même à arracher un court rappel de deux morceaux, et l’ambiance semble se dérider un peu. Mais le concert s’achève déjà, et les lumières se rallument… L’excellente prestation de Pinback n’aura manqué de rien, sauf peut-être d’un peu plus d’enthousiasme de la part du public… Il en manquait peu pour faire de ce concert un moment vraiment mémorable.
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).