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Interview – Avenoir

Dans la foisonnante scène marseillaise, Avenoir est un power trio qui commence à compter et ceux qui les ont vus sur scène peuvent en témoigner. Héritiers avisés du Shoegaze 90s, de la scène Mancunienne et d’Andy Warhol, Darkglobe a partagé une longue discussion sans filtre et à bâtons rompus dans la douceur d’un soir d’avant été avec Sasha, Charles et Léo : histoire du groupe, thèmes de prédilections, influences, méthodes de travail, matériel, relations avec le voisinage. En attendant un premier EP, rencontre avec ce groupe plein de talent et à l’univers affirmé.

Pouvez-vous me dire comment vous vous êtes rencontrés et comment vous vous êtes positionnés au sein du groupe ?

Léo : Je suis le dernier arrivé donc je vais laisser parler Sacha et Charles .

Charles: Je ne vais pas dire comment mais on s’est rencontré avec Sasha mais c’était il y a 2 ou 3 ans. À l’époque, j’avais un groupe, SoVox et je n’avais pas du tout prévu d’en faire un autre. Mais Sasha est venu s’installer à Marseille il y a bientôt un an et demi. On avait discuté de faire potentiellement de la musique ensemble, sans attentes particulières. Et on a très vite fait beaucoup de musique ensemble! En quelques mois, on a écrit nos premières compos et bien sûr, on a rapidement eu envie de faire des concerts. On n’avait pas encore l’impression d’avoir trouvé le setup final, que ce soit au niveau des membres du groupe ou des instruments qu’on allait utiliser, mais on avait déjà le mood.

Sasha: J’habitais à Montpellier. Je faisais mes études là-bas mais Charles et moi n’étions pas hyper proches à l’époque. C’est plus quand j’ai commencé : j’avais un projet perso et je lui demandais des conseils parce que je ne m’y connaissais pas trop au niveau matos. Et lorsque je suis arrivée à Marseille, Charles m’a envoyé un message pour me proposer de travailler ensemble et j’ai répondu: « Bah, grave quoi » (rires).

La répartition des instruments était déjà arrêtée ou vous avez changé ?

Sasha : Non, on a changé plusieurs fois au début. On faisait tous les deux de la guitare aux premières répètes et du coup sans batterie. Parfois, Charles prenait la batterie et moi je faisais de la guitare-chant et parfois il prenait la guitare tandis que je chantais. Puis on a davantage répété chez moi et Charles a utilisé un clavier ou un synthé pour trouver des sons. Au final, on a fini par faire des démos sur le logiciel Garageband.

Charles : On faisait des maquettes. Vu qu’on n’était pas assez de membres comparé au nombre instruments qu’on voulait, j’ai commencé pendant le confinement à travailler et connaître les logiciels d’enregistrement. Et en même temps que je me familiarisais avec, on a commencé à faire des beats de drums et à mettre des lignes de synthé. Ainsi, on avait déjà cette base et au-dessus, on pouvait rajouter la guitare et le chant.

Il faut expliquer que sur scène tu as un petit PC car Avenoir n’a pas de batteur.

Charles : Oui c’est vraiment un backing tracks. C’est comme catalogue en gros, ça pourrait être un lecteur MP3 et d’ailleurs la première fois, on a mis un téléphone parce qu’en fait ça revient vraiment au même… Avec l’ordi, on pourrait croire que je vais lancer des trucs de fou mais non, on lâche juste Ringo (ndla: le nom de la boite à rythme) et c’est tout.

Et toi Léo, tu les as rejoint un peu plus tard, c’est ça ?

