Joseph Arthur est un musicien américain folk, actif depuis la fin des années 90. En 1996, il est repéré par Lou Reed et Peter Gabriel. Il sort ses premiers albums sur le label Real World et rencontre un succès mondial avec son titre “In the Sun”. Depuis, Arthur continue une carrière musicale sans compromis. De retour en Europe après huit ans d’absence, nous l’avons rencontré pour une interview intimiste, avant son concert parisien du 14 juin aux Étoiles.
Darkglobe : Bonsoir Joseph, ta dernière tournée remonte à il y a huit ans : très content de te retrouver sur scène !
Joseph Arthur : Je suis ravi de retrouver mon public européen. A vrai dire, il s’est passé beaucoup de choses dans ce laps de temps. J’ai déménagé de Brooklyn vers l’Arizona, je suis devenu père et puis il y a eu pas mal de changements dans mon entourage professionnel.
C’est inévitable, c’est un grand cycle : on construit une carrière, tu as un certain succès et puis peut-être un jour tu prends une direction différente et tu perds quelques gens en chemin. Il te faut reconstruire.
Il s’est passé tellement de choses : il a fallu trouver un nouveau tourneur, recréer du réseau, un nouveau management et de fil en aiguille, toute cette agitation a fait que je n’ai plus été en Europe tout ce temps … Et puis bien sûr, il y a eu les années covid. Elles ont eu un gros impact sur ma carrière : je suis parti dans des controverses qui ont eu un effet dévastateur sur ma trajectoire d’artiste. Ma carrière s’est complètement arrêtée : personne ne voulait plus travailler avec moi !
« On construit une carrière, tu as un certain succès et puis peut-être un jour tu prends une direction différente et tu perds quelques gens en chemin. Il te faut reconstruire.
L’électricité des grandes villes ne te manque pas trop ?
Joseph Arthur : Non pas vraiment : j’ai vécu à New York tellement longtemps. L’Arizona a été un bon changement: il y a la nature et j’ai un groupe de bons amis là-bas ; je fais de la musique et je m’occupe de ma fille, ça remplit pleinement ma vie ! L’Arizona est un terrain de jeu fabuleux.
Ton dernier album Come Back World est sorti en 2019, il y a cinq ans : quels sont tes nouveaux projets ?
Joseph Arthur : Cinq ans ? Incroyable ! Eh bien, j’ai un nouvel album : quinze chansons mixées et masterisées qui devraient sortir très prochainement. Mon ami Lance Davis * ( Grady Hoss chanteur et songwriter de country music, Grady Hoss & the Sidewinders ndlr) m’a aidé à le produire et à le mixer : le résultat est vraiment puissant. Je commence à présenter ces nouveaux titres dans mes concerts, je rajouterai peut-être plus de chansons. J’ai probablement cinquante ou soixante quinze chansons en stock : je n’ai jamais vraiment arrêté d’écrire mes chansons !
Vas-tu jouer de nouvelles chansons ce soir ?
Joseph Arthur : Oui, des nouvelles mais bien sûr aussi beaucoup d’anciennes ! Les gens attendent les anciennes chansons et pour dire vrai j’adore les jouer. Je trouve ça super gratifiant : après avoir été mis sur la touche pendant ces années, j’ai une telle énergie et une gratitude de pouvoir les rejouer. Honnêtement, je n’étais pas sûr de pouvoir un jour. Pas parce que je ne voulais pas les jouer mais organiser une tournée nécessite une telle organisation.
Heureusement Amélie Chopinet a été essentielle dans cette organisation : elle est venue me chercher et m’a dit « tu dois venir jouer en France, je vais te trouver quelques dates ». Elle m’a réservé quelques concerts dans des petites salles, histoire de payer le voyage et éventuellement gagner un peu de sous! Au final on fait huit concerts et quelques autres en septembre, des interviews avec des journalistes, des playlists : jusque là ça se passe incroyablement. Le public est là, on a eu quelques concerts sold-out : je vois plein d’enthousiasme autour de moi, peut-être encore plus que lors de mes dernières tournées !
À propos des thèmes de tes chansons : tu as fait des chansons romantiques, des chansons sur ta famille (ta famille criminelle comme tu dis dans « I miss the zoo » …
Joseph Arthur : Ils ne sont pas vraiment des criminels mais c’était pour la punchline !
Tu as parlé des drogues, de la religion : quels sont les nouveaux thèmes que tu abordes dans les nouvelles chansons ?
Joseph Arthur : j’ai une chanson inspirée par ma fille mais aussi par une relation compliquée ; ce n’est pas à proprement parlé une chanson d’amour pour mon enfant mais il faudra que j’en écrive une : je me sens très inspiré.
