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Insight

It’s Immaterial, s’éloigner de la maison…

Fin mars 1986, en pleine vague new wave, It’s Immaterial actifs depuis 1980 s’apprêtent à publier ce qui sera un de leurs meilleurs titres et connaîtra un indéniable succès dans le monde de la musique indie. Le groupe de Liverpool, qui n’est toutefois pas parmi les plus connus du moment, sort l’album Life is Hard and then You die, annoncé par le single « Driving Away From Home( Jim’ Tune) ». Ce single incroyable, loin du style cold wave, des groupes à synthé ou des guitares héroïque de U2 et leurs suiveurs , verra les liverpuldiens grimper au TOTP. Un succès aussi inattendu qu’à contre- courant. Nous sommes le 24 mars 1986 il y a 39 ans…

En 1980, trois membres de Yachts , formation locale relativement obscure, décident de se réunir pour un nouveau projet. Il y a là le vocaliste John Campbell, le guitariste Martin Dempsey et le  vocaliste et claviers  Henry Priestman , trio auquel se joint le batteur Paul Barlow. Les It’s Immaterial sont nés et ils arrivent tout droit de la scène issue des écoles d’art de Liverpool, active depuis les années 1970.

Le groupe cultive une ligne esthétique qui recherche la perfection , leur approche de la musique pop étant aussi méticuleuse que méthodologique. Si « Driving Away From Home » est devenu un hit au printemps 1986 le quartet restera néanmoins confidentiel en termes de reconnaissance. Il laissera ( dans un premier temps *) deux albums d’une rare élégance qui méritent largement d’être écoutés ou réécoutés avec intérêt. Pour dire bref, It’s Immaterial auraient pu toucher davantage de fans que la poignée de fidèles effectivement récoltée durant les années 1980…
La musique du groupe fût elle trop excentrique, trop littéraire et imaginative pour son temps? C’est une explication tout à fait possible au fait qu’excepté « Driving Away From Home », road song 80s, on ne comprit pas entièrement l’art de Campbell et Whitehead ( binôme de Campbell qui rejoint le groupe après sa formation) , respectivement étudiants en arts et architecture dans les années 1980.

Le nom Its Immaterial, lui-même, était déjà par son choix un signe de différence en regard de la vague new wave dominante. Encouragés par Clive Langer ( Deaf School), Campbell et Whitehead nés tous deux à Manchester, trouvèrent ce nom étonnant à l’issue de discussions sur « comment un groupe de pop rock devrait il s’appeler? ». La question est récurrente , tous les musiciens pop / rock qui cherchent à nommer et désigner leur musique s’y frottent d’une manière ou d’une autre. Lors de ces discussions l’un des musiciens répondit cette phrase: « It’s immaterial what you call yourself, » …Eurêka !

Immédiatement le groupe développe une démarche plus conceptuelle que directe, enregistrant en 1980 une reprise singulière de « Young Man Seeks Interesting Job » de The First Impression , diffusée sur leur propre  label, Hit Machine. L’année suivante  un second puis un troisième single  « A Gigantic Raft In The Philippines » et « Imitate The Worm » vont attirer l’attention de John Peel. Cet intérêt du présentateur de la BBC se conclue par l’offre d’une première Peel Session. Il y en aura huit en tout, à l’initiative du chroniqueur radio influent. It’s Immaterial auraient sans doute pu devenir plus grands, sous ces bons auspices, mais il faut croire que le destin n’est pas une ligne droite…

“’White Man’s Hut’ was next » vient ensuite, alors que les relations avec Warners deviennent complexes, pour ne pas dire tendues, lorsque le groupe annonce qu’il souhaite enregistrer le story board d’un film d’animation . Soit rien de très rock n roll ni de véritablement commercial. Campbell explique qu’à ce moment là le groupe décida qu’ils ne feraient plus de concerts ni de tournées, préférant enregistrer et réaliser des vidéos. Autant dire que Warners UK considère la chose comme saugrenue, antinomique avec ce que devait être le fonctionnement d’un groupe rock. Nous sommes en 1985 et pour Its Immaterial c’est la fin d’un premier élan.

Accueillis par Beggars Banquet, le groupe sort néanmoins un ep la même année : « The Fish Waltz » qui se retrouve dans les charts indies, atteignant la 30ème place. En suivant sort le single  « Ed’s Funky Diner » qui sera à nouveau rediffusé en 1986 dans la dynamique créée par le succès de « Driving away from Home ». Il grimpe à la 65ème place des charts, mais c’est bien le single « Driving Away From Home (Jim’s tune) » qui devient le plus grand succès en date du groupe . On le trouve dans les vingt meilleures ventes indies en avril 1986, les médias français branchés lui accordant également un véritable intérêt. Lequel ne durera pas vraiment, faut- il le préciser?


La chanson a une histoire qui débute à Noël 1985. John Campbell raconte quelques anecdotes à son propos qui éclairent la naissance et la composition du titre  : « It was Christmas and we went down to this bar, and this kind of pub country and western band were playing ‘Merry Christmas Everybody’. They asked this harmonica player, Jim Lieber, to come up, apparently a local boy who worked in Nashville as a session musician. So this chap jumped on stage and played some fantastic harmonica. He was flying back to Nashville the following morning, so we said, ‘Before you go to the airport, can you come into the studio and play?’ He was in and out in an hour. » Une vraie chance et un coup de génie !

Le titre est une sorte de road movie situé dans le nord de l’Angleterre, comme le montrent les paysages typiques filmés pour le clip. Il peut être comparable aux classiques nord américains de ce registre. Le critique Paul Du Noyer ( NME, Q, Mojo ) le décrira comme “ A Mini-Midwestern road movie transported to Liverpool”, et c’est exactement ça ! On retrouvera « Driving away from home » des années plus tard, utilisé comme bande son de publicités télévisées et sur des compilations des meilleurs titres indies des années 1980.

It’s Immaterial, malgré leurs qualités, restent un groupe pour happy few . Leur parcours il est vrai assez particulier, est peu connu , sinon oublié. Mais les deux albums publiés sont dans votre esprit si vous avez eu la chance et le goût de les découvrir en leur temps ou rétrospectivement. Leurs qualités sont évidentes mais non racoleuses fondamentalement. Si elles ne s’adressent pas au grand public c’est sans doute en raison de leur nature musicale qui, de toute évidence, ne relève à aucun moment de l’instantanéité.

L’art de John J. Campbell et de Jarvis Whitehead qui se rencontrèrent comme étudiants à Liverpool, peut toujours être découvert et apprécié en 2025. Il ne s’est pas arrêté avec la fin du groupe sous sa forme la plus connue, mais a continué avec la production de bandes son pour radio, théâtre et cinéma. Un troisième album* House for Sale fut en cours de réalisation au début des années 1990 . Le travail fut arrêté pour des raisons peu claires, liées à une perte des enregistrements … Étonnamment et par chance, ces derniers ont été retrouvés récemment! Après un nouveau travail studio et une remasterisation le matériel composé a fait l’objet d’une diffusion en 2020…Miraculeux! La vie peut être dure mais il y a aussi de bonnes surprises…

https://www.facebook.com/ItsImmaterial/?locale=fr_FR

photo mise en avant par Moira Kenny

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