Voilà maintenant presque dix ans qu’on était plus ou moins sans nouvelles de Josh T. Pearson. Après avoir sabordé son groupe, Lift To Experience, alors que celui-ci venait tout juste de donner naissance à un disque absolument époustouflant (The Texas Jerusalem Crossroads), le bonhomme s’en est allé sur les routes, la guitare dans sa barbe, pour aller prêcher la bonne parole, menant une existence humble et discrète. Une décade passée à vivre et à écrire les histoires de ce qui allait devenir ce Last Of The Country Gentlemen, une suite de ballades country dont la simplicité et la poésie épurée, à la première écoute, imprégnent irrémédiablement le moindre pouce de coeur et de chair.
Josh T. Pearson est un personnage énigmatique, à l’apparence croisée entre celles d’un prophète moderne ou d’un vagabond, trahi par le regard dans le vague du bonhomme qui ne se trouve pas vraiment à sa place ici, ni nulle part ailleurs. Et pourtant c’est un homme qui, en quelque mots, peut vous convaincre d’une sagesse et d’une humilité qui se font bien rares de nos jours (j’ai eu la chance de le rencontrer à Paris lors d’un concert d’Enablers il y a deux ans, et bien que courte et somme toute banale cette rencontre reste un souvenir marquant pour moi).
Enregistré à Berlin en fin 2010 en deux nuits, ce premier effort en solitaire fait la part belle à une folk de western dépouillée, réduite à son habit le plus simple et le plus émouvant: les arrangements de guitare s’accompagnent au plus de cordes discrètes et précieuses, comme sur « Honeymoon’s Great: Wish You Were Her ». Mais ce qui fait la singularité de cet album, c’est surtout sa bouleversante sincérité, la beauté déroutante de la mélancolie qui s’échappe de ces sept morceaux: Pearson y chante la solitude, l’échec, la douleur de l’amour perdu avec une profondeur d’âme à tirer des larmes à un bataillon de CRS. Les textes eux aussi, sont empreints d’un minimalisme émouvant dont la force réside seule dans le sens: « I’m in love with a woman who simply ain’t my wife / she haunts my every thought / she taunts my troubled mind ». Musicalement on sera surpris par la durée de ce disque (dépassant allègrement le tour de cadran) et de certains de ses titres qui parviennent à flirter avec les dix minutes. Pourtant il ne souffre d’aucune longueur, et les arpèges brillantes de la guitare folk suffisent à en habiller les thèmes.
Pearson avoue lui-même que ces chansons sont le résultat et le récit « d’une année difficile », et n’étaient pas destinées à être enregistrées – mais que c’est la réaction du public lors de ses nombreux concerts intimistes qui l’ont encouragé à le faire. Dieu merci! Quel dommage cela eût été que ces sept odes n’aient pas vu le jour autrement que devant quelques dizaines de privilégiés. Last Of the Country Gentlemen est une extraordinaire complainte autobiographique, qui ne semble avoir d’autre ambition -et c’est là aussi ce qui en fait un album si profondément marquant. C’est un disque qui pourrait sans problème être le dernier qu’on souhaite jamais écouter. C’est une oeuvre qui vous rappellera à chaque écoute, avec un pincement au coeur, comme la beauté et la tristesse sont parfois liées l’une à l’autre.
En écoute: « Woman When I Raise Hell »
[audio:http://serve.castfire.com/audio/513861/josh-t-pearson-woman-when-ive-raised-hell_2011-02-17-071401.128.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).