Si on se réfère à Time Of No Reply (1979), album rassemblant une série de chansons non réalisées par Nick Drake, on pense que février 1974 fût le mois d’enregistrement des quatre dernières composition du folk singer anglais. Il y a exactement cinquante ans…Ces quatre titres considérés sont « Voices » (aussi connu comme ‘’Voice from the Mountain’’), « Black Eyed Dog », « Rider on the Wheel’’ et « Hanging on a Star ». Or, enregistrés avec Joe Boyd, mentor et découvreur de Drake en 1969 quand le jeune homme de dix huit ans n’était encore qu’un étudiant à Cambridge, ces titres ultimes ont sans doute été capturés bien plus tard. Probablement en juillet 1974, selon les sources données par la sœur de l’artiste et par le journaliste Nick Kent, spécialiste de Drake. Ces éclairages précis, peuvent ils, en conséquence, nous laisser supposer que Drake, pourtant retiré chez ses parents, n’en avait peut-être pas fini avec la musique, ainsi qu’on le pense habituellement?
Remembered for a while, livre écrit par Gabrielle Drake qui associe les témoignages du producteur John Wood à ses propres souvenirs, rapporte sur ce point l’existence de premières sessions guitare en 1973. L’instrument est joué seul sans aucun chant, la production en étant restée relativement brute. Puis Drake serait revenu sur ce matériel en octobre de la même année, toujours avec Joe Boyd, sans pour autant trouver de véritable conclusion. Un enregistrement final guitare/voix n’aurait alors été réalisé qu’en juillet 1974 et non pas février selon la sœur de l’artiste. Ce qui est aussi la version de Nick Kent, parue dans son article qui suivit la disparition du musicien quelques mois plus tard.
Cette nuance changerait notre point de vue sur l’intérêt de Drake pour la musique et la poursuite de sa carrière… On peut de fait considérer qu’un quatrième album était en chemin pour celui qui avait cessé de se produire sur scène après son premier disque, ne donna qu’une seule interview radio et dont nous ne possédons aucune véritable image filmée ( à l’exception de quelques secondes du jeune homme marchant dans la foule d’un festival).
A quoi aurait donc ressemblé cet autre disque s’il avait abouti? Et quelles étaient alors l’humeur et les intentions du musicien inventeur d’un folk-baroque? Les quatre enregistrements de juillet marquaient ils un vrai retour, ou bien un effort pour s’extraire d’une torpeur qui allait emporter l’artiste? Nous ne le saurons jamais. Mais ces ultimes titres restent des échos du travail de Drake, décédé le 25 novembre 1974 à seulement vingt six ans. Il faut les voir comme des gestes artistiques témoins d’un temps qui n’existe plus. D’une œuvre qui traduisait l’ambiance créative du West London au tournant des années 1970 et d’ un tempérament musical rare.
Les trois albums studio Five Leaves Left (1969), Bryter Layter (1970) et Pink Moon (1972) demeurent parmi les plus beaux exemples d’un renouveau folk anglais, mettant en valeur la guitare en tant qu’instrument riche de possibilités. Par ailleurs, pétri de littérature anglaise, Drake sut comme aucun autre de sa génération, écrire et chanter des textes ciselés empreints d’une belle mélancolie, valorisés par de rares harmonies vocales.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.