En ce joli mois de Juin à Paris, nous étions bien heureux de retrouver nos chouchous de Simian Ghost, le groupe de Sebastian Arnström que nous suivons depuis ses quasi débuts. Il faut dire que notre première rencontre avec le chanteur du groupe avait eu lieu voici presque trois ans dans la glaciale Stockholm en plein hiver, soit l’opposé des douces températures météorologiques sur la capitale hexagonale au moment de cette seconde interview. De passage pour une semaine de promotion de leur troisième et nouvel album The Veil (que nous espérons chroniquer prochainement… blahblahblah… vous connaissez la chanson), une galette regroupant pas moins de dix huit morceaux et parmi elles de chouettes bouchées au parfum californien pop 60’s marinées dans une douce sauce jazzy pour un résultat délicatement amer, ils en ont aussi profité pour nous gratifier d’un sympathique concert à l’International. Après celui-ci, nous avons eu la chance de les attraper juste la veille de leur départ pour la perfide Albion, histoire de leur poser quelques questions sur l’évolution du groupe et remarquer que la barbe hirsute tient définitivement le rôle de mètre étalon de la fashion attitude en Suède.
Est-ce que vous avez changé votre manière de travailler entre Youth et The Veil?
Sebastian: La plus grande différence concerne le temps que nous avons passé à réaliser ces deux disques. Nous avons fait Youth en été. Nous n’arrêtions pas de faire des pauses et nous préférions passer notre temps sur des matelas pneumatiques au milieu de la piscine à prendre le soleil plutôt que de bosser. Youth a été enregistré de manière très tranquille. Tandis que The Veil a été conçu en hiver. Nous nous sommes enfermés dans notre cave pendant deux mois en enregistrant sans nous arrêter.
Il y a trois ans, tu m’avais pourtant dit que pour toi un album devrait se faire en deux semaines.
Sebastian: De nombreuses circonstances ont fait que The Veil a pris beaucoup de temps pour sortir. Nous avons presque fait un album entier entre Youth et celui-ci; un disque qui n’est jamais sorti parce que nous avons changé de direction musicale. Une partie de ces chansons se retrouvent sur le Autumn Slowmo EP, d’autres seront sur la ressortie américaine de Youth. D’autres morceaux venant des sessions de The Veil ne sont pas non plus sorties.
Finalement, combien d’albums d’avance avez-vous?
Sebastian: (rires) Je ne sais pas. Beaucoup, j’imagine. Si nous mettions sur disque toutes les idées qui nous sont passées par la tête ou sur lesquelles nous avons commencé à travailler, nous aurions des Infinite Albums Everywhere (rires) (jeu de mots sur le titre du premier album de Simian Ghost intitulé Infinite Traffic Everywhere, NDLA).
« Nous avons beaucoup écouté les sonorités des groupes des années 60 (…) et décidé de nous amuser avec ce type d’harmonies. C’était vraiment quelque chose de tout à fait conscient au moment de la conception du disque. »
Je suis toujours surpris par la qualité de vos enregistrements. Vous les réalisez toujours dans votre home studio?
Sebastian: Oui mais nous sommes comme le bon vin, nous nous bonifions avec les années (sourire). Infinite Traffic Everywhere était la première chose que j’ai enregistrée donc il part dans pas mal de directions différentes. Je ne l’aime pas beaucoup car il n’est pas assez cohérent à mes oreilles. La plupart des chansons que tu entends sont moi en train d’essayer des sons, des effets, des machines pour la première fois. Au contraire, pour nos productions suivantes, nous avons défini au préalable une identité sonore vers laquelle nous voulions tendre. Il y a beaucoup plus de travail derrière Youth ou The Veil que Infinite Traffic Everywhere. Nous nous perfectionnons aussi au fur et à mesure sur le point de vue technique. Pour ce qui est de préférer travailler dans notre home studio, il est toujours agréable de faire les choses par toi-même dans la mesure où tu n’as pas besoin de t’adapter aux horaires des techniciens et tu n’as pas non plus le stress des heures qui t’ont été allouées.
Vous avez enregistré The Veil en hiver mais il y a un sentiment de légèreté sur l’album voire estival avec notamment le bruit des vagues du début.
