Deuxième et dernière partie de l’interview des Giana Factory réalisée le 16 Juin 2011 à Paris. Malgré le rhume tenace de Loui, la fatigue du concert de la veille et un simple petit-déjeuner café/pastèque, les jeunes femmes prennent du temps pour nous expliquer la production de leur album Save the Youth, l’idée des remakes de leurs morceaux et s’interrogent sur le lien entre création et isolement.
Comment voyez-vous votre premier EP, Bloody Games, dans votre évolution musicale?
Loui: Pour nous, c’était vraiment le point de départ à partir duquel nous avions trouvé notre son et pouvions développer notre style musical.
Lisbet: Les quatre morceaux de l’EP représentent vraiment un tout, à l’image de la montagne sur la pochette.
Loui: Mais les objectifs étaient extrêmement différents pour l’album.
Qu’en est-il de l’évolution entre Bloody Games EP et Save the Youth?
Lisbet: Nous voulions proposer une palette avec beaucoup plus de dynamique et un voyage bien plus long pour naviguer entre des morceaux assez calmes et fragiles jusqu’à un environnement bien plus industriel. Nous désirions élargir l’échantillon de couleurs musicales avec lesquelles nous travaillions.
Vous aviez un producteur sur l’album?
Loui: Nous avons travaillé avec le même producteur pour le EP et l’album. C’est quelqu’un de très compétent et qui a énormément d’expérience avec la musique électronique Nous avons beaucoup appris à son contact, notamment sur l’utilisation des kick drums.
Sofie: Mais il n’était pas toujours disponible. Lorsque nous hésitions sur la direction sonore à prendre, il nous proposait des champs de recherche que nous devions expérimenter nous-mêmes pour savoir lesquels nous correspondaient. Le processus de production sonore a pris l’aspect d’un aller – retour entre lui et nous. Ce qui a été une expérience extrêmement formatrice. Nous avons donc dû apprendre à trouver notre son, comprendre ce que nous désirions pour finalement nous produire nous-mêmes.
Un thème récurrent dans vos chansons (« Rainbow Girl », « Bloody Games », « Dive ») me semble évoquer des personnages ayant perdu le contrôle de leur vie. Est-ce que j’ai tout faux?
(silence)
Loui: Je ne pense pas que ce soit le cas. Je crois que c’est à nouveau une question de contraste. “Dive” est un morceau sur le choix entre vivre sa vie à fond ou pas.
Lisbet: Tu as souvent besoin de décrire des sentiments poussés à leur extrême pour faire passer ton message. Un peu comme dans “Bloody Games” dans lequel nous évoquons une situation horrible mais c’est juste la métaphore d’un situation sentimentale.
Loui: Je passe que nous avons aussi tendance à penser nos chansons comme un film, une fiction à la David Lynch. Nous donnons des éléments plus ou moins cryptiques et ensuite, nous laissons libre l’interprétation de l’auditeur, chacun peut voir ce qu’il veut dans nos morceaux.
Lisbet: Tout à fait. D’ailleurs, peut-être que c’est toi qui ne te sens pas en contrôle de ta vie. (rires)
Loui: Tu me donnes l’impression d’un homme avec une vie très chaotique! (rires)
« Mexican » est le morceau le plus musicalement singulier de Save the Youth. Pourquoi avoir décidé de commencer votre album avec celui-ci?
Loui: Nous avons beaucoup discuté de ce choix. C’est une manière d’inviter l’auditeur à la patience, de ne pas lui donner les clefs de l’album tout de suite.
Lisbet: Nous voulions guider l’auditeur vers notre univers, capter son attention et ne pas lui offrir tout de suite les titres les plus pop et catchy de l’album pour qu’il ne pense pas que celui-ci était uniquement rempli de hits.
« Pixelated Truth » est sans doute le morceau le plus électronique de l’album. Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots à ce sujet?
Loui: C’est un morceau sur la structure de la société et sur les personnes qui la contrôle. C’est aussi une histoire d’amour. Il y a pas mal de différentes couches sur cette chanson.
Lisbet: Ce n’est pas une chanson sur un jeu vidéo mais sur des gens qui ont l’impression que leur vie est un jeu vidéo.
Est-ce que vous avez aimé les clip vidéos réalisés sur « Second Life » pour ce morceau?
(silence gêné) Parce que je les déteste. (rires)
Sofie: Nous avons approuvé le concours. Les gens nous ont envoyé les vidéos et même si le résultat ne correspond pas à notre vision de l’identité de Giana Factory et que visuellement nous ne pourrons pas l’utiliser comme un clip promotionnel, j’aime l’idée que des gens mettent en image et réinterprètent une partie de notre univers.
Loui: J’aime beaucoup le concept, j’aime le fait que les gens illustrent avec Second Life une chanson avec un thème comme celui-ci.
Lisbet: C’était une nouvelle expérience. Nous avons laissé d’autres personnes s’emparer de notre univers pour voir ce qu’ils en feraient. Cela nous a permis d’arrêter d’être des perfectionnistes et voir ce que les autres peuvent apporter à notre musique. C’était plutôt marrant en fait.
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Vous êtes très actives sur les réseaux sociaux.
Sofie: Cela nous permet de rencontrer des gens de tous les pays et de créer un réseau pour le groupe.
Lisbet: C’est sympa d’interagir avec les gens qui consultent notre page Facebook, de les tenir au courant de l’évolution de notre musique, de leur permettre de nous suivre pendant nos tournées.
Loui: Quelqu’un en Inde nous a contacté pour nous dire qu’il adorait notre musique. Cela n’arriverait jamais sans les réseaux sociaux.
Comment s’est développée l’idée des remakes de vos singles? D’ailleurs, pourquoi les appellez-vous « remakes » au lieu de remixes?