Ce qui a été bénéfique pendant ces années est que ça m’a rendu très humble : quand tu reviens à une certaine humilité, ça te permet de te détacher de ton égo. Quand la vie devient dure, ça devient impossible de s’identifier à ton égo et tu dois revenir à ta réalité, ta présence. J’ai fait pas mal de travail sur moi-même en ce sens
Les nouvelles chansons seront-elles plus introspectives ?
Joseph Arthur : Il y aura aussi pas mal de spiritualité mais aussi pas mal de chansons qui célèbrent la vie.
J’ai constaté une évolution entre ton début de carrière et aujourd’hui : tu étais un rebelle, et petit à petit on t’a vu être plus en paix avec toi-même.
Joseph Arthur : C’est ce à quoi nous aspirons tous, non ? C’est l’histoire humaine : quand tu es jeune ta personnalité vient de ton égo. Puis tu apprends, sauf si la vie est trop douce avec toi, auquel cas tu n’apprends rien : c’est pourquoi il est plus facile à un chameau de passer dans le chat d’une aiguille que pour un riche d’accéder au royaume de Dieu ! C’est plus dur pour eux parce qu’ils peuvent toujours acheter une solution. Sans argent, tu peux te retrouver dans des situations très sombres et effrayantes. Quand tu es riche, il y a toujours une solution matérielle à tes problèmes et c’est bien pour ça que c’est plus difficile pour eux, paradoxalement de découvrir l’humilité et la paix intérieure.
On ne trouve la paix que dans le présent mais tu ne peux arriver à ce stade que lorsque ton égo s’est suffisamment dissout et disparait complètement : ce n’est pas facile d’arriver à ça. Il faut apprendre à pardonner à tout le monde : j’ai beaucoup pratiqué dans ce sens; sans ça on reste dans le ressentiment et la colère. J’ai enfin trouvé cette paix : c’est ce que ces dernières années m’ont apporté. La colère te quitte si tu sais pardonner.
Notre société est outrancière et promeut une certaine forme de violence dans la vie publique, la vie politique … Je ne comprends pas pourquoi une opinion devrait m’impliquer émotionnellement : je peux parfaitement être en désaccord avec quelqu’un sans que ça fasse de lui une mauvaise personne. La Bible dit, avec l’histoire de la pomme, que la connaissance du bien et du mal amène jugements et condamnations : la société et les médias promeuvent l’affrontement, au contraire, il nous faut rester en paix et prendre soin de nous.
« On ne trouve la paix que dans le présent mais tu ne peux arriver à ce stade que lorsque ton égo s’est suffisamment dissout et disparait complètement : ce n’est pas facile d’arriver à ça. »
Poète, musicien, peintre : tu es un artiste complet …
Joseph Arthur : Je fais principalement de la musique et de la peinture. Je m’intéresse aussi à la vidéo. J’ai l’ambition d’écrire un jour, d’avoir une chaine Youtube. Je fais de la radio sur radio TNT : j’ai plein d’envies!
Tu as collaboré avec plein d’artistes : Ben Harper, Peter Buck, Dhani Harrisson….
Joseph Arthur: J’ai eu un message de Ben l’autre jour sur instagram: j’étais très heureux parce que je l’aime et Dhani est un type extra aussi. J’adorerais que le groupe se reforme et qu’on rejoue ensemble : peut-être un jour. J’ai le sentiment de ne pas être allé au bout de ce projet. On avait fait ensemble un album vraiment beau et j’adorerais le refaire : on verra !
D’autres collaborations? Tu avais fait un album avec Peter Buck.
Joseph Arthur: C’était avant la pandémie! Cette période a pas mal duré. C’est à ce moment puis c’est là que je suis devenu père que j’ai déménagé en Arizona et tout est devenu tellement différent ! Dans tous les cas, c’est vraiment top d’être de retour ! Mais oui, j’ai fait un album avec Peter Buck et Rich Robinson des Black Crowes avant la pandémie. L’album est quelque part : il sortira peut-être un jour ! C’est un double album assez épique !
Tu as aussi fait la BO de Shrek 2 !
Joseph Arthur : On m’a demandé d’écrire une chanson d’amour étrange pour Shrek. Du coup j’ai écrit “You’re strange. And I’m strange. Don’t want you to change”. Ils ont aimé : j’ai juste fait une interprétation littérale !
Pour ton prochain tour en septembre, tu auras de nouveaux titres à dévoiler ?
Joseph Arthur : Absolument, peut-être pas l’album complet mais sans aucun doute de nouveaux singles. On est en train de tourner la vidéo, ça sortira bientôt et je vais le jouer ce soir « Thank you is my Mantra »
Merci Joseph : bon concert !
Crédits photo: KD Photographies
Xavier Mathès est chanteur et multi-instrumentiste. Il partage sa vie entre Aix-en-Provence et Cambridge. Inconditionnel de British Pop, il est convaincu qu’une mélodie peut embellir le monde!