Sebastian: Je respecte l’interprétation de nos chansons par une tierce personne autant que la mienne. Je considère qu’il n’y a pas de manière unique de lire nos morceaux mais pour moi, ceux-ci sont bien plus sombres que ce que la plupart des personnes perçoivent. Bien évidemment, l’interprétation ne doit pas se faire au premier degré, je ne vais pas me mettre à chanter « Oh, je suis tellement triste aujourd’hui ». C’est plus subtil que cela. Car même si nous avons peint The Veil avec des couleurs brillantes, il y a des détails que je considère très étranges sur ce disque. Pour ce qui est des vagues de début de l’album, c’est un symbole avec lequel il est intéressant de jouer : elles représentent à la fois la vie et la mort. Il y a aussi sur l’album toutes ces références surf pop accompagnées de tous leurs aspect superficiels mais qui, liées aux paroles, donnent une dimension plus complexe à l’ensemble. L’océan est pour moi une métaphore de ce que sont les gens les uns vis à vis des autres, de la manière dont nous sommes façonnés, du fait que même si nous sommes toujours séparés, dans le même temps, nous en faisons tous partie.
« Je considère qu’il n’y a pas de manière unique de lire nos morceaux mais pour moi, ceux-ci sont bien plus sombres que ce que la plupart des personnes perçoivent. »
Avec l’ajout d’une voix féminine sur vos morceaux, vous sonnez parfois comme un groupe fantasmé de bateaux de croisière.
Sebastian: Je vois ce que tu veux dire… Il nous arrive d’écouter du easy listening, du soft rock et ce sont des genres musicaux que nous aimons bien. Mais laisse-moi te dire que si un jour nous devenons un groupe de croisière, celle-ci serait juste géniale! (rires)
Vous pouvez me parler un peu plus de « Echoes of Songs », la chanson dédiée à Trish Keenan, la chanteuse de Broadcast?
Sebastian: Après son décès, nous avions envisagé de faire une reprise d’un titre de Broadcast. Mais très rapidement, nous avons compris que nous ne pourrions pas nous approprier cette musique et lui apporter quelque chose de nouveau. Les chansons de Broadcast sont suffisamment bonnes comme cela. Après avoir écrit « Echoes of Songs », nous nous sommes rendus compte que cette chanson nous faisait penser à Broadcast et nous avons décidé que c’était une manière bien plus appropriée de rendre hommage à Trish Keenan. Ceci étant, les paroles ne lui font pas spécialement référence, elles évoquent plus le sentiment de perte en général.
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« A Million Shining Colours » pourrait être un morceau des Beach Boys, non?
Sebastian: Nous avons beaucoup écouté les sonorités des groupes des années 60 qui ont été majoritairement influencés par les Beach Boys et décidé de nous amuser avec ce type d’harmonies. C’était vraiment quelque chose de tout à fait conscient au moment de la conception du disque.
A chaque fois que je vous rencontre, il y a des personnes supplémentaires dans Simian Ghost. Vous jouez maintenant à 5 sur scène. La formation ressemble désormais à ce que tu attendais?
Sebastian: C’est bien plus marrant d’être avec d’autres personnes spécialement lorsque que tu es sur scène. Mais nous comptons bien continuer à nous étendre au maximum jusqu’à être capable de reconstituer une armée (rires).
As-tu l’impression que les musiciens qui jouent avec toi influencent l’atmosphère des disques? Votre musique, en tous cas, me semble de plus en plus directement lumineuse au fil des albums.
Sebastian: Ce n’est pas quelque chose que nous préméditons en tous cas. Il y a tellement de styles différents de musique que nous aimerions essayer. En ce moment, nous travaillons dans un registre aux harmonies à la fois « jazzy » et « Beach Boys » mais en toute sincérité, nous nous concentrons avant toutes choses sur le songwriting. Au final, comme je te l’expliquais, tout dépend de la manière dont tu appréhendes toi-même notre musique. Après bien sûr que nous nous influençons mutuellement. Avant que Matthias et Erik ne me rejoignent au sein de Simian Ghost, nous jouions déjà de la musique ensemble. Et j’étais avec eux lorsqu’ils ont enregistré leur single « Wish We Had » en tant que Light Vibes .
Vous êtes néanmoins d’accord pour dire que votre musique est de moins en moins électronique?
Erik: C’est parce que nos influences sont de plus en plus organiques. Mais c’est en fait une direction vers laquelle nous nous sommes dirigés sciemment.
Sebastian, qu’en est-il de ce projet dont tu me parlais voici trois ans, celui de sortir de la musique électronique sous un autre pseudonyme?
Sebastian: Je fais de la musique électronique continuellement à côté de Simian Ghost. Mais ce ne sont que des chansons qui ne sont jamais devenues un disque parce qu’il manquait une ligne directrice.
Mais si tu jouais encore de la musique tout seul, penses-tu que ton évolution musicale correspondrait à celle qui tu suis actuellement?
Sebastian: Si je jouais encore en solo, je ferais de la noise ou de l’ambient. C’est d’ailleurs ce que j’aimerais faire en ce moment. Ou quelque chose de très dépouillé avec juste une guitare et du chant.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.