Léo : Quand je suis arrivé, j’avais un projet solo et je travaillais avec d’autres groupes de la région. J’étais parti à Strasbourg et Besançon pendant trois ans et le premier soir où je sors à Marseille, je vais à l’Intermédiaire (ndla: bar/salle de concert de Marseille) parce que j’avais des copains de Spina-Bifida et Technopolice qui jouaient ce soir-là. J’y retrouve des amis que je n’avais pas vu depuis trois-quatre ans et je leur explique que je cherche des gens qui font de la musique. L’un d’entre eux va chercher Sasha qui est présente et on parle de Jeff Buckley … Et ça a été tout de suite le coup de foudre musical. Ensuite, elle a discuté avec Charles et je suis allé en répète avec eux. Rapidement, je me suis senti libre d’aller dans les influences que je ne pouvais pas utiliser dans mon projet solo. Je me suis alors lancé à fond dans des références très 90’s : My Bloody Valentine et le Shoegaze. Ces influences correspondaient avec ce que Sasha et Charles voulaient faire et du coup, je me suis senti très libre. Même si les morceaux étaient déjà là, j’ai vraiment pu coller ce que je voulais dessus, avec leur approbation forcément, et tout s’est fait naturellement… Ça coulait tout seul, c’était très agréable. C’était vraiment quelque chose que je voulais exprimer musicalement donc je suis très content d’avoir trouvé mes deux comparses pour pouvoir l’exprimer un peu. Finalement, le premier concert ensemble était en septembre alors que je les ai rencontrés mi juillet. Donc, on a fait peut-être 4 ou 5 répètes avant le concert et voilà.

Tu peux me parler des influences que tu as citées? J’ai entendu Jeff Buckley, My Bloody Valentine, qui sont effectivement des grandes figures, mais plutôt des années 90.

Léo : C’est une époque que j’aime beaucoup et Jeff Buckley est quelqu’un qu’on ne doit pas résumer à « Alléluia », tout seul avec sa guitare. C’est un mec qui a tellement fait des choses soniquement incroyables: je suis sûr qu’il devait écouter My Bloody Valentine!

Sasha : Je trouve que ça se rapproche dans l’esprit. Enfin, c’est un peu le même monde, il le retranscrit juste différemment. Dans l’album posthume de Jeff Buckley, il y a plein de trucs où il part un peu plus dans le Noise.

D’accord, on a donc parlé de My Bloody Valentine et de Jeff Buckley ? Quelles sont les autres influences qui vous ont marqué ?

Sasha : Il y a eu les Beatles et avant Claude François. (Rires et stupeur). Moi j’ai beaucoup écouté Fleetwood Mac, mais c’est surtout Jeff Buckley.

Je l’ai retrouvé un peu dans le son clair de la guitare que vous dégagez. Enfin, c’est mon appréciation mais peut-être que je suis à moitié sourd.

Léo: Mission accomplie alors. (Rires)

Sinon, vous êtes principalement focalisés sur les années 90 ? Parce que finalement à l’écoute, on ne retrouve pas forcément le rock des années 2000, comme les White stripes, les Arctic Monkeys, les Strokes etc. On n’a pas cette rythmique là avec ces guitares très en avant et une grosse basse.

Léo : Plus je fais de la musique et plus je me rends compte que la musique qu’on fait est toujours un Gloubi-Boulga, digéré de tout ce qu’on écoutait. Donc je pense que oui, il y a les influences citées : MBV, Jeff Buckley, les Beatles. Mais je sais qu’il y a des trucs qu’on écoute presque uniquement à trois. Je pense à des trucs comme Blur, le Londres des années 90. Il y avait à l’époque cette liberté au niveau de la musique avec des boîtes à rythmes très présentes pour remplacer la batterie. Et pour nous c’était important aussi d’avoir ça, d’aller vraiment à fond dans la boîte à rythme. Avoir la boîte à rythme et des guitares uniquement secondées avec de la réverb, du delay et de l’overdrive tout en s’autorisant à faire vraiment du boucan, c’était notre objectif.

Charles : On travaille beaucoup le son de nos instruments et ça contraste avec le son très digital de la boîte à rythme. C’est ça qui nous plaît et c’est ce qui a été créé dans ces années-là. En fait, le côté un peu influence techno / rave, là où à la même époque il pouvait y avoir des des DJ comme des groupes, qui jouaient sur la même scène à 4h du matin, au milieu d’un champ, avec la même énergie.

Sasha: Je trouve qu’on écoute pas mal les Cure aussi.

Léo: Ouais, ouais, ouais, ça revient souvent ça.

Sasha: Les Cure, quand on est tous les trois, ça revient souvent dans nos inspirations, surtout pour la guitare de Léo. J’aime bien lui demander de faire un truc qui sonne The Cure, à sa sauce.