Loui: Nous les appelons remakes parce que, dans notre cas, ce sont des groupes qui produisent les nouvelles versions de nos chansons tandis que les remixes sont souvent réalisés par des producteurs. Pour ce qui est de l’idée, elle est venue d’une façon naturelle.
Lisbet: Nous avons fait beaucoup de choses qui nous ont amené a ce projet. Lors de la soirée de lancement de notre album, nous avons demandé à beaucoup de musiciens danois de reprendre nos chansons. C’était un super moment et les reprises étaient vraiment excellentes. De notre côté, lors de cette soirée, nous avons aussi réinterprété certains des morceaux des groupes qui nous avaient fait le plaisir de venir. Et nous avons beaucoup tourné avec ces mêmes groupes. Nous nous sommes dits que ce serait un super projet si ils pouvaient choisir une de nos chansons et leur offrir une nouvelle saveur, voir où ils voulaient l’emmener. Et nous aimons tellement les remakes qui ont été réalisés que nous voulions absolument les distribuer sous une forme physique, sur des vinyles et pas uniquement en version numérique parce que nous pensons sincèrement que ces morceaux le méritent.
Mais vous connaissiez déjà les groupes qui allaient travailler sur ce projet?
Lisbet: Il s’agit toujours de groupes avec lesquels nous avons voyagé. Cela faisait partie du concept.
Loui: Lorsque tu tournes avec des groupes, tu apprends à comprendre et à apprécier leur musique. Même dans le cas des Asteroids Galaxy Tour dont le style est pourtant à des années-lumière du nôtre. Mais malheureusement, ils n’auront pas le temps de réaliser leur remake.
« Dirty Snow » par Trentemøller et « Rainbow Girl » par Glasvegas sont déjà sortis. Quels sont les prochains?
Lisbet: Autolux a travaillé sur ‘Pixelated Truth », Dito, un groupe danois, sur « Change of Heart » et le dernier est WhoMadeWho pour « Dive ».
Sofie: Plus tard dans la journée, on doit aussi aller dans le studio d’un musicien français rencontré dans l’avion. Lorsque tu passes sept heures en vol, tu finis souvent par discuter avec ton voisin. En fait, il revenait lui aussi du Festival South by Southwest à Austin où nous avions joué et nous avons parlé de nos différents projets musicaux. Il envisage de travailler sur “Mountains”. Nous ne savons pas encore si il va faire partie de notre collection de remakes. Il est branché techno et électro et je suis impatiente d’écouter ce qu’il a préparé.
Loui: C’est excitant de réaliser que beaucoup des rencontres importantes pour Giana Factory se font lors des tournées.
Lisbet: En tournée, nous sommes beaucoup plus accessibles alors qu’à Copenhague, nous avons plutôt tendance à être isolées et à ne parler qu’entre nous. Les tournées sont un vrai soulagement (rires).
Loui: Mais lorsque nous aurons décidé de travailler sur le second album, nous nous isolerons à nouveau.
Au sujet de votre tournée aux Etats-Unis, qu’est-ce que cela représentait pour vous de jouer à New York?
Loui: Nous étions déjà venues en 2007 pour composer mais arriver avec Giana Factory, pour jouer en live, c’était vraiment une sensation totalement différente, un rêve devenu réalité.
Sofie: Nous avons fait quatre concerts à New York et six à Austin pour le festival South by Southwest.
Quelle était la réaction des auditeurs américains à votre musique?
Sofie: Nous avons joué dans pas mal d’endroits et devant des auditeurs assez différents tous les soirs. Beaucoup de gens ont écrit à notre sujet après notre passage et je crois que les réactions ont plutôt été très positives.
Vous avez tourné avec les Raveonettes et les Asteroids Galaxy Tour, deux groupes danois aux styles musicaux diamétralement opposés. Est-ce qu’il existe une scène danoise?
Lisbet: Comme tu le disais, il y a une grande variété de styles musicaux au Danemark. Mais il y a vraiment un esprit de collectif entre les groupes ; c’est un environnement assez sain. Tout le monde se connaît, s’entraide ou propose des collaborations comme des remixes.
Sofie: Il y a vraiment un paquet de groupes très talentueux sur Copenhague.
Allez-vous sortir Save the Youth dans d’autres pays que le Danemark?
Loui: Bien sur, nous aimerions le distribuer ailleurs et le plus vite possible. Nous discutons avec différents labels et distributeurs. Mais rien n’est certain pour le moment.
Vos plans pour le futur?
Loui: Continuer à faire de la musique, écrire de nouvelles chansons… Enregistrer un nouvel album.
Sofie: Il y a un instrumental sur lequel nous avons commencé à travailler à Copenhague.
Loui: Ouais, nous travaillons dessus avec notre corps, notre esprit … (rires) Il faut vraiment avoir le bon état d’esprit, tu sais. Nous avons été très occupées ces derniers temps avec les tournées.
Lisbet: Après avoir autant voyagé, on a surtout envie de retourner au studio, d’expérimenter à nouveau et d’écrire de nouvelles chansons.
Sofie: Car les chansons que nous jouons sur scène sont anciennes pour nous. On a besoin d’avancer.
Loui: Nous avons composé une nouvelle chanson la semaine dernière en fait, elle dure huit minutes… Nous la jouerons peut-être demain au Popin.
Sofie: Mais nous savons que nous devons aborder le prochain album avec un esprit ouvert pour pouvoir bien travailler.
Loui: On aura une meilleure histoire à te raconter à ce sujet la prochaine fois (rires) !
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.
[DARK GLOBE]
[…] concert à l’International, veille de leur set au Pop In. Première moitié d’une interview en deux parties dans lequel Loui (chant & batterie electronique), Lisbet (guitare) et Sofie (basse & […]