Le problème de tomber amoureux trop vite, trop fort, c’est souvent de ressentir puissance 2 le choc de la déception lorsque l’objet de ton affection a le malheur de proposer quelque chose qui ne te plaît pas trop. Ainsi, si le premier album d’Isaac Delusion consistait avant tout à une collection de pop songs presque parfaites composées depuis les débuts de groupe, son successeur, Rust & Gold, traduisait sans doute plus l’envie pour les musiciens d’ouvrir leur champ musical à des influences plus roots et organiques, de s’affirmer en quelque sorte. Sans remettre en cause le choix de direction musicale d’alors et si le qualificatif de déception est très certainement bien trop fort lorsque l’on évoque Rust & Gold (celui-ci contenait aussi le doucereux « Daniela » ou encore l’énorme et jouissif « Distance » devant lequel je m’agenouille), l’idée générale pour le groupe semblait peut-être de délaisser un moment l’électronique en privilégiant le grave et moins le plaisir immédiat, quitte à parfois forcer le trait.
En ce sens, Uplifters, le troisième album du groupe, regroupe tout à la fois un retour à un état d’esprit passé, sans doute plus léger et épicurien, et une avancée dans la mesure où ce disque témoigne, peut-être pour la première fois, d’une véritable homogénéité de style. Ainsi, si le groupe continue à dégainer, comme qui rigole, douceurs electro pop mélancoliques (« Fancy », « People You know », « Parrots »), hits discoïdes de haut niveau pour dance-floors fantasmés période chemise pelle à tarte (« It Hurts », ou l’énorme « Disorder ») et esthétique bubblegum et sucrée (« Pas l’habitude »), ces morceaux même marqués par le sceau du référentiel ou du clin d’oeil appuyé tendent ensemble vers un métissage harmonieux (il y autant du Daftpunk que d’une funk des années 80 sur « Magicalove » ); marque de fabrique du groupe depuis ses débuts et peut-être représentée ici de manière frontale, par cette reprise en forme de conclusion du « Couleur menthe à l’eau » d’Eddy Mitchell. Ainsi, loin d’être une resucée fainéante et facile d’esthétiques passées badigeonnées à la va vite, c’est bien tout le disque qui est traversé par une production contemporaine et riche ainsi qu’une souplesse élastique incarnée par les lignes de basse. Elles illuminent toutes les deux Uplifters d’une clarté matte aux teintes pastels (bien illustrées dans les vidéos de l’album et la pochette de ce dernier) et enivrante.
Au final, l’un des aspects qui rend sans doute Isaac Delusion passionnant, c’est la potentialité du groupe: cette volonté de se renouveler au fil du temps, de s’essayer à plusieurs genres musicaux en s’appuyant sur les différents talents et envies de ses membres mais en gardant son identité, de créer des ponts stylistiques tout en conservant des caractéristiques définies très tôt dans son histoire. Alors finalement, qu’importe que l’album précédent ne soit pas totalement celui que nous espérions, qu’ils aient décidé à ce moment de leur carrière d’opter pour un autre voyage que celui que nous envisagions pour eux. Comme ils nous l’ont démontré sur Uplifters, ils ont en eux suffisamment de possibles pour que nous les retrouvions à un moment ou un autre sur le chemin.
Portrait Isaac Delusion: René Habermacher
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.