Léo: Et puis j’ai bouffé The Cure toute ma vie donc….

Charles: Pour le coup, je n’ai pas du tout les mêmes influences qu’eux. Je viens plutôt du post punk et je suis resté très fermé dans ce style; c’est lié à mon ancien projet. Quand j’ai rencontré Sacha, on a passé du temps ensemble et à ce moment où j’ai commencé à écouter d’autres trucs, un peu plus 60 / 70’s et en fait, j’ai l’impression que ça a matché avec une autre période. Mais, à l’époque, j’étais non seulement sur The Cure mais aussi Shame, Fontaines DC, des trucs beaucoup plus récents. Je ne sais pas si on pourrait mettre les White Stripes, mais les influences n’étaient pas forcément les mêmes.

Sasha: Tous ces groupes ont à peu près les mêmes influences, je pense, et c’est pour ça que ça se rejoint.

Tu parlais des boîtes à rythmes et effectivement, dans les années 90, avec Blur en tête de pont, mais il y avait plein d’autres groupes qui ont suivi derrière: The Charlatans, Ride, …

Léo: Ah oui, nous sommes d’accord, j’ai dit Blur, mais c’est toute la scène de l’époque!

La palette est large en Angleterre. Ils ont cette chance.

Léo: C’est là qu’on se rend compte que, surtout les années 80/90, ça vient de Manchester. Fin des années 70, il y a Joy Division puis dans les années 80, les Smiths, les Stone Roses, Oasis, Happy Mondays, Ride aussi, si je ne dis pas de bêtises.

Ils ne sont pas Manchester mais on se comprend. Les anglais ont une scène très foisonnante et ça fait un mélange très sympa. Charles, tu disais plutôt les années 70, donc tu vas chercher plus du côté Bowie, Lou Reed, Velvet Underground ?

Charles: En fait, je me suis penché très tard sur ces groupes, ceux des post 80 car j’écoutais vraiment beaucoup de trucs actuels. Finalement, je connaissais très peu mes classiques il y a encore très peu de temps! Avec Sasha, je les ai écoutés davantage. Sinon, on parlait Joy Division, là pour le coup la basse, je la joue!

Sasha: C’est ça qui est cool parce que quand on s’est rencontré avec Charles, j’écoutais Fontaines DC et j’aimais trop. Enfin, j’aime toujours mais on se mélange avec plein de trucs et du coup ça nous a amené à écouter aussi autre chose, comme Metronomy.

Charles: Qui n’a rien à voir avec le Shoegaze mais le combo boite à rythme et synthés est puissant. De base, j’adore les groupes à batteur. Avant de me plonger sur Metronomy, je n’avais pas été dans l’analyse, de ce qu’ils font comme beat et quels sons sont utilisés par les machines.

On a l’impression que c’est simpliste alors que pas du tout.

Charles : Voilà, dans les sonorités notamment, qui sont excellentes.

Showase à Lollipop Music Store, Marseille

Quand vous avez commencé à jouer ensemble, vous attaquiez direct sur de la composition, vous avez fait des reprises pour commencer, pour vous trouver d’abord un petit peu, ou ça s’est fait finalement assez facilement, presque instinctivement. Vous avez trouvé vos marques immédiatement ?

Léo: À mon arrivée, le set était quasiment le même que l’actuel. Il n’a pas beaucoup changé depuis. Je crois que les seuls trucs qui ont changé depuis, c’est la reprise et un morceau qui s’est rajouté. En fait, j’avais juste à me plugguer et à faire un peu mes trucs dessus. Après on verra ce que ça donne à force de le jouer mais on sort un truc à l’unisson. Donc tous les morceaux étaient déjà composés depuis un moment, par Charles et Sacha.

Aujourd’hui, comment ça se passe au niveau de l’articulation pour composer vos morceaux? Dans certains groupes, il y en a un qui décide de tout ou presque, en mode démocratie tyrannique? Chez Avenoir c’est le contraire, très concerté? Avez-vous du mal à atterrir sur une composition définitive ou ça se fait facilement ?

