Déjà un an depuis notre interview avec Laveda, ce jeune duo venu d’Albany, dans l’état de New-York et responsable de l’un des plus beaux morceaux de shoegaze pop (en l’occurence « Dream.Sleep. ») depuis bien longtemps. Perdu tout d’abord dans un brouillard temporel et pandémique (sujet sur lequel Henri Bergson aurait certainement aimé écrire un chapitre) comme une bonne partie de la population mondiale, le premier album d’Ali et Jake se retrouve, presque un an après sa sortie, à nouveau coincé dans notre mange-disque, livré à notre pitoyable analyse. Il faut dire que leur What Happens After était plutôt attendu avec impatience de par ici car précédé par une flopée de titres toujours catchy (« Better Now », « L ») et dévoilés au fil des mois par les deux jeunots qui semblaient les écrire sans grand effort et devant lesquels nous nous avions pris la forte agaçante habitude de nous extasier.
Sur What Happens After, Laveda déploie en long format les éléments qui nous avaient précédemment séduit: ce lopin partagé et plutôt bien délimité entre dream pop et shoegaze, une facilité évidente pour les mélodies accrocheuses, une justesse sonique, une appétence pour un gros son et une pincée de pathos de ci et là. Loin d’être monolithique, la production affiche une grande richesse et de la complexité à revendre. Cette stratégie de la qualité se retrouve dans l’écriture des morceaux avec comme exemple majeur la distribution harmonieuse des leads vocaux entre Ali et Jake. Si « Ghost » avec sa construction classique alternant périodes de calme et wall of sound de guitares, représente la porte d’entrée idoine pour s’engager dans l’univers de Laveda, c’est sans doute « Better Now », qui nous y fait rentrer de plain-pied: chanson pop parcourue par un soupçon d’étrangeté et de menaces incarné dans la voix au vocoder de Jake. « Rager » a des allures de hit shoegaze, guitares et course effrénée en avant mais souffre sans doute de la comparaison avec « Dream.Sleep. » qui joue dans la même catégorie. Ce dernier bénéficie d’alternances plus intenses, enveloppé dans une urgence adolescente à fleur de peau pour un résultat ultra catchy et nerveux, De la même manière, si « L » distillait un indice de cruauté réjouissant au travers de sa narration downtempo et charmait facilement, la (néanmoins) jolie bleuette de « If Only (You Said No) » fait pâle figure en comparaison. Et c‘est en effet à partir de ce langoureux slow collé serré que la tension présente sur le reste de l’album semble montrer des signes d’essoufflement et que celui-ci cède à la facilité pour retomber dans une indie rock plus quelconque (« Child ») ou plan plan (« Blue Beach » ) jusqu’à tomber pour son final dans une esthétique arty mais un peu trop accommodante (le texte déclamé sur le final « Color »).
Il y a de toutes évidences du talent, de l’inspiration et du travail chez Laveda mais aussi sans doute une trop grosse envie de bien faire. Pas mal de gimmicks musicaux de l’indie des années 90 ont été assimilés, compris et remis au goût du jour techniquement par le duo mais sans nécessairement provoquer chez eux une envie de faire bouger les lignes, de plus expérimenter. Il faut avouer que devant la qualité de production sonore du disque, nous en arriverions presque à oublier que les deux musiciens n’ont pas encore vingt cinq ans et qu’il s’agit ici de leur premier album. Alors, au moment de savoir, au regard du titre de ce dernier, ce qui arrivera ensuite, en tous cas pour le groupe (puisque le titre de l’album est plutôt l’expression d’un questionnement environnemental et sociétal), nous serions enclins à répondre que ça sent plutôt très bon pour Laveda.
Photo de Laveda par @certainselfie
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.