Effectivement, nous attendions des nouvelles musicales des quatre bristoliens de Jilk mais nous n’imaginions pas vraiment celles-ci prendre la forme d’un EP de cinq titres. C’était plutôt un nouvel album qu’ils avaient annoncé dans cette interview réalisée en 2019. Renseignements pris, ce second opus est bien bouclé mais son (alors) imminente sortie aura été stoppée les deux pieds bien enfoncés sur la pédale des freins au vu de la pandémie actuelle. Endless Rushing Waves Of The Same a donc été écrit après la mise en quarantaine du Royaume-Uni et se présente comme le résultat d’une urgence créatrice et musicale pour les quatre membres du groupe durant cette période… Situation d’autant plus étrange lorsque l’on se souvient de la lenteur d’écriture et de l’appétence pour la minutie revendiquées par le groupe lui-même.
Alors que Joy in the End, le premier album du groupe, présentait un panorama musical allant d’esquisses jazzy jusqu’au post rock (« Become The Build ») en passant par une pop noire électronique (le si délicieusement tourmenté et dramatique « Green Creepers »), Endless Rushing Waves Of The Same est bien plus homogène dans l’impression générale qu’il dégage. Il ressemble globalement à une ambient atmosphérique à la construction complexe et impure regroupant une vaste palette électronique, des enregistrements de terrain et des arrangements orchestraux. Le groupe n’en conserve pas moins quelques-uns de ses fondamentaux dont cette inflexion trouble pour le cinématographique et cette envie constante de poser le canevas d’une histoire plus large (les titres des morceaux ressemblent à des chapitres).
C’est avec le presque récréatif « Burt Pulse (Opening and Parting) » – dont le titre de travail était d’ailleurs « Final Fantasy »- que débute le EP. Ce premier morceau mélange ainsi samples de bruits de jouets (renvoyant directement à la couverture du disque) et pointillisme électronique troublés par l’irruption de cuivres sentencieux. « All Gentle Creeping (Arrive for Soft) » combine des nappes de synthétiseurs entourées par des cordes et des cuivres. L’ensemble s’étire calmement pour aboutir au morceau d’ambient le plus classique du EP. Sur « Last Star Stops (Only Culmination) », les cordes enveloppent à nouveau les nappes de synthétiseurs mais dessinent, cette fois-ci, une dramaturgie. Cette dernière est contrebalancée par des notes de vibraphone plus légères avant que le morceau ne se transforme en une forme de shoegaze électronique. L’esthétique musicale de « Endless Rushing Waves Of The Same » se développe, quant à elle, pendant quinze minutes à la manière d’un panoramique cinématographique linéaire à 360 degrés sur une échelle qui irait de l’animal (les moutons, les oiseaux) au cosmique (les nappes de synthétiseurs), tout cela jusqu’à fusionner les éléments entre eux pour enfin les faire réapparaitre. Enfin, « Last Star Stopped », envisagé comme un remix abstrait de « Last Star Stops (Only Culmination) », reprend la ligne de mélodie du vibraphone de l’original. Mais cette version se montre plus confuse, chancelante sur des ruptures brusques et des éléments absents et ne se reconstruit sous une nouvelle forme que dans le dernier tiers.
En écrivant leurs morceaux autour d’éclats de minimalisme electro, de musique expérimentale ou de classique contemporain, Jilk semble répondre à deux principes généraux dans les cinq titres d’Endless Rushing Waves Of The Same. Le premier consisterait à réorganiser le chaos pour créer un nouvel équilibre musical dans les compositions. Le second serait d’imaginer des connections en constant va-et-vient entre l’enfantin et le grandiloquent, le tangible et l’inconnu, un infiniment grand inaccessible et fantasmé mais intime.
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.