Sasha : On se dit juste qu’on va composer une nouvelle chanson et on part travailler pendant un moment au local. On trouve des suites d’accords, des mélodies qui nous plaisent et j’essaie de chanter tout en écrivant des textes. C’est un peu en mode brainstorming.

Léo: Pas vraiment de recette phare. Je sais que certains morceaux, c’était vraiment de base de l’Impro au local tandis que pour d’autres, c’est Charles qui avait un beat et avait travaillé avec Sacha pour trouver les accords. Ensuite, j’arrive avec un riff et on retravaille le tout. Le dernier morceau composé, « Atala » a commencé comme un jam. Et puis on s’est amusé à rajouter des patterns de batterie, un peu « spé« , un peu avec des drums, avec des percus indiennes un peu partout parce que ça nous faisait juste danser.

Charles: En réalité, on a composé un seul morceau à trois et le reste, c’était vraiment 50/50 avec Sacha. J’avais déjà deux-trois morceaux qui étaient déjà là, qui avaient pratiquement le beat et le riff. Le morceau qui est sorti sur Youtube et les plateformes, c’est un beat qui traînait dans mon ordi depuis extrêmement longtemps: des synthés avec des boites à rythme sur lesquels on a tous rajouté nos instruments et les différentes parties.

Sasha: Et j’ai écrit les paroles.

Charles : Sacha écrit toutes les paroles. Je me suis pas du tout impliqué au niveau du chant et des paroles. En général, je m’occupe plus du rythme.

Léo: Maintenant, d’un accord général, on essaie de composer et de trouver du son avec Charles avec l’approbation de Sacha, qui vient mettre ses textes dessus.

Sasha : Après on teste tous les trois. Du coup, il y a Léo et Charles qui arrivent dessus et qui font un truc énorme, trop cool. Ils m’encadrent et après on développe tout à partir de ça.

Donc finalement c’est assez collaboratif.

Charles : Oui carrément. C’est vrai qu’on oublie de dire ça aussi, mais de base, on était que deux avec Sasha au début et on n’avait pas forcément prévu d’être plus. Mais on s’est dit que ça serait vraiment un atout d’avoir un troisième membre parce qu’on est à la fois complémentaires et à la fois pareils dans le sens où on est très têtus. Et il fallait qu’on cherche une force contraire, un veto boy! (rires) On avait nos idées et on aurait pu s’embrouiller sur des détails minimes et Léo, il a amené cette prise de recul.

Sasha: Mais des fois, on partait trop loin aussi. On était en mode: on va faire un son genre comme les Velvet trop inspiré et on va faire comme ça et comme ça.

Charles: Et Léo a dit « j’aime pas le Velvet » (rires).

Charles: Non, c’est vraiment l’osmose parfaite pour l’entente d’un groupe, parce que chacun a ses qualités, ses défauts.

Léo: On a beaucoup de tendresse les uns envers les autres. On est trois à vraiment vouloir porter ce projet et je sais que je réfléchis souvent un peu à la place qu’on peut tous avoir dans un groupe. D’ailleurs j’en parle pas mal à mes amis, sur les dispositions scéniques par exemple. Pour moi, il est essentiel que Sasha soit devant nous et on fait en sorte que le plus de gens puissent la voir dans les meilleures conditions possibles. C’est une artiste de fou et je suis très content de participer un peu à la construction de ce truc là.

Sasha: Mais arrête, je vais pleurer, arrête.

Charles: Et vu qu’on aime quand même être vus sur scène, ça nous donne le challenge d’être encore plus devant elle, mais on n’y arrive pas (rires).

Sasha, Charles et Léo

Aujourd’hui, il n’y a pas encore d’EP et je comprends que c’est en préparation. Par contre, il y a une vidéo qui est sur Youtube, « Ascension » et c’est toi Sacha qui t’en es occupée.

Sasha : Oui je l’ai montée, effectivement.

J’aime beaucoup le style un peu patchwork. La question que je me pose est donc la suivante: est-ce que pour vous, le clip est comme un prolongement de la musique, un simple support à côté et qu’il faut le faire parce qu’il faut être visible? Ou est-ce qu’il y a un plaisir à le faire autant ou pas loin que celui de composer et de de chanter?

