Pete Astor aime la France et Paris, et le public français aime Pete Astor. On se souvient de The Loft et des Weather Prophets, formations dont il fût le leader, qui firent les beaux jours du label Creation au mitan des eighties britanniques. Les années, évidemment, ont passé depuis cette époque qu’on appelait celle de la new wave. Un passé devenu lointain ? Il se pourrait que celles et ceux qui ont aimé l’écriture musicale de Peter Astor dès 1984 et les premiers singles de The Loft, » Why Does The Rain » en tête, en gardent quelque nostalgie ? » Nous étions jeunes et nous étions fiers, et la vie était juste une porte ouverte » chantait New Order dans « Face Up » (Low Life). Quoi qu’il en soit, ceci n’enlèvera rien aux qualités d’un auteur-compositeur qui, devenu maître de conférences en musicologie à la Westminster University, a su poursuivre une carrière solo depuis la séparation des Weather Prophets en 1988, tout en restant, au fil d’albums à l’écriture ciselée, un song-writer élégant au classicisme immédiatement reconnaissable.
Après la sortie récente de Time on Earth, le rendez-vous est donc pris depuis longtemps, pour retrouver Pete Astor sur scène au Petit Bain. Le lieu, en bord de Seine, est bien connu des amateurs de musique indé. A taille humaine, le club paraît presque familial et c’est avec plaisir qu’on s’y retrouve dans une certaine intimité. Attablé avec ses amis au restaurant de la péniche, le maître de la pop indé nous accueille d’emblée avec le sourire. Pas star pour deux sous, il se fait ensuite discret et attentif dans la salle pour assister à quelques chansons de Theory of Ghosts (ex Piano Magic), qui ouvre la soirée dans un registre pop idoine pour préparer le concert suivant.
Telecaster en bandoulière, portée haute sur une veste de travail boutonnée, le sexagénaire toujours svelte entre sur scène avec l’allure d’un artisan pop. Il est salué avec joie par un public acquis, essentiellement quinquagénaire, mais relativement peu nombreux à notre surprise. La salle est aux trois quarts pleins et, s’il y a une attente évidente, on n’assiste pas à la bousculade qui accompagne les premiers accords des formations plus jeunes ou d’une nature plus énervée. A dire vrai, concert et public resteront dans une relation complice et confortable tout au long des quatorze titres joués, ambiance qui siéra à la distinction sans ostentation de la musique du londonien
Pete Astor, sur la scène du Petit Bain, est d’abord concentré, visage légèrement tendu. Il joue en arpèges et accords de première position, déroule ses chansons, accompagné des formidables musiciens Andy Lewis (basse) et Ian Button (batterie). La formule trio, efficace, pourrait sembler un peu sèche ou réduite en regard des harmonies présentes et possibles dans le répertoire d’Astor. Mais on a pris l’habitude de ce type de formation lors des prestations live de l’ex Weather Prophet. Il y a ainsi dans ce set, quelque chose d’un Velvet Underground qui aurait dompté ses élans les plus sauvages, des Feelies qui seraient nés sur les bords de la Tamise, ou de Felt sans la moue renfermée de Lawrence. Le son est beau, cristallin, les trois musiciens réussissant à magnifier les mélodies des classiques » Mister music », » Why Does The Rain » et » Almost Falling In Love ».
Mis en confiance, notre élégant se détend, sourit et nous confie des anecdotes entre chaque morceau. Un hommage à Pat Fish (Jazz Butcher Conspiracy), récemment disparu, nous émeut avec le titre » Fine and Dandy » qu’on retrouve sur le dernier album. Faisant la part belle à ses nouvelles compositions, Astor joue « Time on Earth », très convaincant, précédé d’un « English Weather », à la magnifique mélancholie, qui démontre toute la maestria dont l’auteur-compositeur sait faire preuve, au travers d’une écriture aux apparences de simplicité et d’une belle limpidité. Le rappel de trois titres inclut la reprise de « She took the TV », incontournable master piece des Weather Prophets.
Après le concert, c’est naturellement que le partage se poursuit dans la salle pour qui veut échanger autour d’une séance de dédicace. L’homme de la soirée est affable, souriant et gentleman. La classe assurément. Les années new wave sont passées mais Pete Astor demeure, intemporel.
Live report établi en collaboration avec Isa Kermet. Crédits photos et vidéos: Isa Kermet.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.