Deux ans après No Human Tongue Can Tell paru chez Closer Records, les Jim Younger’s Spirit menés par Diego Lopez continuent de creuser un sillon musical dont l’origine demeure très éloignée des terres aixoises du quintet.
Avec El Malpais – nom d’une âpre et sulfureuse région du Nouveau Mexique -, le groupe a sorti cet automne 2020 son troisième opus (via Inouïe diffusion) qui puise une nouvelle fois dans les intérêts et thèmes fétiches de ses musiciens. Soit d’une part, un goût pour des mythologies et une imagerie extraites d’une culture cinématographique – le western américain – et de l’autre (les deux se rejoignant avec cohérence), une adhésion au revival néo-psychédélique des mid-nineties, apparu dans la baie de San Francisco en référence aux groupes des mêmes lieux qui y vécurent trente ans plus tôt.
La musique des JYS est une vague de sons attirée par l’attraction terrestre, sur laquelle flottent les mélopées incantatoires de Polar Younger. Elle est aussi à la croisée des chemins. Ce qui induit chez l’auditeur la sensation d’un étrange surplace, entre bande-son pour westerns trash écrasé de lumière blanche et effets hypnotiques générés par la circularité de riffs lourds et lancinants.
L’influence du néo-psychédélisme américain (Black Angels, BJTM, Heron Oblivion – pour l’essentiel -, posé sur les bases des Jefferson Airplane fondateurs) si elle est revendiquée, pourrait-elle, aussi, être un piège? Il ne m’apparait pas que les JYS aient l’intention de s’en écarter, s’y trouvant visiblement bien à leur aise. La question pour le groupe aujourd’hui, n’est-elle pas toutefois celle de son émancipation des codes du genre? On ne leur tordra pas tout à fait le cou sur El Mapais, qui bénéficie pourtant d’une volonté notable en matière d’arrangements et de production. L’importance de l’orgue – et non plus uniquement des Gibson ES -, des percussions utilisées en liaisons utiles, d’une guimbarde maline, traduisent le travail du groupe de Diego Lopez vers une musicalité plus élargie. Si reverb et fuzz dominent sur la plupart des huit titres (longs – plus de quatre minutes en moyenne) de El Malpais, on y repère aussi avec plaisir des séquences de batterie qui relèvent – et c’est heureux – de propositions d’un jeu percussif enlevé. Des mélodies aériennes se dégagent, en partie grâce aux claviers et JYS réussissent alors cet envol qu’on souhaitait entendre. En ce sens, « The Devil’s Working In Her Mind », titre introductif de l’album est, par son intro et son final en maelström, un exemple à saisir. La légèreté mélodique de « Girl From The Mountain Country » en est un autre, prometteur. L’air vient. Celui du large, de l’océan bleu ou des sommets, plus que des terres brûlées? JYS oublieront-ils, un jour, massacres et anges noirs?
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.