Est-il vraiment nécessaire de rappeler l’obsession de votre serviteur pour le groupe danois Giana Factory: electropop glaciale contrastant avec la fragilité d’une voix révélant une sensibilité à fleur de peau. Après un jeu de piste assez agaçant, rencontre dans un café parisien du 20ème avec les trois jeunes femmes le 16 Juin 2011, lendemain de leur concert à l’International, veille de leur set au Pop In. Première moitié d’une interview en deux parties dans lequel Loui (chant & batterie electronique), Lisbet (guitare) et Sofie (basse & claviers) parlent des origines du groupe, de leur style musical et s’affirment comme des jeunes femmes qui savent ce qu’elles veulent. Oui, j’étais sous le charme et plutôt trois fois qu’une.
Vous donnez l’impression d’être très proches l’une de l’autre. D’où est-ce que cela vient?
Loui: En fait, nous jouons de la musique ensemble depuis 2003 mais notre style était alors très différent de notre son actuel. Ce n’est qu’en 2007 que nous avons vraiment commencé à travailler sur les morceaux de Giana Factory. En 2008, Lisbet et moi-même jouions avec les Raveonettes à Londres. James Allan de Glasvegas assistait au concert. Il nous a demande si nous avions un groupe et nous a proposé de jouer en première partie de leur concert qui avait lieu deux semaines plus tard à Copenhague . Et c’est ainsi que Giana Factory a vraiment débuté.
Comment en êtes-vous arrivées à produire un son aussi distinctif?
Sofie: Ce n’était pas quelque chose de réfléchi. Nous avons acheté des instruments, que ce soit des guitares, des synthétiseurs ou des percussions, qui avaient déjà des sons extrêmement spécifiques.
Loui: Et tout est ensuite parti sur des sessions d’impro. J’appuyais au hasard sur les boutons de la boite à rythmes, Lisbet accompagnait à la basse et à un moment, ça a produit du sens.
Lisbet: Je me souviens appuyer sur le kick drum (grosse caisse, ndla) tandis que Loui chantait. C’était un moment vraiment cool.
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Sur d’anciennes photographies ou même la vidéo de « Trippin », Giana Factory est composé de quatre personnes dont un garçon.
Loui: Oui, c’était notre batteur. En fait, au tout début du groupe, il n’était même pas là. C’était moi qui jouait de la batterie mais je n’étais pas très bonne donc nous lui avons proposé de s’en charger. Mais très rapidement, son boulot de glacier l’a accaparé.
Lisbet: Il fait des glaces siciliennes. En fait, il est le meilleur glacier de Copenhague.
Sofie: Il va chercher lui-même en camion des pistaches dans la région de l’Etna en Italie. Autant te dire qu’il n’a rapidement plus trop eu le temps pour jouer avec nous (rires).
Loui: Nous en avons conclu que finalement le trio n’était pas une si mauvaise idée et que nous pouvions continuer ainsi.
Est-ce qu’il vous reste des chansons de cette époque pré Giana Factory et que vous avez réinterprèté?
Lisbet: « Heart Thief » est l’unique morceau que nous avons conservé de nos compositions précédentes. « Rainbow Girl » a d’abord été écrite en acoustique. C’est très souvent la manière dont nous composons nos morceaux.
Sofie: Nous composons parfois chez nous. Et dans un cas comme celui-ci, tu attrapes le premier instrument qui te tombe sous la main qui est souvent une guitare acoustique. Je ne joue pas très bien mais je peux imaginer une mélodie sur laquelle Loui posera sa voix. Cette phase passée, nous imaginons le style Giana Factory qui ira autour.
Lisbet: En fait, nous n’avons pas de recette pour écrire une chanson. Nous le faisons vraiment de la manière dont nous le sentons.
Loui: Ça dépend aussi des morceaux. Pour « Bloody Games »: nous jammions ensemble sur le rythme et les cordes. Au contraire, « Rainbow Girl » était un vieux texte sans mélodie. Mais nous avons tout de même tendance à composer de plus en plus de manière collective.
Qu’en est-il des paroles?
Sofie: C’est surtout Loui qui s’en occupe.