Charles: Je pense qu’on l’a fait autant parce que c’est kiffant que parce qu’on avait envie de raconter une histoire. Quand il n’y a pas de clip, on peut s’imaginer plein de choses. Nous, c’est comme ça qu’on avait envie de montrer cette histoire; c’est notre façon de la voir.

Léo: Je pense que notre musique a un aspect un peu cinématographique. Quand on a reçu la première version du mix d' »Ascension », je l’ai écouté avec des amis et l’une m’a dit: « mais on dirait un truc qui pourrait passer pour une pub Canal Plus« . Entendre dire que ta musique pourrait être utilisée dans des films est une super sensation. Et je sais que quand on a filmé chez Sasha, avec Jason et Max, il y avait vraiment une atmosphère. Sasha avait dessiné un storyboard donc on avait une idée des plans qu’il fallait réaliser. Mais je sais que pendant le tournage, on était nombreux à découvrir et à prendre vraiment un super plaisir à imaginer des images, à trouver les costumes, à construire le plan avec les bougies, etc. Et on est vraiment heureux du résultat. On a réussi à illustrer ce qu’on avait dans la tête sans trop savoir ce qu’on faisait. Et Sasha a fait un super montage donc je suis très fier de ce clip.

Le clip est plein de superpositions.

Sasha : Oui je pensais à ce qu’a fait Andy Warhol à la Factory, ses films où il a beaucoup expérimenté.

Et le côté rose m’a rappelé My Bloody Valentine, mais je sais pas si c’est fait exprès ou pas.

Léo : Si, si. Sasha m’avait montré un clip de Hole en mode inspiré avec ce côté un peu cheap mais également vampirique. Enfin, dans une atmosphère très gothique en fait.

On en revient à la façon dont vous vous définissez: du grunge mystique. On voit également que vous cherchez à construire un univers sur scène, qui m’a fait penser un peu à Empire of The Sun avec les maquillages presque festifs et qu’on retrouve aussi dans Arcade Fire. C’est très lumineux en fait, presque « paillettes ».

Charles: Le coté brillant argenté aussi.

Sasha: Même si ça reste nous, j’aime bien construire et être dans un personnage. Parce que même les paroles, enfin, dans ce que j’écris, c’est souvent des histoires, des démons venus de mondes autres que le nôtre. Donc je me mets dans la peau d’autres personnages pour écrire. Après, depuis toute petite, j’ai toujours bien aimé me déguiser ou du moins m’habiller d’une certaine manière. Et puis au final, on ne se maquille pas non plus de façon criarde.

Mais suffisamment présent pour que ce soit visible.

Sasha : Voilà et il faut savoir que j’aime beaucoup tout ce qui est glam-rock donc c’est cohérent.

Léo: Moi, ça m’a toujours un peu gavé le gars qui arrive sur scène en habits de tous les jours. Mais en fait, tu créés quelque chose donc si tu dis que t’es que musicien et que tu viens défendre tes créations en jogging … C’est un micro effort qui fait une différence, juste de t’habiller, tu mets quelque chose pour exprimer le meilleur de toi-même et quand je vois les groupes que j’aime bien pourtant et qui sont habillés comme des trous du cul, il n’y a pas de marque de respect.

Concernant le futur EP à venir, comment envisagez-vous l’exercice, notamment pour le studio ?

Léo: On ne va pouvoir en dire grand-chose, parce qu’il n’existe pas pour l’instant. On a l’expérience précédente qui va nous aider. Le premier titre a été enregistré dans notre local avec un ami de projet Milan donc ce n’était pas forcément du « studio studio », mais plutôt une séance de Home Studio. Après, Charles et moi avons eu des expériences de studio avec nos autres groupes. On ira enregistrer à Aubagne fin juillet, et pour le coup, ça sera réellement la première fois ensemble.

Là, ça va être une autre forme de discipline, parce que le studio c’est payant, donc il ne faut pas y rester des jours à espérer sortir un titre.

Sasha : Voilà, on a trois jours pour faire cinq titres.

