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Live Reports

Le Villejuif Underground – Le Bada Bing (Nîmes), 21/04/2017

« Équipe sportive scolaire »

Si vous jetez un œil sur le Facebook du Villejuif Underground (nom précédé de l’article « le »), vous tombez sur cette description très distancée du groupe par lui-même, mise en exergue en haut de page: Équipe sportive scolaire. Après vous être dit que ces garçons n’étaient pas dénués d’un esprit plus que facétieux pour s’être affublés d’un nom aussi référencé, cette histoire d’équipe sportive vous laisse supposer que le quatuor doit aussi garder plus d’un tour dans ses amplis.

Bingo! Dans le mille! Non seulement le collectif parisien et banlieusard joue dans le carré musical annoncé – convocation du VU originel et du proto punk psyché des Sonics et des Fugs, tout comme de la disco tordue des B-52s avec, par dessus, la guitare enluminée de Maurice Deebank (Felt) – mais il propose avec son leader Nathan Roche, australien en électron libre dans l’hexagone, une dimension directement inscrite dans la filiation d’une poésie Beat sixties qui se risqua aux fréquentations électriques. Pour l’idéologie hippy et allumée sous jacente qui transparaît, on songe à Ginsberg et Kim Fowley. Le look beatnik et clochards célestes des musiciens le confirmera au premier coup d’œil.


« Il y a beaucoup de sport ce soir »

A lui tout seul Nathan Roche – vingt huit ans tout mouillé – vaut le déplacement. Le chanteur, auteur à l’inspiration fleuve et indéniable, est un histrion cool et relâché. Sur scène, il pioche dans ses notes de textes posées au pied des instruments, assurant un show affable et non stop, quelque part – exactement où ? – entre performance arty et revisite des poncifs d’un rock habité (je me couche par terre, je rampe, je m’accroche au cou d’un spectateur), soit le syndrome Iggy / Morrison copinant avec John Cooper Clarke. On comprend parfaitement alors le qualificatif «sportive» ajouté à «équipe» sur la présentation Facebook. On n’analysera pas celui de «scolaire», étant donné que le chanteur longiligne et ses copains musiciens plus ou moins hirsutes paraissent (sans l’être tout à fait) des dilettantes flemmards, mal accordés à toute norme de conformité systémique. Dans la petite salle remplie du Bada Bing et avec un accent d’outre Pacifique marqué, l’auteur de Magnetic Memories (album solo de Roche, antérieur à la formation de VU) déclare en souriant que: «Il y a beaucoup de sport ce soir à Nîmes». Avant de replonger entre les jambes des spectateurs et de rejoindre une chaise d’où il terminera son texte. Des yeux, on le suit pendant que les trois autres calés sur scène (basse , claviers et guitare) attaquent un nouvel hymne déjanté et potentiellement incantatoire.

Foutraque, poétique et rock.

D’une redoutable efficacité qui séduit quasi instantanément, les titres de Le Villejuif Underground sont autant d’objets hybrides entre garage, néo psyché et disco low fi, aux sources plus américaines qu’anglaises. Avec un équipement qu’on suppose volontiers chiné dans d’obscures officines spécialisées (console Montarbo et ampli guitare FAL des années soixante et dix, ampli basse Yamaha de1980 et guitare Guyatone – ou similaire –  déjà vue (!) entre les mains de Sterling Morrison en 1965), les trois musiciens, derrière le maître de cérémonie, jouent en tempos médiums, appuyés sur une boite à rythmes surboostée et une basse puissante d’une remarquable précision. L’alliance des deux éléments fait danser et on ne s’en prive pas. Les claviers bricolés – très loin de toute numérisation – se chargent des mélodies et savent se faire bruitistes lorsqu’il le faut. Quant à la guitare, elle mêle riffs binaires très Velvetiens, arpèges aériens et slides atmosphériques au bottleneck, s’éclairant d’envolées ciselées sous overdrive et chambre d’écho. Jouissive et singulière, elle s’écarte du banal. L’ensemble est enthousiasmant. L’oreille attentive aura bien remarqué que le système structurant chaque proposition se répète un peu mais qu’il n’est pas clôt ce qui, compte tenu de la jeunesse du groupe, laisse espérer de belles ouvertures. Souple, au dessus de la mêlée mais solidaire avec elle, Nathan Roche pourrait dominer les titres. Ce qu’il ne fait pas. Poète urbain, il n’oublie pas de chanter – parfois crooner à l’alcool gai – avec une vraie capacité à détacher mots et syllabes, comme il se doit pour tout littérateur de l’oralité, restant contre toute attente dans le contrôle, évitant l’écueil lyrique et égotique qui fiche tout par terre. Pour ces raisons et par ces qualités, Le Villejuif Underground se démarque des groupes revivals pour paraître tel qu’il est: soit un projet artistique certes un peu impatient mais bourré d’énergie et d’envie. Un ensemble foutraque, poétique et rock, parfois pop sans le côté jetable, absolument euphorisant.

Le Villejuif Underground est actuellement en tournée. A Lyon le 25 Mai au Ayers Rock Boat, avec Rendez-Vous, dans le cadre de Nuits Sonores 2.

Ep chez Born Bad records.

2 comments
  1. Jean Noel Bouet

    L’auditeur aura noté la voix Et le’phrasé parfaits de Nathan Roche. Ainsi que la Belle’ guitare , qui Donc , me rappelle les enluminures de Maurice Deebank, pur maestro new wave de FELT’

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