Forts de quelques deux cent cinquante concerts en Europe et d’un deuxième LP, Spring Tides, avec lequel ils avaient acquis, il y a un peu moins de deux ans, leurs véritables lettres de noblesse, les suédois de Jeniferever reviennent sans crier gare avec un LP intitulé Silesia (chez Monotreme Records). On avait suivi leurs premiers pas (Choose a Bright Morning chez Denovali) avec attention, puis trouvé une certaine maturité dans la composition dans leur second disque. Avec ce troisième album, le quatuor d’Uppsala enfonce le clou en apportant à ses chansons une architecture plus fine encore, et en repoussant les murs de l’édifice sonore dont Spring Tides avait entamé la construction.
C’est avec le titre éponyme que l’album commence, et une nappe de clavier rapidement rejointe par une rythmique soutenue: l’ambiance est posée d’emblée, on retrouve cette mélancolie omniprésente que Kristofer Jönson manie à la perfection désormais. Alors que les tonalités plaintives de sa voix, dans laquelle il y a toujours ce touchant accent juvénil, tombait parfois dans l’excès, il trouve ici la parfaite mesure (pour l’histoire – même si elle n’est pas le point central de l’album – « Silesia » est l’ancien nom de la gare de Berlin, près de laquelle Jönson a appris le décès de son père en 2009, au milieu d’une tournée dont il sera contraint d’annuler les dernières dates). Mais le groupe a su modérer son propos, prenant soin de ne pas enfermer le disque dans des accords mineurs joués et répétés à outrance. Enveloppant ses compositions d’un habit classieux comme seuls savent le faire les scandinaves (on pense inévitablement à Logh en écoutant « Drink To Remember » ou « Wayfs and Strays »), glissant des perles d’indie pop dans sa mixture (« The Beat of Our Own Blood » et sa ligne de guitare en refrain imparable), allant même jusqu’à laisser parler la poudre – et la disto (« Deception Pass »), Jeniferever parvient enfin à se forger sa véritable identité, celle qu’on sentait déjà se profiler sur Spring Tides sans pour autant se donner la liberté de lui accorder son unicité. Rythmiques alambiquées mais éxécutées avec une fluidité habile, parties vocales au charme évocateur, instrus aux mélodies simplistes mais jamais évidentes, rien n’a été oublié ni laissé au hasard.
Silesia s’écoute avec un réel plaisir, au gré de ses moments d’ombre ou de lumière qui s’enchaînent avec délicatesse. Sur le fil d’une prodution intelligente, Jeniferever a conservé le coté post-rock de son instrumentation dans sa façon de faire sonner ses guitares, mais sembre l’avoir abandonné dans le format de ses titres, pour en accentuer les contours et mettre la mélodie plus en avant. C’est une couleur qui leur va à ravir, on ne peut que leur souhaiter de continuer à en décliner les tons avec le même talent.
En écoute: « Waifs And Strays »
[audio:http://www.fingertipsmusic.com/wp-content/uploads/Jeniferever-Waifs_and_Strays.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).