Si ce n’est pas de l’amour, cela y ressemble quand même beaucoup. Depuis plus de deux ans maintenant, nous suivons les Isaac Delusion avec une passion toujours renouvelée et remplie de plaisir; notre affection parcourue par cette froide et définitive conviction que si le monde ne succombait pas à leur electropop (ou folktronica? on s’en fout) singulière, constamment métissée et bigarrée, il était encore plus tristement con qu’en réalité; une certitude d’autant plus forte qu’elle était apparue dès l’instant de notre première rencontre musicale avec le groupe et ne nous avait pas quittée depuis. Durant ces deux ans, nous avons ainsi vu le groupe évoluer du duo vers un quatuor, sortir deux EPS, passer des concerts dans les troquets et des premières parties à la tête d’affiche et les salles de concert parisiennes blindées en quelques jours pour au final muter sur un rythme patient et assuré jusqu’à cet album inaugural que nous attendions depuis des mois.
A posteriori, même s’ils sont essentiels dans la stratégie d’évolution du groupe et parsemés de morceaux juste parfaits, il y avait quelque chose d’un tantinet décevant dans les deux premiers EP du groupe: une légere carence technique dans la production qui empêchait les chansons de briller de leur plein feu, bridées par des conditions d’enregistrement et de mixage sans doute pas à la hauteur du potentiel des compositions. Pas de souci ici: la galette aligne les couches d’instruments et offre de la profondeur, de la matière et assez de mystère pour dessiner avec raffinement et doigté un univers trouble en clair obscur à la palette sonore débordante de richesses tout en évitant facilement le clinquant et le bling bling. Si les matriciels « Midnight Sun » et « Early Morning » sont toujours présents sous une forme réimaginée et réarrangée de bien belle manière, il reste l’impression diffuse que ces deux singles plus ou moins rêveurs mais invariablement artistiques, entourés d’une lumière matte et synonymes d’errances heureuses, font plus que jamais partie du passé minimaliste du groupe, que ce dernier a définitivement ouvert son champ lexical à d’autres territoires, intégrant ceux-ci pour les faire résonner de sa propre personnalité. Les sonorités japonisantes de « The Child You Were », la sombre et pourtant paisible new-wave synthétique de « Children of the Night », les empreintes world music de « Pandora’s Box », la moitié folk de « If I Fall », la disco funk de « A Little Bit Too High » jusqu’au hip-hop aux pieds nerveusement tordus de « Sleepwalking » sont ainsi tous marqués du sceau et de la cohérence stylistique (belle transition invisible entre « Devil’s Hand » et « Land of Gold ») du groupe, tenus par une rigueur pop (chaque titre pourrait être un single) et une élégante et tendre alchimie. Celle-ci est invariablement composée d’un onirisme naïf et naturaliste, d’une mélancolie dansante (impossible de ne pas remuer des jambes sur l’enivrant et pourtant dépressif « She Pretends ») et de la voix de Loic, le chanteur, alternant entre le profond et l’aérien, point d’ancrage toujours précaire d’une musique qui fait vibrer délicatement un entre-deux, une réalité intermédiaire cotonneuse apaisante mais parcourue d’une énergie rare.
En cela, ce premier album correspond parfaitement à l’image que nous nous faisions du groupe depuis deux ans et à son évolution. Et nous ne pouvons nous empêcher d’envier ceux qui découvriront la musique des Isaac Delusion tant nous aimerions, nous aussi, remettre les compteurs à zéro et l’envisager à nouveau comme un territoire vierge à explorer, revivre cet instant précieux d’il y a deux ans où, comme qui rigole, le groupe a retourné notre univers musical en un clin d’oeil… On vous a pourtant expliqué qu’il y avait de l’amour là-dessous.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.