Charles : Ce qui était à la fois à la fois agréable et en même temps déstabilisant quand on a fait « Ascension », c’est qu’il n’y avait pas la pression des horaires. Il n’y avait pas de vraie session, donc c’était un peu quand on pouvait, quand quelqu’un était dispo. On a fait nos prises séparément. Cette fois-ci, on va passer trois jours à travailler ensemble, vraiment. Et c’est vrai qu’avec les expériences que j’ai vécues avant, ça va être quelque chose d’assez intense. Et on hâte d’y être !

Sasha, tu écris les paroles et tu chantes en français et en anglais. Est-ce que l’écriture, c’est quelque chose de difficile pour toi ou c’est assez naturel ?

Sasha: J’écris relativement facilement quand même, surtout quand je suis chez moi. Avant Avenoir, j’écrivais des chansons toute seule, avec ma guitare et j’enregistrais ma voix par dessus. Mais finalement aujourd’hui tout se fait un peu ensemble.

Au niveau des inspirations, tu pioches dans l’actualité, dans des thèmes qui sont en toi, des livres, des univers, des auteurs?

Sasha: J’aime bien les peintures. ‘ »Atala », par exemple, a été écrite en regardant une peinture. Je l’avais vue au Louvre, il y a un certain moment et j’y ai repensé pour « Atala ». Du coup, la référence c’est « Atala portée au tombeau » de Girodet. Ceci dit, j’aime bien les peintures du 19e/20e siècle qui sont ancrées dans le fantastique. Et en même temps ce qui m’inspire beaucoup, c’est l’univers de Dante, Virgile et des enfers, avec plein de personnages. J’aime bien le monde fantastique, à la base. Donc pour « Atala », je me suis inspirée d’une peinture car j’aime bien le hors champ. En fait avant d’être à Marseille, j’étais dans une fac de cinéma à Montpellier. Lorsque j’écris pour moi c’est un peu la même chose: j’écris sur comme si je développais une image que j’ai dans la tête à travers le hors-champ. C’est un peu compliqué à expliquer, mais j’écris surtout sur moi en fait (rires).

Léo, Charles, vous ne participez jamais à l’écriture des textes ?

Charles : Pas encore.

Léo : Peut-être un jour, mais là pour l’instant, moi j’aime bien l’idée de ne pas avoir le taf à faire.

Aujourd’hui, c’est une configuration qui est complètement arrêtée ?

Charles: Il faut qu’on y aille tranquille, il ne faut pas tout mélanger. En fait, j’ai déjà essayé de chanter avec Sasha, mais j’avais beaucoup de mal à me caler sur sa voix. Il faut que j’ai l’habitude de l’entendre pour, après plus tard, peut-être me caler sur sa voix. Mais je sais qu’on n’a pas la même façon de chanter, et moi, je suis beaucoup moins à l’aise avec le chant en général, donc je me suis dit que pour l’instant j’allais mettre ça de côté. On pourrait faire un trio et harmoniser tout ça, éventuellement.

Si on parle un peu de votre matériel, comment s’est fait le choix de ces guitares et basse? Y a-t-il une histoire particulière?

Sasha: J’ai eu de l’argent pour m’acheter ma première guitare électrique: une Strat parce qu’à l’époque, je voulais faire des musiques comme Mac Demarco. Par contre, elle est trop claire pour ma voix pour chanter toute seule. Mais je peux trouver d’autres équilibres, des combinaisons différentes et comme j’aime bien bidouiller, c’est la bonne guitare.

Charles : Personnellement, cette basse est mon premier instrument.

Léo: C’est la première vraie guitare que mon père m’a achetée. Accessoirement, on se prête les instruments avec mon frère et il y a toujours vingt guitares chez mon daron. Je lui ai prêté ma Strat pendant trois ans et il a fait du Frankenstein avec! Je crois qu’elle n’a plus qu’un micro d’origine. Il a ressoudé des trucs à l’intérieur mais elle a toujours un son Strat. En fonction de comment je switche mes micros, c’est un son totalement différent, elle est très volatile. Finalement, elle était parfaite pour le projet parce que je pouvais taper dans des spectres qu’il fallait et qui ne masquaient pas les guitares de Sacha. Et puis moi, j’aime beaucoup jouer avec le Vibrato et comme c’est la seule guitare que j’ai avec un vibrato… Donc, il est très présent en live, parfois trop, on m’a dit, mais j’aime bien le mettre partout. C’est le super pouvoir que cette guitare a pour moi, elle ne marche pas trop dans les autres projets que je peux avoir. Je trouve que c’est celle-là, vraiment, l’identité Avenoir.

