Né en 1981 à Abilene, Texas, Micah P. Hinson paraît de prime abord un personnage curieux. Voix grave à la Johnny Cash contrastant avec une allure frêle, il déroute qui le découvre avec ses grosses lunettes sur le nez, guitare en bandoulière, une casquette quelques fois visée sur une chevelure très noire encadrant un visage blanc comme neige. Le quadragénaire est aussi un survivant, ex toxicomane précoce fuyant une étouffante famille de fondamentalistes et récemment revenu à la vie, après un accident automobile qui faillit le priver de l’usage de ses bras. Arrivé sur la scène musicale en 2004 avec Micah P. Hinson and The Gospel Of Progress, le guitariste et chanteur a séduit ceux qui se sont penchés sur sa revisite de l’americana et ont découvert son obsession/fascination, parfois jusqu’au boutiste, pour un certain « rêve américain ». On l’a compris l’homme n’est pas dans la demi-mesure, le conformisme n’étant, quoi qu’il en soit, ni la place ni la fonction de l’artiste. Par ailleurs le monde du rock est peuplé d’excentriques et c’est tant mieux!
Sorti en décembre I Lie To You vient quatre ans après la précédente réalisation du songwriter, lequel avait peut-être été un peu oublié, depuis, par le public indé. On est néanmoins immédiatement rassuré pour ce retour du texan: il n’a rien perdu de ses qualités de musicien et chanteur solitaire pas vraiment comme tous les autres. Les dix titres enregistrés proposent un country / folk haut de gamme, dont le propos plutôt sombre n’étonnera pas ceux qui s’étaient penchés sur ses textes. Avec Hinson, autant le dire, on ne rigole pas à franchement parler. Comme dans cette étrange chanson de Noël où il suggère à son père de ne pas, une nouvelle fois, rentrer ivre à la maison parce qu’il ne veut pas voir pleurer sa mère! Plus à nu, plus froid, plus sombre on ne peut pas… Musicalement qu’en est-il ? Je choisirai « Carelessly » et » Find Your Way Out », exemples marquants qui illustrent parfaitement ce qui caractérise tout l’album. Les deux chansons sont aussi chargées d’émotion que leurs orchestrations sont splendides, ces traits étant caractéristiques du nouvel effort du songwriter. De l’introductif « Ignore The Day » à « 500 Miles », classique country sur la corde raide interprété en conclusion désabusée, I Lie To You est somptueux. La qualité de production est remarquable, enluminure de dix histoires jouées et racontées avec gravité, lesquelles ressemblent parfois, on s’en rend compte, aux confessions amères d’un homme incomplètement en paix avec le monde et lui-même.
Revêtu d’arrangements de cordes made in Italie – où l’album a été enregistré en cinq jours et autant de nuit – ainsi que de trouvailles inspirées (accordéon, banjo), I Lie To You offre un territoire sonore fait de ballades entre celles de Bill Callahan, Vic Chesnut et le répertoire de Léonard Cohen. Le disque qui peut être perçu comme un plongeon dans l’âme de son auteur, est rempli d’humeurs brumeuses à la façon de celles entendues chez le label 4AD qui accueillit l’artiste à ses débuts. Etonnamment équilibrée l’association de ces pôles confirme définitivement l’atypisme de Micah P. Hinson. Bluffant !
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.
Phil J
Une voix grave et lourde, chargée d’émotion qui porte les stygmates de toutes les substances croisées dans les excès de l’artiste.
Une belle critique pour un superbe album !