La nouvelle est peut-être passée inaperçue dans l’Hexagone mais le tristement célèbre criminel Charles Manson a l’intention de se remarier prochainement. Lorsque l’on sait que le vieux salopard a dépassé les soixante-dix-neuf balais et que sa (sans aucun doute profondément dérangée ou désespérément à la recherche de son quart d’heure médiatique) promise dépasse à peine les vingt-six, il devient évident que la vie se tortille parfois dans des circonvolutions particulièrement tordues. Mais tristement pas au point d’avoir l’idée d’inviter le quatuor de Colmar, Manson’s Child, aux noces du sinistre papy; ce qui aurait quand même eu de la gueule et aurait été un évènement autrement plus drôle. Si la période d’emprisonnement de leur père fictif dépasse encore allègrement l’existence du quatuor, cette dernière a tout de même débuté voici plus de vingt ans. Le groupe continue d’ailleurs à envoyer des cartes postales musicales avec une régularité plutôt exemplaire dont une récente intitulée Summer que la pochette en clin d’oeil à Sarah Records résume juste en partie.
Car c’est surtout le titre éponyme de l’album en ouverture qui rassemble les plus jolis arguments twee du groupe: une saveur bien rosbeef au refrain accrocheur encadré par des choeurs très poppy. De sa naissance dans les années quatre-vingt-dix, Manson’s Child a gardé sous ses pédales d’effets (l’excellent « The Way ») et ses claviers une sympathique collection de vinyles de Stereolab. Il a aussi conservé la voix un peu crâneuse et franchouillarde des groupes français de l’époque comme Welcome to Julian, les Little Rabbits (première mouture) ou The Drift. Mais le voyage musical s’avance tranquillement plus loin: des oeillades amoureuses sont jetées à un post punk des années quatre vingt doucement nerveux (« X Ray Stopped You ») ou bien s’affranchissant des mélodies (« Take a Trip », « My Party », « No Flag »). Le cinématographique « Gnoz » paie ses respects à New Order avec sa basse tout à fait hookyenne et ses rythmiques à la Stephen Morris tandis que le francophone « Mes K-7 », morceau bien what the fuck (le remix Metal Chrome, Moby vs dancefloor très con et bourrin comme un coup de rein de Ron Jeremy, vaut aussi son pesant de cacahuètes) et foutrement addictif de l’album a des airs d’expériences génétiques entre un Plastic Bertrand période « Ca plane pour moi » et (encore et toujours) Stereolab. L’instrumental « Love U », plus calme, dépouillé dans sa production et sa construction, termine l’album dans une douceur électropop.
Le Summer des Manson Child est quelque part un petit cachottier. Sans être mélancolique, nostalgique ou avoir même l’air d’y toucher mais avec caractère et maturité, il traverse et se réapproprie des repères musicaux comme autant de souvenirs lumineux et symboliquement estivaux qui ont sans aucun doute façonné son propre univers. Pendant ce temps, à 9000 kilomètres de Colmar, papy Charles Manson continue probablement ses préparatifs de mariage, les yeux qui louchent sur le décolleté de sa jeunette; cette vision agitant sans doute le peu de libido qui lui reste entre les jambes comme du zeste secoué au fond d’une bouteille d’Orangina. Tout le monde a droit à son été.
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.