Charles: J’ai l’impression qu’on a souvent, et peu importe les groupes, les instruments des groupes qu’on écoute. Du coup, on a un peu les instruments qu’on aime écouter et voir en live. Je n’aurais jamais pris une Rickenbacker, je trouverais que ça n’aurait aucun rapport.

J’ai noté aussi des pedalboard assez complets…

Léo Pendant le confinement, je me disais que j’allais m’acheter plein de matos et je voulais à la base le board de Jonny Greenwood. Et en fait, pendant ce confinement, avec tous les renversements un peu psychiques qu’on a eu, à un moment donné, je me suis dit: « Mais ça sert à rien d’avoir plein de trucs, ça me rend pas plus heureux« . Donc, je me suis limité à quelques pédales que j’utilise, que ce soit pour Avenoir, pour mon projet solo ou pour Technopolice. J’essaie d’avoir un board différent à chaque fois et me concentrer sur trois ou quatre effets différents. Avenoir, c’est celui que j’ai changé le plus parce que j’ai une zoom multi effets qui a des effets assez sympathiques. A Ventabrun, j’ai utilisé un flanger dans un morceau, un Slicer et là j’utilisais même un truc, un espèce de son qui transforme les sons en arpèges de synthé bizarres, qui fait du bruit. On a fait beaucoup de choses, beaucoup de bruit avec ça, puis j’ai une Fuzz aussi, une Big Muff un peu sauvage et je ne sais toujours pas comment fonctionne ce truc! Mais je l’ai un peu prise parce que c’était Jack White, qui me l’a fait acheter! Elle est énorme et il faut la contrôler, car dès que tu l’engages, elle envoie du lourd partout. Donc c’est ça, Avenoir c’est l’overdrive, le délai et tous les trucs un peu Spé qui vont à côté.

Charles : C’est un univers assez spatial donc il faut que ça vole et que ça plane.

Et en studio, il va falloir retrouver cette ambiance sonore…

Charles : Oui, c’est clair! Petite parenthèse, pour un projet plus punk comme Technopolice, j’ai envie de de minimiser les effets parce que c’est un univers plus ancré, moins rêverie et tout ça. Et de là, je pense que dans Avenoir, on peut se permettre de mettre des couches.

 Léo : J’utilise une Wah-wah, je l’utilise comme un espèce de Fuzz ralentie ou je la joue vraiment toujours de façon très lente. Au début, cette pédale, je ne l’utilisais pas forcément. Je l’ai fait une fois en répétition sur « Ascension » et finalement je trouve que ça marche bien: comme une espèce d’inspiration qui monte et qui redescend.

Charles : J’aimerais bien mettre sur ma basse un synthétiseur qui donnerait un son assez, je sais pas comment dire…

Léo : Bip, peut-être très années 80 ?…

Charles : Il faudrait que je me penche là-dessus. Une volonté encore… On voudrait changer et amorcer avec deux basses.

Sasha : Moi je t’ai dit: « tranquille là » (rires).

Léo : À la Sonic Youth. Trop bien !

Selon les salles où vous jouez, comment appréhendez-vous le lieu par rapport au son ?

Charles : Pour l’instant, je me sens bien dans les petits lieux. Là, on a joué dans la petite chapelle de Ventabrun, c’était machiavélique.

Sasha: C’était très chouette parce que l’ingénieur du son, il était bien.

Léo: Je crois qu’un de mes concerts préférés était peut être à la Salle Gueule (ndla: bar/salle de concert à Marseille). C’est une salle particulière, mais il n’y a rien de repiqué à part les drums et peu importe où tu te situes, tu as à peu près le même son. A la Maison hantée ou à l’Intermédiaire (ndla: deux autres bar/salle de concert à Marseille), c’est hyper agréable aussi. Ce qui nous convient aujourd’hui c’est de jouer dans les petits clubs underground.

