C’est le type de flirt auquel nous nous promettions de ne plus succomber tant la formule nous semblait évidente, que les ficelles nous paraissaient grosses: deux soeurs adolescentes aux voix fluettes et aux compétences musicales ultra limitées, composant des fantômes de chansons dans leurs piaules, enfilant les mélodies simplissimes comme des comptines sur trois accords de guitare, une boîte à rythmes et un glockenspiel avec pour gage d’étrangeté et d’exotisme leur gémellité, leur insularité, leur nationalité étrangement toujours fascinante (elles sont islandaises) et l’adoption du pseudonyme si astucieusement approprié de Pascal Pinon (un mexicain bicéphale du début du 20ème siècle s’exhibant dans les cirques). Evidemment, tandis même que nous évaluions la situation, nous savions déjà que la partie était perdue et que nous finirions de toutes manières par succomber.
Le deuxième album de Pascal Pinon intitulé « Twosomeness », est sorti, sur la pointe des ballerines, en début d’année (de ce côté-ci de DarkGlobe, on a désormais décidé de ne plus vraiment se soucier des retards de livraison de chroniques, leur préférant la plupart du temps notre championnat de papier ciseaux) sur le label allemand Morr: douze chansons de folk décalée à la naïveté insolente et évidemment imaginées dans un coin de chambre, aux textes parfois islandais, parfois anglais. La production d’Alex Somers (Sigur Rós, Jónsi) sur l’album, lumineuse de justesse, dessine un habillement sonore aux soupirs vocaux ou instrumentaux échantillonnés, aux choeurs de l’éphémère adolescence, tout en préservant le bricolage des compositions, cette beauté dans la maladresse, de l’amateurisme talentueux, de la singularité de la précaire jeunesse pour réussir à conforter la douce force de la mélancolie de cette musique. Une harmonie que même l’utilisation de l’obscure langue islandaise ne vient pas dérégler mais qui rajoute plutôt de l’authenticité, de l’intimité et du secret à l’atmosphère de l’oeuvre. Twosomeness est un disque sur lequel les passions entre adolescents et adultes s’inversent (« Good And Bad Things), où les troubles se vivent sur un mode apaisé (« Somewhere »), privilégiant une intériorisation délicate et épurée aux lumières tamisées et naturalistes (« Þerney (One Thing) »), sur lequel les jumelles s’amusent avec la sonorité des mots, allant jusqu’à utiliser le nom du pianiste prodige russe, « Evgeny Kissin » pour le plaisir de décliner la phrase « Evgeny kissin’, on my cheek« , ou soufflant des frissons sur la peau pour une séduction insidieuse et vénéneuse en contrastes équilibrés, aux vocalises comme autant de battements de coeur, à la respiration proche de la ligne de flottaison (juste magnifique « Bloom ») et finalement conclure sur la berceuse « Rifrildi » comme une invitation à se revoir pleine de promesses.
Tout le charme de Pascal Pinon se résume sur la pochette de l’album: les silhouettes de dos des deux jeunes se découpent en contrastes sur la mer comme le mystère de l’insularité identitaire géographique et de la jeunesse; une énigme qui ne se soucie pas d’une quelconque réponse mais se contente de ces fragiles bulles d’introspection qui se faufilent lentement et inexorablement jusqu’au palpitant. C’est plus que suffisant.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.