Lisbet: J’ai écrit des paroles sur trois morceaux de l’album dont « Joy and Deception » sur lequel je chante mais c’est vrai, c’est surtout Loui qui s’occupe des paroles.
Est-ce que vous fonctionnez comme une démocratie?
Lisbet: Peut-être plus comme un collectif! Il n’y a pas de rôle déterminé chez nous. On s’aide toutes à réaliser les morceaux.
Sofie: Nous avons appris à connaître nos défauts, comprendre ce que nous savons faire et ce que nous ne savons pas faire. En fait, nous avons assez tendance à nous partager les taches en fonction de nos compétences respectives.
J’ai vu Lisbet et Loui dans une émission danoise dans laquelle vous colliez vous-même les autocollants sur vos 45 tours. J’avais l’impression que vous passiez la quasi totalité de votre temps ensemble!
Lisbet: Tu as complètement raison (rires)!
Loui: On apporte aussi pas mal de travail à notre domicile. De mon côté, il m’arrive d’enregistrer les voix chez moi ou de créer des parties sur l’ordinateur et de les envoyer aux filles par mail. On a aussi nos devoirs à la maison! (rires)
Depuis que je connais votre groupe, il semble que vous êtes toujours occupées a enregistrer, faire des dj-sets, des tournées, faire la fête. Vous êtes aussi très présentes dans les réseaux sociaux. Je me souviens de vos vidéos réalisées et diffusées sur Myspace durant votre tournée avec les Asteroid Galaxy Tour. Elles étaient particulièrement étranges, dans un style très Lynchien.
Lisbet: Oh non, tu as vu cela? Tu dois être le seul au monde à les avoir regardées (rires)
Loui: Je suis vraiment contente que tu ais saisi la référence à David Lynch! As-tu remarqué le tapis rouge?
Lisbet: Maintenant tu comprends notre humour. (rires)
Giana Factory est devenu votre obsession principale?
Loui: Oh oui.
Lisbet: Oui, nous sommes vraiment devenus une usine (jeu de mot avec Factory, ndla). Nous travaillons à la fois en horaires de jour et horaires de nuit. (rires)
Sofie: Nous avons aussi un job à côté pour économiser de l’argent et pouvoir ensuite partir en tournée.
Lisbet: Je tourne avec Trentemøller. C’est ainsi que je gagne de l’argent.
Loui: J’étudie dans une école d’art mais Giana Factory est mon projet d’étude.
Est-ce que vous considérez comme des Control Freaks?
Lisbet: Tout à fait.
Sofie: Nous ne voulons pas faire quelque chose que nous ne sentons pas pour Giana Factory. Nous pensons toujours aux visuels, à la musique, aux sons… Pas question de sortir un morceau pour des questions de timing. Nous voulons le faire parce que nous pouvons nous investir à fond toutes les trois.
Lisbet: Et de toutes manières, à chaque fois que nous essayons de laisser d’autres personnes s’occuper d’un aspect créatif, on ne l’apprécie jamais autant que si c’était nous qui l’avions fait. C’est juste parce que nous pensons que nous savons mieux que personne ce que nous désirons.
On observe souvent comme une sorte de contradiction entre la représentation de votre musique d’un point de vue visuel ou même dans vos paroles avec des références fréquentes à la nature alors que le son de votre musique est plutôt urbain voire industriel…
Loui: Nous aimons vraiment travailler sur ce contraste.
Lisbet: C’est un aspect qui est très bien représenté sur la pochette de Save the Youth. Il s’agit d’ailleurs de la toute première proposition de notre designeuse. Elle nous en a proposé un nombre incalculable d’autres ensuite mais nous sommes toujours revenues vers ce premier projet. C’est juste que celui-ci nous semblait représenter le mieux l’univers de notre musique. Nous aimons ce contraste entre les deux mondes: la nature et cet aspect urbain réuni par ce cachet rond au milieu de l’image qui les connecte.
…suite de l’interview ici!
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.
[DARK GLOBE]
[…] et dernière partie de l’interview des Giana Factory réalisée le 16 Juin 2011 à Paris. Malgré le rhume tenace de Loui, la fatigue […]