Disparu il y a un an à l’âge de 65 ans, Shane Mac Gowan, figure du punk et icône de la musique irlandaise, aura brûlé la chandelle par les deux bouts. Le chanteur de The Pogues, victime de ses addictions, notamment un alcoolisme enraciné dès l’enfance, fût avant tout un poète rock de premier plan dont l’œuvre littéraire s’inscrit dans la lignée de celles de Dylan Thomas et de Brendan Behan, auteurs beat mais aussi grands buveurs irlandais… Chacun le sait, ce qui révéla les talents d’écriture et de dessin de Mac Gowan (cf son œuvre moins connue en arts visuels), fût sa plongée corps et âme dans le mouvement musical punk rock après qu’il eût entendu The Sex Pistols en 1976, puis The Clash dont il ne ratait aucun des concerts londoniens.
L’ histoire du chanteur des Pogues ( formés en 1982) n’a jamais été racontée dans son ensemble. Richard Balls s’en est chargé en publiant A Furious Devotion qui sort en traduction française cet automne aux éditions Quai Voltaire. Le livre est particulièrement bien renseigné, s’appuyant sur de nombreux entretiens réalisés avec Mac Gowan et son épouse Victoria Mary Clarke.
Marginal ingérable, le chanteur, front man sans limite, est devenu un héros national irlandais à la fin de vie sinistre, cloué sur un fauteuil roulant (bassin fracturé suite à un violente chute), avant d’être emporté par une encéphalite incurable. Le livre de Richard Balls retrace les étapes clefs de la vie du grand parolier, sans doute un des plus importants de sa génération ce qui justifie toujours d’écouter The Pogues en 2024. L’auteur décrit les séjours d’enfance dans la maison de famille du Comté de Tipperary, la vie à la ferme et à la campagne avec une mère mannequin peu regardante sur le cadre éducatif à donner à son fils… Puis le retour en Angleterre et l’adolescence londonienne, marquée par un mouvement punk qui change la vie du garçon de dix neuf ans, lequel se fera exclure de son école d’art pour prise de drogues… Les excès viennent ensuite, décrits sans complaisance. L’auteur ne cache pas les abus qui ont trop souvent mis l’homme en péril, contribuant à l’éviction de son propre groupe au début des années 1990, avant une reformation tardive (mais ponctuelle) à partir de 2001, Mac Gowan restant encore en lutte avec ses démons intérieurs.
En plus d’entretiens exclusifs avec Shane, le livre laisse la parole à des membres de sa famille ainsi qu’à des proches l’ayant fréquenté à divers moments de sa vie. Notamment son professeur d’anglais qui, le premier, repéra le talent de poète du jeune homme avant qu’il ne soit révélé au public sous les formes que nous connaissons.
Mac Gowan fût un artiste romantique de la fin du XXème siècle et du début de ce XXIème si peu romantique … Un grand poète, avant d’être un « grand punk », mort autant de ses excès que de n’avoir pu gérer une trop grande sensibilité finalement dévastatrice.
Livre paru le 17/10/2024 chez Quai Voltaire en traduction française. 448 pages.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.