Le chanteur grande gueule de Oasis et le guitariste (et peintre) des Stone Roses se sont associés, réveillant la flamme de la Brit-Pop. Je suppose du moins que là était l’intention artistique? « Pour le meilleur et pour le rock » ont titré les Inrocks cette semaine, à la sortie du lp le premier mars dernier. Je viens de mon côté d’écouter cet opus de stars, après avoir pris soin de lire la presse, notamment britannique. Quelques déclarations de Gallagher m’ont fait sourire. Ce dernier, toujours en verve, déclare sans nuance son admiration pour Squire ( la chose se respecte), ainsi que toute sa nostalgie d’une époque. La musique du tournant 1980/90’s, l’Haçienda, le football, la house music, tout y passe drogues comprises, dans une liste où le chanteur narre ses souvenirs d’un temps béni. Selon lui. Et c’est bien son droit de le voir ainsi. Il oublie visiblement les coups de flingue à l’Haçienda, les guerres des dealers qui conduisirent à la fermeture du club de Factory? Sans compter la transformation saisissante du poète Shaun Ryder de Happy Mondays. Mais, puisque le front man d’Oasis est heureux d’avoir bossé avec un pionnier du Madchester et du style baggy, je ne lui enlèverai pas cette joie ni même je n’oserais en critiquer la forme avec virulence. La vérité est toujours entre deux. Ne pas le perdre de vue.
A titre personnel, je ne partage cependant pas pleinement l’enthousiasme du mancunien pour le tableau tel que décrit. N’est idyllique que ce que vous voyez comme tel. Lui et moi ne portons pas les mêmes verres correctifs, c’est évident. Je suis plus vieux. C’est factuel. Je m’emballe moins aisément. Mais il est vrai que je n’ai jamais été membre d’Oasis. La gloire, jamais ne m’effleura à un si haut niveau de popularité. Sauf le matin.
Squire fût et reste, de son côté, un guitariste intéressant. Le retrouver fait plaisir. Sans doute ses intérêts pour d’autres formes d’art et leur pratique intensive depuis la fin des Stone Roses (2017), lui ouvrirent ils le champ des possibles? Je le crois volontiers. La visite de son site personnel, présentant ses diverses œuvres peintes est éclairante sur ce point. Il y a trente ans, je n’avais toutefois pas frissonné à chaque riff ou arpège des Stone Roses. Ce qui n’enlève rien aux qualités du groupe fondateur de »Elephant Stone », bien sûr, ou du hit « I Wanna be Adored ». Mon idée n’est pas de contrarier les fans, ou de ternir l’œuvre de ceux qui marquèrent, quoi qu’il en soit, un bout de l’histoire du rock anglais. Un petit bout seulement. Deux albums, c’est peu…
Alors quid de ce disque, réunion (sacrée?) de deux indiscutables vedettes des bords de la Mersey ? Et bien rien. Justement et hélas. Rien, quand bien même Squire s’est-il installé à Macclesfield, Cheshire, ce qui m’incline plutôt à l’indulgence. Je suis enchanté qu’il ait été agréable aux deux héros du rock anglais de se réunir pour cette collaboration musicale, achevée dans un studio de Los Angeles (ceci dit), mais j’irai un peu à contrario d’autres critiques parcourues en diagonales. C’est comme ça. Dans le détail, « Raise Your Hands », qui ouvre la face A, est pop avec quantité d’ornements de guitare. « One Day At The Time » épure davantage le son – ce qui n’est pas une mauvaise idée. « Just Another Rainbow » groove comme il se doit. « Mother’s Nature song » (oh! presque du Beatles?) évoque directement la jeunesse de Squire avec Stone Roses. Finalement c’est « I’m so Bored » qui me convient le mieux, accrocheur et obsédant. Mais bon… Tout cela n’est-il pas trop plein? Trop rempli? Trop de tout et un peu trop, partout? Quoi qu’en dise la presse anglaise dithyrambique, mon avis demeure. Trop en dire ne rend pas le propos plus clair.
Ainsi n’ai je pas frémi à l’événement rock, pour la simple et bonne raison que tout ce qui est joué a déjà été entendu. Les deux hommes sont de véritables institutions du Nord Ouest britannique. En ce sens ils jouissent d’une aura certaine. Qui influence l’auditeur. Mais qu’ai je découvert dans cet album qui soit de l’ordre d’un renouveau? Ou bien l’once d’une tentative étonnante, nous conduisant plus loin ? Pas grand chose, ce qui est tout le problème et m’évoque une des récurrences du monde rock au bout d’un certain temps. On peut faire vivre des recettes. En inventer d’autres n’est pas si fréquent. Vous déciderez par vous-même.
Squire joue bien, c’est acquis et le temps l’a bonifié. Il est la très belle surprise qui colore les notes de toutes les pistes. Je le préfère aujourd’hui. C’est dit. Il est aussi l’auteur-compositeur de toutes les chansons que, dit-il, il a d’abord envoyé par drop box à Gallagher. Liam Gallagher, lui, fait du Liam Gallagher. Même gouaille, mêmes intonations, même genre de blah blah blah in fine. Ok, je suis dur avec le quinquagénaire. Je m’en rends compte. Évidemment, c’est du rock cet album à la double signature. Oui. Ce n’est pas autre chose. Le cahier des charges est rempli, honoré comme il se doit. Évidemment, ça sonne. Oui. Pêchu et dynamique. Rien n’est désagréable. Rien n’est loupé. Il y a des effets psychédéliques sur les guitares qui m’ont charmé. Des chorus bien enlevés. Mais franchement? Hum, je passe mon tour.
En guise de conclusion: N’est pas Lennon qui veut (Liam). Par ailleurs Lennon ne fût pas merveilleux à chaque fois qu’il l’ouvrait. Alors en faire un peu moins ne sera pas, un jour prochain, une si mauvaise idée. Squire, de son côté, est un song writer qui se tient. Pas sur le retour, pas bâcleur de ses compos. C’est acquis. Mais n’aurait-il pu se méfier, considérer que beaucoup n’est pas synonyme de mieux? Parce qu’à mon idée, il y a beaucoup trop de guitare là-dedans. Etonnant quand on lit que l’ex Stone Roses déclare à son propre sujet: « Je ne pense pas être un très bon guitariste, ni un très bon peintre« . Ah…
Enfin, bien sûr, il se trouve qu’en matière de Brit-Pop je vote Blur et suivants. Chacun sait (ou pas) que j’ai la carte. C’est donc, sous ces lignes, un quelque chose de possiblement politique qui se serait inconsciemment glissé? Un blocage psy? La nostalgie de Graham Coxon.
photo : Tom Oxley ( The Independent)
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.