La meilleure chanson pop britannique des dix dernières années a peut-être été écrite par un français. Richesse dans les arrangements, écriture musicale à la fois complexe et sensible, « Today » ouvre le EP du même nom de My Broken Frame de la plus belle des manières, à la manière d’un classique instantané. Le morceau débute avec des cuivres évoquant des Boo Radleys période Wake Up! ou un Divine Comedy des années quatre-vingt-dix, le côté tape à l’oeil en moins, et s’enroule autour d’un délicieux et entraînant refrain explorant ce rare territoire où se cache un bonheur doux amer gonflé à la mélancolie.
En comparaison, les trois autres morceaux de l’EP, tout en conservant la même obsession de la mélodie, sonnent sensiblement bien plus dépouillés. « Shiny », tout en intimité, jongle, avec sensibilité mais sans sensiblerie, entre un piano et des choeurs féminins et s’imagine comme un échange de tendresse entre deux amoureux. « Skip This », avec son tempo de paresseux (l’animal, pas l’humeur) a tendance à pencher un peu trop vers le classicisme. Tandis que « Nineteen », dont la structure résonne comme un écho sous codéine du morceau d’ouverture, soutenu par une guitare folk et se finissant par une boucle hypnotique, conclut cet EP tout en douceur.
Si ce dernier est définitivement porté par « Today », tous les morceaux témoignent sans réserve du talent de compositeur et des qualités d’arrangeur de Guillaume Léglise, l’homme sous le pseudonyme de My Broken Frame (et accessoirement membre des Go Go Charlton) et qui maîtrise son sujet comme peu.
A l’environnement musical pop actuel où la tendance semble se focaliser autour d’un DIY marqué par des urgences de production et de diffusion, entraînant trop souvent le caractère éphémère du plaisir de l’écoute, My Broken Frame répond avec une musique sophistiquée juste comme il faut, subtile, harmonieuse et construite pour durer.
En écoute: « Today »
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.