Oh, je reviens tout juste du Pays du Soleil… et qu’est-ce ce que je trouve dans ma boîte à lettres ? Non pas un télégramme m’annonçant ma propre mort, mais un coffret gris argent. Est-ce donc ce que j’attendais depuis si longtemps ? Vite, déballons !
Une feuille de papier glacé révèle d’emblée un contenu alléchant pour cette « édition définitive » du troisième album de New Order, Low-life (sorti le 13 mai 1985 sous la référence FACT 100) : un LP replica en vinyle 180 g et son jumeau en CD, un livre broché de 48 pages, un autre CD de raretés et deux DVD.
Tirant sur un élégant ruban noir, on découvre un livre d’aussi belle facture que le contenant, et le contenu ne déçoit pas l’amateur d’objets souvenirs (clichés de cassettes de sessions d’enregistrement, d’instruments, de notes manuscrites, etc… jusqu’au mignon petit pull eighties porté par Gillian Gilbert dans la vidéo « The Perfect Film » présente sur le second DVD). Le tout est agrémenté d’anecdotes et d’impressions sur chaque morceau rapportées par les membres du groupe, auxquels se joignent Michael Johnson (ingénieur-son de l’album) et Peter Saville, génial concepteur de la pochette du disque. La mise en page du livre est soignée, agréable nonobstant la reproduction d’un article de Cath Caroll en blanc sur fond gris ; très chic, mais cela rend le texte assez difficile à lire. L’ouvrage est presque un sans-faute, mais le diable se cache dans les détails, en l’occurence une majuscule superflue dans le titre ! Eh oui, il eût fallu imprimer Low-life et non Low-Life !
La réplique du vinyle est fidèle, la fameuse pochette en papier calque est même reproduite pour la version CD de l’album. Hélas, l’idée géniale de Saville n’a pas été suivie jusqu’au bout, car ni le LP ni le CD ne permettent, comme l’édition originale, de modifier la pochette à sa guise.
Le CD de raretés (presque entièrement instrumental) se présente comme une compilation d’inédits, ce qui est inexact. Le morceau le plus intéressant est « Elegia » dans sa version longue intégrale (17′ 31 »), mais il figurait déjà sur le CD bonus du coffret Retro (2002). Idem pour la version instrumentale de « Sunrise », beaucoup plus rare mais déjà sortie en 1985 dans la compilation Discreet Campaigns. Cela fera quand même des heureux. Les collectionneurs « complétistes » se réjouiront d’entendre quelques morceaux à divers stades de leur composition (« Sooner Than You Think », « Subculture », « Face Up », « Sunrise », « Love Vigilantes », plus deux ébauches de titres absents de l’album : « Let’s Go » et « Skullcrusher », finalement retenus pour la B.O. du film Salvation). On trouvera aussi des inédits aux allures de musique de jeu d’arcade (« The Perfect Kiss », « Untitled No. 1 ») et un morceau « Untitled No. 2 » assez proche de Taxi Girl dernière période (album 84-86).
Outre « The Perfect Film » (vidéo officielle du titre quasi éponyme), les DVD contiennent des concerts de 1985 : Tokyo (version quasi intégrale du concert du 2 mai, déjà sorti dans le DVD Pumped Full of Drugs), Rotterdam, Louvain, Toronto (concerts entiers), et une séquence de trois morceaux filmés à la légendaire Haçienda de Manchester. On y retrouve avec un plaisir non dissimulé les maladresses de Barney, le jogging de Hooky, le mondrianesque T-shirt publicitaire de Stephen et l’irréprochable Gillian.
Pour en revenir à l’album lui-même, Low-life est l’opus par lequel New Order s’est révélé à lui-même, après deux albums dont le premier (Movement) ne parvint pas à s’affranchir de Joy Division, tandis que le suivant (Power, Corruption and Lies) ne fut qu’une tentative – certes enthousiasmante – de trouver une voie nouvelle. Cap franchi avec Low-life qui, contrairement à ce qu’en signifie le titre, n’est pas un disque de vauriens. Si vous ne possédez déjà l’album, le coffret comblera magistralement cette lacune ; si vous l’avez déjà, c’est vous-même que cette édition comblera, définitivement.
Mon nom est « Personne », en portugais « Pessoa », tel le Lispoète « immobilis in mobili ». Telle devrait être la devise du Nautilus, puisque pour voyager, « il suffit de fermer les yeux » (L. F. Céline). Et ouvrir les oreilles, ce que je fis de prime jeunesse avec les paternels 45 t. des Shadows, suivis du déclic-klang Kraftwerk en 1978, puis vint 1983 : découverte de Joy Division, Marc Seberg… Puissé-je de temps en temps refaire surface ici et vous ouvrir mon carnet de bord.