Juan Wauters est un auteur-compositeur singulier. Dans le paysage musical actuel l’uruguayen d’origine et new-yorkais d’adoption, peut sembler un ovni. Sa musique, essentiellement acoustique, chantée tantôt en espagnol tantôt en anglais, est la rencontre d’influences qui réussissent l’union culturelle des deux Amériques : en bref, le folklore uruguayen se mêle au proto punk du Velvet Underground. Et étonnamment, la fusion se fait. Plus précisément encore, ce qu’on entend pourrait être la combinaison du Candomblé sud américain, festif et rythmé, avec un art urbain tel que joué par un Jonathan Richman voire un Daniel Johnston ( goût pour le dessin en commun ) , les deux songwriters étant connus pour leurs chansons pops et minimalistes (ceci sans compter avec une certaine ressemblance physique entre Wauters et Richman).
En tournée européenne, Wauters a donné trois concerts français (Marseille, Paris, Amiens), après des dates espagnoles puis genevoises, avant de visiter l’Europe du nord et l’Angleterre. Si les salles retenues sont de petite ou moyenne capacité, l’engouement et l’enthousiasme du public sont là. Le 15 novembre, Le Point Ephémère, au bout du quai de Valmy, accueillait une nouvelle fois Juan Pablo (prénom complet de Wauters), après une première visite il y a un an, pour fêter son nouvel album Wandering Rebel. Les fans parisiens étaient là. Salle pleine, joyeuse, une partie de l’auditoire se montrait capable de reprendre en chœur certains titres, qu’ils soient en espagnol ou en anglais. Honnêtement, j’avais rarement vu ça avec un autre artiste indé international de même catégorie…
Sur scène après une entame de concert où le chanteur, auteur-compositeur, accompagné de ses deux musiciens jouant de guitares aux cordes nylon se réunirent autour d’un unique micro, Wauters virevolte et danse en polo à manches courtes ( après avoir changé une chemise qui fût d’abord noire et couverte de paillettes scintillantes). Il traverse la scène d’un bord à l’autre, bondit et fait des gestes de victoire, le bras soudainement levé, main ouverte, une fois jouée la dernière note de chaque chanson. On s’applaudit tous ensemble. Les orchestrations lo fi ( batterie minimale, basse, clavier) suffisent pour donner du relief à un répertoire foisonnant. Le chant, parfois a cappella, est projeté, les textes toujours interprétés avec un immuable sourire. Wauters communique son énergie, offre de la bonne humeur. Il n’y a pas une seule seconde où on se dit ( vous savez ce que c’est?) : « bon, encore un ou deux titres et le set est fini « … D’ailleurs le set on ne le voit pas finir. Après plusieurs rappels au débotté, Wauters ne quitte pas le bord de scène et signe des dédicaces assis sur les marches.
En 2014, le premier album de l’exilé résident du quartier du Queens, s’intitula North American Poetry. Un titre parfait puisque de la poésie il y en a beaucoup dans une œuvre qui échappe aux codes communs. Un an plus tard paraissait Who Me? puis Introducing Juan Pablo. Les questions de l’identité se sont posées… Immergé dans le réel et la vraie vie, observée d’un point de vue de créateur – Real Life Situations (2021) – il apparaît aujourd’hui que des réponses ont été trouvées par cet artiste plus qu’attachant. L’errance rebelle est jubilatoire.
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.