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Disques

Moby / Innocents

Moby_Innocents_aJe ne me souviens plus vraiment de la dernière fois où j’ai écouté intégralement un album de Moby. Si j’en crois ma cédéthèque, c’était sans doute voici déjà cinq ans, au moment de Last Night, son album disco et déclaration d’amour à la scène de dance music new-yorkaise; souvenir pas désagréable mais tout de même assez flou. J’avoue avoir ensuite un peu lâché le morceau et les deux disques suivants de l’ancien New-Yorkais sont passés totalement inaperçus de mes yeux jusqu’à mes tympans. Malgré cette disparition progressive d’intérêt, j’ai continué à estimer que le bonhomme conservait toujours un véritable capital sympathie. Cette affection, qui m’a poussé jusqu’à lui pardonner sa triste collaboration avec la pimbêche Mylène Farmer (mais bon, après tout, Murat est bien passé à la casserole avant lui), avait été acquise à l’époque du classique Play et d’un épique concert qui avait fait chavirer -oui , je sais, c’est difficile à croire- la Halle Tony Garnier ; et je ne parle même pas du fait qu’un homme mettant en scène Ron Jeremy dans un de ses vidéo clips ne peut être totalement mauvais.

Son déménagement à Los Angeles a-t-il fini par changer le bonhomme? Si la pochette de son onzième album, Innocents en forme de calme pamphlet visuel catholico-végétalien, clins d’oeil à Jésus et ses apôtres inclus (comptez-bien, les personnages sont treize à vous mater, vous croyez vraiment que c’est un hasard?), donne un indice, c’est surtout que, même après avoir abandonné le catholicisme, Richard Melville-Hall est, au fond, bien resté le même. Tout comme sa musique.

Nappes aériennes de synthétiseurs en montée dramatique, boucle répétitive en mode compte à rebours, la simplicité et l’efficacité de l’introduction « Everything That Rises » accrochent instantanément en retraçant en quelques secondes les frontières musicales de l’univers de Moby. Nous sommes ici en terrain connu et ce n’est pas le morceau suivant, le premier single de l’album, qui va nous surprendre: « A Case for Shame » avec sa chanteuse soul, son ambiance lounge, ses lignes de piano soutenant discrètement la composition, tout tient de l’ordre de la reconnaissance même si le refrain préfère se tourner vers une mélancolie rentrée et soupire une introspection pudique et délicate. « Almost Home » participe aussi à cette intériorisation sur lequel la voix de Damien Jurado se force à évoquer un Bon Iver pour un résultat électro pop loin d’être désagréable. On retrouve aussi sur Innocents ces intermèdes flottants dans un champ stylistique entre ambient et dance dont Moby s’est fait une spécialité: instrumentaux contemplatifs presque invertébrés (« Going Wrong »), world music électronique dans la pure tradition Moby-esque (« A Long Time ») ou titres prêts à l’usage pour un nouvel épisode de Jason Bourne (« Saints »). Mauvais élève, « Perfect Life » rassemble les tics les plus agaçants du musicien (choeurs gospels grandiloquents, refrain pompeusement fédérateur) jusqu’à dessiner une caricature de son propre personnage. Que le musicien soit accompagné à cette occasion de Wayne Coyne des Flaming Lips finit par encore plus brouiller le discours et l’on finit par se demander si le foutage de gueule est volontaire ou non. Au rayon des autres collaborations (et celles-ci sont majoritaires sur la galette), le rêveur « The Last Day » avec Skylar Grey préserve une douceur en tension sous jacente par l’intermédiaire du contraste entre le sample d’un chant africain utilisé comme syncope et cette voix calme accompagnée de la discrète instrumentation, le brise-coeur « Don’t Love Me » avec Inyang Bassey se trémousse lascivement sur des sonorités electro blues tandis que la fragile et dépouillée orchestration de « The Lonely Night » semble être à la fois et paradoxalement écrasée et revigorée par l’intensité de la voix rauque et tranquille de Mark Lanegan. Par contre, c’est seul que Moby termine l’album avec « Dogs » : titre de plus de 9 minutes où le chant est abandonné à la moitié du morceau au profit de la musique. La chanson paraît étrangement torturée au regard de l’atmosphère flegmatique du reste de l’album mais aussi plus organique, peut-être à cause de sa structure plus rock.

Puisque l’évolution stylistique est finalement quasiment au point mort chez Moby et que la rythmique semble désormais se prélasser dans un mid-tempo stationnaire (pas ici de « Bodyrock » ou même de « Lift Me Up » et quelque part, notamment pour les réveils matinaux péchus, c’est bien dommage) qu’est-ce qui peut rendre encore sa musique intéressante pour d’autres auditeurs que les attardés de la fin des années 90 et du début des 2000? Débarrassé d’une quelconque ambition autre que celle de se faire plaisir et de jouer avec les potes, le musicien semble se contenter d’explorer à son tempo ses propres inspirations musicales l’illustrant par une cosmologie bâtie sur une spiritualité New Age humaniste. Le résultat respire simplement une familière, sereine et bienveillante limpidité et sonne comme un armistice harmonieux et vertueux entre le coeur et l’esprit.

 

 

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