« This is a song for anyone with a broken heart ». Aaaah, l’Amour. Thème visité et revisité, source d’inspiration intarissable, puits sans fond dans lequel furent jetés d’innombrables chansons, romans, pièces, œuvres dramatiques… Mais quel thème plus historiquement universel que celui-ci. Et surtout, quel meilleur exutoire que l’écriture ou la composition pour noyer le chagrin d’une rupture (toi, là au fond, qui vient de crier « l’alcool », tu sors, tout de suite). Charlie Fink le savait bien, il a juste fallu qu’il se fasse plaquer par sa vocaliste de Laura Marling (membre du groupe depuis ses débuts) pour se rendre compte à quel point cela pouvait sublimer son potentiel créatif.
Parce que The First Days of Spring est un disque simple et complexe à la fois, dont le message et le contenu tournent tous deux autour du même sujet – la rupture, la dépression qui s’en suit et la rémission qu’il faut bien finir par trouver – mais dont la structure et le déroulement se rapprochent davantage d’un film que d’un simple album (la version deluxe inclut d’ailleurs un DVD dont le trailer est visible ici). Usant de sa formation (guitares, violons, pianos, cuivres) le groupe revisite ses influences – on y trouve autant la folk pop intimiste de Belle & Sebastian que les envolées lyriques d’Arcade Fire – et les met au service de son propos de la façon la plus judicieuse qui soit.
Le disque peut se décliner en trois actes distincts, que je ne saurais mieux décrire que l’a fait cette chronique par ici : d’abord la phase de déprime, pendant laquelle le monde semble ne plus avoir aucun autre goût que l’amertume de l’amour perdu, et cette espèce d’espoir pathétique, « For I’m still here, hoping that one day you may come back », comme le chante « The First Days Of Spring » avec ses violons et leur imposante ascension ; puis la période de perte de soi même, imagée à merveille par « Stranger ». Enfin, se profile à l’horizon comme une guérison inattendue autant qu’inévitable, parce que les choses sont comme çà, que les blessures finissent par cicatriser, que le futur devient le présent et qu’il a parfois un visage familier et réconfortant. A force. « My Door Is Always Open », et sa pedal-steel envoutante, clôturent sereinement le disque : « But now I’m free from all your pain. » Voilà l’éventail de sentiments, dont ce deuxième album de Noah and The Whale dresse un joli portrait, avec une sorte d’innocence adolescente que certains pourront trouver exaspérante mais qu’on apprécie plutôt par ici. Et puis, il y a tous ces clins d’oeil, ces images, ces références à Bonnie Prince Billy / Will Holdam et The Velvet Underground qu’on se plait à revoir comme un vieil album photo oublié et retrouvé au fond d’un tiroir. De quoi nous laisser présager un bel avenir. Et qu’est ce qu’on espère d’autre en la matière, au fond?
En écoute : « The First Days Of Spring »
[audio:http://www.afreeman.org/podpress_trac/web/3424/0/NOAH_TheFirstDaysOfSpring.mp3]
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).