Charles: Moi, c’est une question d’habitude aussi.

Sasha : Après moi, je me vois bien jouer sur des scènes comme au 6MIC (ndlr : grande salle de concert à Aix en Provence).

Charles: Mais je pense que pour les grosses scènes, il faudra qu’on s’équipe. Avoir aussi un ingénieur du son qui nous connaît très bien. J’ai travaillé un tout petit peu avec celui de SoVOx et c’est vrai que ça change la donne d’avoir quelqu’un te connaît et connaît tes besoins. J’aime bien avoir les drums hyper forts pour me mettre vraiment dedans sinon ça pourrait paraître un peu flat. Et c’est pour ça que j’aime bien les petits lieux parce que tout est à donf.

Sasha: Oui, le concert à la chapelle, c’était bien. C’est l’ingénieur du son, l’heure et le lieu qui participent aussi à la qualité du concert.

Charles: On a joué à Velaux et j’ai bien aimé personnellement parce que jouer en extérieur, c’était vraiment agréable. Il y avait des sortes de petites banderoles qui faisaient des petits bruits, comme un tube de pluie, ça collait bien avec la musique.

Dans un monde idéal, y a t-il un artiste avec qui vous aimeriez bien faire une collaboration ? A intégrer dans votre univers ?

Sasha: J’aimerais trop travailler avec Tamino. C’est un chanteur actuel qui est compositeur, interprète et je pense qu’avec Avenoir ça irait trop bien avec Tamino. Je lui ai envoyé 400 messages mais je crois que ça ne marchera pas!

Léo: Son premier album est produit par Colin Greenwood, donc il est un peu demandé le bonhomme…

Charles: Si je devais choisir, ça serait Metronomy pour le côté production, les arrangements, les nappes de synthé et les boîtes à rythmes. Je serai vraiment chaud pour travailler avec Joseph Mount.

Léo: Moi, ce serait Mac Demarco, parce que c’est mon Jésus à moi. Ça serait l’occasion de sympathiser. En plus il fait des feat avec plein de groupes. Mac si tu nous entends, viens !

Pour finir, un petit mot sur la scène rock marseillaise, très fournie et très vivace. Il suffit de voir du jeudi au dimanche, toutes les petites salles sont pleines à craquer de concerts. Vous en pensez quoi de cette émulation avec les autres groupes ?

Léo: Ce que j’ai ressenti, surtout en arrivant ici, c’est qu’il n’y avait pas de compétition entre les groupes de notre génération (GLITCH, Georges San, Seven Levels, Tramp Queen). On se soutient tous énormément. On va aux concerts des uns et des autres. Ce sont des amis et du coup, il y a beaucoup d’entraide et de bienveillance, en tout cas dans notre cercle, de la zone marseillaise qui vit surtout à la Plaine et au cours Julien (ndlr : deux quartiers vivants et artistiques de Marseille). Et on a tout le temps des co-plateaux.

Sasha: Oui, on s’est apporté beaucoup quand même.

Charles: On a le temps de faire des dates ensemble et lorsque je regarde ce qui se passe sur Paris, Lyon par ex. ça ressemble plus à de la compétition: les groupes font plus des premières parties, donc ça veut dire que ça joue au moins entre potes. Alors que nous, il y a parfois des soirées avec trois-quatre groupes et c’est limite trop. On est tous au même niveau local, c’est ça qui est marrant, parce qu’il n’y en a pas un plus haut que l’autre, juste un qui passe plus tard que l’autre. Et ça, ça fait de bonnes soirées.

Avenoir de Marseille avec Sacha au Guitare / chant , Charles à la basse/boîte à rythme, Léo à la Guitare. (Et Ringo la boite à rythme).

Merci à l’équipe de l’Intermédiaire pour leur accueil.

A retrouver sur Soundcloud également (https://soundcloud.com/avenoir-band)
2 comments
  1. Horn

    Bravo ! beau groupe Avenoir , humilité , bienveillance, de belles énergies habitent ce groupe merci ! 3 petits génies inspirés d une passion commune vivre en musique ! belle interview !

  2. FX

    Merci :)
    Un bon groupe à suivre, en effet. Excellent moment partagé avec eux !

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