Nada Surf reste, je m’en rends compte presque en l’écrivant, l’un des rares survivants de ma discographie d’ado. Entendez par là que bien peu des groupes ou musiciens que j’écoutais dans les années quatre vingt dix ont encore à mes yeux et à mes oreilles quelque chose d’intéressant à dire ou à jouer. Pourtant, j’ai toujours réussi à trouver des excuses à Matthew Caws, séduit par son écriture et sa voix à chaque nouvel album, même lorsque je disais moi-même que même si ces derniers n’avaient en eux rien d’extraordinaire, j’y trouvais toujours quelques morceaux imparables à fredonner ou à jouer sur mon épiphone: « Inside of Love », « Blonde on Blonde » ou « 80 Windows ».
C’est à peu près la même chose à chaque fois que j’ai eu l’occasion de voir le groupe en concert. Au transbordeur, la plupart du temps si l’on excepte leur passage aux Eurockéennes de Belfort en 1997 – puisque les New Yorkais semblent avoir une affection toute particulière pour cette salle, comme ils le disent eux-même.
Après une première partie un peu tiède (assurée par Waters, un jeune groupe de San Fransisco) sur laquelle on ne s’attardera pas, le concert de Nada Surf commence avec deux extraits du nouvel album; l’occasion de se rendre compte que le son est plus dense et plus épais que par le passé. Le trio est devenu un quintette, Matt Caws, Ira Elliott et Daniel Lorca sont désormais accompagnés par un second guitariste (Doug Gillard, ex Guided By Voices) et un multi instrumentiste (Martin Wenk, Calexico) qui officie le plus souvent au clavier mais prend parfois la basse, la guitare… Ou la trompette. Son plus touffu donc mais on retrouve vite une certaine légèreté dans l’exécution, qui sied bien à l’ambiance bon enfant qui s’installe dans la fosse du transbo. Une fosse enthousiaste mais plutôt disciplinée, ben ouais, que veux-tu, le même public qui pogotait joyeusement sur « Hyperspace » et « Bacardi » à la veille de l’an 2000 a trente cinq ans maintenant, et la tête blonde à coté de nous qui demande à sa maman de lui filer de quoi aller s’acheter une bière fait un peu figure d’exception. Le groupe, lui aussi, a pris quelques années, et dans son cas on peut dire que c’est pour le meilleur, car si les chansons ont su garder une fraîcheur et une jeunesse évidentes (« Teenage Dreams », « When I Was Young »), les arrangements eux ont gagné en maturité et en finesse. La formation qu’on voit sur scène est la même qui a donné naissance à The Stars Are Indifferent To Astronomy en studio et cela s’entend: il y a une vraie osmose entre les musiciens qui fait plaisir à voir, même sur les anciens titres qui se voient parfois revisités d’une façon des plus surprenantes – à l’image du sublime « 80 Windows » qui s’agrémente d’une extraordinaire partie à la trompette jouée par Wenk à la sauce Calexico (forcément), point culminant de ce concert pour ma part (vidéo ci-dessous).
[youtube]JG7ducOAwl4&[/youtube]
Après un set d’une bonne heure et demie ponctuée entre les morceaux par les interventions au micro de Caws*, toujours (poum poum) dans un français presque parfait malgré quelques « syntaccidents » comme il les appelle lui même, vient un premier rappel, puis l’inévitable « Popular » envoyé de façon presque automatique et mécanique (on ne peut pas leur en vouloir, ils le jouent depuis quinze ans avec la même constance) qui confirme surtout à mes yeux le chemin accompli depuis 1996, et le plaisir certain qu’ on aura à retrouver le groupe lors de son prochain passage dans les environs…
La setlist (merci @ tu sais qui) :
Clear Eye Clouded Mind
Waiting For Something
Happy Kid
Whose Authority
What Is Your Secret
Teenage Dreams
Weightless
Jules & Jim
The Future
80 Windows
When I Was Young
Yer Head
Hi-Speed Soul
Concrete Bed
See These Bones
–
Blonde On Blonde
Always Love
Looking Through
–
Popular
Blankest Year
* pour l’anecdote, s’excusant de ne pas avoir bossé « Blizzard of 77 » avec le groupe, Matthew Caws répondit aux demandes insistantes de ce morceau par la promesse de la jouer en acoustique, au club, juste après le concert. Promesse tenue, et un joli moment de spontanéité!
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).