Ajaccien d’origine, Yves Altana est un multi-instrumentiste dont la carrière a commencé au début des années 1980. Jeune homme, passionné de Rock et de New Wave, il n’a pas hésité malgré les difficultés, à s’exiler, quittant la Corse pour Londres puis Manchester. Depuis ce temps il est toujours resté actif, à la fois musicien et producteur dans son studio mancunien. Interview.
Dark Globe : Bonjour Yves. On t’a vu récemment aux côtés de Peter Hook and the Light, mais on connait moins en France ton parcours personnel. Tu es né à Ajaccio en 1965, comment découvres tu la musique rock ?
Yves Altana : Bonjour et merci de porter votre intérêt! Je ne suis pas très habitué à donner des interviews, je vais essayer de répondre assez directement. Mon parcours n’est pas « affiché » en France car je suis parti en Angleterre à mes 18 ans, au début des années 80s…D’abord vers Londres, puis Manchester ou je réside toujours aujourd’hui. J’ai d’abord découvert le Glam Rock dans les années 70s avec T.Rex et David Bowie, puis plus tard avec Lou Reed et Iggy Pop.
A l’âge de 10 ans, je me rappelle que mon père avait collecté assez de bons pour un 45 tours gratuit chez Codec (!) Mon premier 45 tours vinyle que j’ai eu la chance de choisir a donc été « Crazy Horses » des Osmonds. J’en pleurais à l’écouter. Il y avait tellement d’excitations à entendre ce titre. A 10 ans, c’était ça pour moi ‘le Rock’ !
A quel moments décides – tu vraiment de partir en Angleterre, pour t’installer à Manchester?
Et pourquoi ce choix plutôt que de rester en France ?
Yves Altana : Le déclic s’est passé lorsque je suis allé voir un groupe qui s’appelait The Opposition, fin 1981. Ils venaient de Londres, le tout premier groupe britannique à avoir joué en Corse. Ce trio
a carrément bouleversé ma vie à 16 ans. Ils furent ma première vraie influence musicale. Je trouvais leur musique magnifique et la voix du chanteur (Mark Long – R.I.P.) était bouleversante. Grâce à eux, je décide de créer une première formation, m’étant mis à la basse, avec des potes du même quartier et me jure de partir en Angleterre à ma première opportunité.
On t’entend dans beaucoup de groupes différents de la scène indé. Je pense à The Chrysalids, The Bardots – et Oskar’s Drum – qui est le plus récent, me semble-t-il -, mais quelle est la formation que tu rejoins en premier ?
Yves Altana : Mon premier vrai projet musical à Manchester a été The Chrysalids avec l’ancien chanteur des One Thousand Violins, John Wood. Ensemble, nous avions décidé de rejoindre Manchester, début 1988. C’était juste avant que la fameuse scène « Madchester » explose ! Scène qui ne nous a pas vraiment
aidé, car notre son et notre écriture à cette époque étaient plus influencés par des groupes de la veine de Echo & The Bunnymen, Roxy Music, R.E.M, Bowie, Scott Walker et bien d’autres… Cette nouvelle scène mancunienne n’avait pas grand chose à voir avec ce que nous faisions. Ce qui nous a quasiment couté des signatures sur de grands labels de cette belle époque !
Pour citer ma dernière formation, Oskar’s Drum (2017) a été une vraie réussite artistique pour moi et mon collaborateur Patrick Fitzgerald (ex. chanteur/bassiste avec Kitchens Of Distinction) Nous avons beaucoup apprécié de travailler ensemble sur nos deux albums A Cathedral Of Hands et Degenerate Art. La BBC a même choisi un de nos titres « Arms Of The Dark » pour leur « Single of the Week ».
Tu as plusieurs fois collaboré avec Mark Burgess de The Chameleons (1981-1987). Que peux-tu nous dire de ta relation avec cet artiste important qu’on connait depuis 1981 et les débuts de la scène new wave ?
Yves Altana : J’ai longuement collaboré avec Mark. Nous avions commencé à travailler ensemble au début des 90s, lorsque je suis parti en tournée à la guitare avec lui (USA, Europe, etc.) Le projet s’appelait Mark Burgess and The Sons Of God. Nous jouions pas mal de titres des Chameleons à cette époque là… L’année plus tard, nous décidions de travailler ensemble en studio où nous avions pu enregistrer et produire deux albums. Un premier projet en 95, Mark Burgess and Yves Altana avec un album Paradyning sur Dead Dead Good Records et trois ans plus tard sous le nom de Invincible où nous sortions un nouvel album Venus. Il y a eu un grand vide, puis nous nous sommes retrouvés longtemps après et j’étais même devenu batteur avec les Chameleons pendant pas mal années. Aujourd’hui, je n’ai plus de contact avec ce personnage…Invincible était la continuation de notre projet précédent. Je ne voulais plus continuer à sortir des chansons sous le nom de « Mark Burgess and Yves Altana ». Cela me faisait grincer des dents ! Mais Venus est resté un bel album d’amour, déchirant. Aujourd’hui je suis heureux de ne pas à avoir à me soucier de ce genre de collaborations. Tout cela fait partie du passé, pour le mieux.
Je ne connais pas du tout, par contre Wonky Alice, avec qui tu sors plusieurs disques dans les années 1990. Comment décrirais tu ce groupe ? Et quelle était ta participation ?
Yves Altana : Wonky Alice est originaire d’Oldham (dans la banlieue de Manchester) Je les ai rencontrés lorsqu’ils sont venus au studio où j’enregistrais et produisais des démos au début des années 90s et je les avais rejoins à la guitare au tout début. Nous avions sorti un premier maxi single « Insect and Astronauts », puis d’autres « Sirius » et « Atom » et aussi un album Atomic Raindance. Tout cela sur un petit label Pomona Records.
