Avec History of Modern, OMD avait raté une marche dans l’escalier du retour. Plutôt dommage après 14 ans d’absence ! La pochette, qui fait immanquablement penser à celle du Man Machine de Kraftwerk, était pourtant prometteuse, mais elle recelait une galette sans saveur. Grâce à English Electric, OMD se rattrape à la rampe et nous procure le plaisir que l’on espérait de l’opus précédent. Et là, la pochette ne ment pas : tout droit sortie des studios Saville, elle rappelle celle, élégante et astucieuse, d’Architecture & Morality (A&M où la patte de Peter Saville « himself » est immédiatement reconnaissable). Et de fait, il n’y aura pas que la pochette pour rappeler cet excellent album… quant à l’influence de Kraftwerk, elle ne sera pas non plus démentie : non seulement Karl Bartos a répondu présent, mais English Electric est traversé de cet esprit expérimental habituel chez Kling Klang, et OMD de faire des clins d’oeil au grand frère, sans complexe.
Après une introduction de 44 secondes par une hôtesse électronique, le premier vrai titre, « Metroland », annonce la couleur et résume l’esprit de tout l’album : audace (un titre de plus de 7 mn !), influences « kraftwerkiennes » et retour aux bonnes vieilles recettes, telles ces nappes de voix échantillonnées comme dans A&M. Vient ensuite un petit air de synth-pop, mignon comme la serveuse que l’on aime à regarder derrière son comptoir le temps d’avaler un crème, et que l’on oublie tout aussi rapidement sitôt l’établissement quitté. Jusqu’à ce que l’on se surprenne deux jours plus tard à siffloter cette mélodie accrocheuse… inutile de se mentir, on a bien envie de retourner au « Night Café ». « The Future will be silent » : l’OMD qui ne passe pas à la radio. Expérimental façon « Dazzle Ships ». La voix ne rappelle-t-elle pas celle d’Helena ? « Helen of Troy » (tiens, justement !) : l’OMD qui passe à la radio. L’épouse de Ménélas succède sans difficulté à la Jeanne d’Arc d’A&M. Dans la foulée, OMD nous sert un « Our System » comme on sert la daube : n’est-elle pas meilleure réchauffée ? Puis déboule Herr Bartos. Au cas où l’on aurait un doute, « Kissing the Machine » est même agrémenté de quelques mots d’allemand. Avec « Decimal », on repense à « Times Zones » (Dazzle Ships). Un autre morceau d’audace expérimentale. Il en faut pour oser ces petits intermèdes, c’est le liant qui fait la sauce. Pas de problème, OMD maîtrise la recette. Et puis voilà ce qu’on voyait venir (« Métroland » étant un peu longuet, à moins d’une version « radio edit »…) : le tube potentiel, avec « Stay with me ». Puis OMD remonte carrément à la période Organisation et nous balance avec « Dresden » rien moins que la suite d' »Enola Gay ». Non, ce n’est pas exagéré, écoutez cette mélodie tendue par une rythmique rageuse, et souvenez-vous du 13 février 1945… suite à quoi vient un « Atomic Ranch » puisé dans la même veine que « Decimal ».
Et puis un « Final Song », parce qu’il en faut bien un. L’album est fini. Pas OMD.
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Mon nom est « Personne », en portugais « Pessoa », tel le Lispoète « immobilis in mobili ». Telle devrait être la devise du Nautilus, puisque pour voyager, « il suffit de fermer les yeux » (L. F. Céline). Et ouvrir les oreilles, ce que je fis de prime jeunesse avec les paternels 45 t. des Shadows, suivis du déclic-klang Kraftwerk en 1978, puis vint 1983 : découverte de Joy Division, Marc Seberg… Puissé-je de temps en temps refaire surface ici et vous ouvrir mon carnet de bord.