Comme je le disais en introduction de cet entretien, on t’a remarqué auprès de Peter Hook. Tu rejoins The Light après le départ de Jake Bates. Comment as-tu été contacté par Hooky et comment se sont passé les choses ?
Yves Altana : J’ai croisé Hooky à plusieurs reprises au cours de ces 30 dernières années. Je lui ai même servi une pizza lorsque je travaillais comme serveur dans une chaîne de pizzerias ! ( Rires).
Nous sommes sur un petit réseau de musiciens dans la région de Manchester, alors quand Mark B. et moi travaillions sur l’album Paradyning, Hooky est venu au bureau du label Dead Dead Good pour nous dire bonjour. En fait, il cherchait un batteur pour son nouveau projet Monaco. Notre label m’a demandé personnellement si Monaco pouvait « emprunter » notre batteur Paul juste pour quelques jours, car ils avaient une apparition/promo sur une chaine de télévision. Ils avaient donc un besoin urgent de trouver un batteur. Inutile de dire que notre batteur n’est jamais revenu et qu’à ce jour, il travaille toujours pour Peter Hook and The Light !( Rires ).
Peter Hook m’a contacté pour remplacer son fils qui faisait déjà pas mal d’aller-retour aux USA avec Smashing Pumpins et je suis resté jusqu’à la ‘PANDEMIE’ de la crise Covid.
Est-ce que tu vois cette expérience de plusieurs années avec Peter Hook and The Light, comme un des grands moments de ta carrière de musicien ?
Yves Altana : Absolument ! Cela dit, toutes mes expériences acquises auparavant ont été aussi importantes ! Il faut d’abord savoir que je viens d’Ajaccio et que je suis tout de même parti en Angleterre sans vraiment savoir parler la langue… J’ai passé des moments à Londres ou j’ai connu la faim. J’ai dormi par terre dans des squats, j’ai fait la plonge dans des restaurants où je piquais des desserts laissés de la
veille dans des frigos, etc. Vous ne prenez pas les choses pour acquises quand vous traversez cette merde ! Se retrouver quelques années plus tard à jouer partout sur chaque continent de la planète était déjà invraisemblable mais se produire au London Royal Albert Hall et au Sydney Opera House avec The Sound of Joy Division Orchestrated à la basse restera quand même écrit tout en haut de mon CV. J’en souris de bonheur…
Peter Hook est une personnalité emblématique de la scène de Manchester. Y en a-t-il d’autres qu’à titre personnel tu considères comme importantes ou marquantes, et pourquoi ?
Yves Altana : Oui bien sûr mais pas forcément toutes venant de Manchester. Manchester est une ville d’où ont émergé beaucoup de groupes mythiques comme Buzzcocks, Joy Division, Durutti Column, Magazine. Et plus tard comme The Smiths et bien d’autres… Des musiciens comme le guitariste John McGeoch (Magazine, The Banshees, PIL,…) ou Mick Ronson (The Spiders From Mars) m’ont beaucoup influencé. C’est très présent lorsque je travaille sur mes compos & guitares. Mes influences sont très
variées car j’adore autant David Bowie, Scott Walker, tout comme Philip Glass ou Arvo Pärt.
Comment te situerais tu dans la scène mancunienne actuelle ? Après plusieurs décennies actives ? Y a-t-il des artistes qui t’intéressent particulièrement ?
Yves Altana : Cette scène a malheureusement disparu depuis longtemps avec aussi tous ces labels indépendants. Je ne connais pas vraiment la scène actuelle de Manchester, s’il y en a une… ?
Rien ne se passe vraiment sur la scène Rock. Nous sommes sur l’après – Oasis. Il nous reste les plus anciens qui continuent à nous jouer leurs vieux catalogues. Pour les autres moins chanceux, ils ont monté leurs groupes style ‘Tribute bands’ (groupe de reprise au look similaire de l’original)…
Quelles sont tes activités en ce moment ? Musicales ou de production ?
Yves Altana : Mes activités sont actuellement basées sur l’enregistrement de mes clients (groupes et artistes). Je travaille aussi le mixage et le mastering dans mon studio ‘Alchemized Music Production’ mais je vais aussi rejoindre Peter Hook and The Light à la basse sur quelques dates européennes et en Grande-Bretagne pendant cet été (2024)
Je te remercie de tes réponses qui décrivent bien ta carrière et un univers. Mais pour finir revenons au départ, si tu veux bien. Retour dans la plus belle île! Comment vois-tu la musique rock en Corse , ta terre d’origine ? Et que conseilles tu aux musiciens rock qui y jouent et vivent aujourd’hui?
Yves Altana : Par rapport à celle de mon époque, je ne connais plus de scène Rock en Corse. Franchement, je n’en ai aucune idée. J’ai récemment écouté We See Hawks de mon pote Dominique
Tomasi d’Ajaccio mais je ne suis pas trop au courant de ce qui se passe… mais comme chante si bien Brian Johnson du groupe AC/CD : «Pour ceux qui sont sur le point de faire du rock, je vous salue» ! ( clin d’œil!)
Yves Altana/ Dark Globe, January 2024
Peintre et guitariste, adepte de Telecaster Custom et d’amplis Fender. Né en 1962 – avant l’invention du monde virtuel – pense que la critique musicale peut-être un genre littéraire, objet idéal pour un débat en fauteuil club millésimé.
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