Autant le dire tout de suite, on attendait beaucoup de ce premier concert d’iLiKETRAiNS dans la région depuis la sortie d’Elegies to Lessons Learnt, premier album « long format » du groupe – le disque s’étant révélé très prometteur, et les prestations des anglais ayant depuis leurs débuts la réputation d’être particulièrement intenses.
Le Ciel (salle dans laquelle le concert avait été déplacé, puisqu’il devait à priori avoir lieu à l’EVE sur le campus universitaire) est une salle de type théâtre, aménagée en salle de concert aux niveaux son et lumière. Les quelques cent-vingt spectateurs sont donc assis confortablement, et ce jusqu’au premier rang qui s’étend à quelques centimètres seulement de la scène. L’interview du groupe (que vous pouvez lire ici) me fait manquer les quelques premières chansons d’Ill Ease (la New Yorkaise Elizabeth Sharp), qui joue un rock lo-fi déjanté, jonglant plus ou moins habilement entre guitare, basse (dont elle sample les parties) et batterie. La jeune femme dégage une énergie assez communicative, même si assis confortablement dans son fauteuil on apprécie plus de voir son voisin taper du pied que de pouvoir le faire soi-même. En dernier morceau, elle enverra un Fuck Everyone (Fuck California, fuck Florida, fuck New York, etc) dans lequel tout le monde passera à la casserole, américains, européens, blancs, noirs, lyonnais, grenoblois, stéphanois… Tous logés à la même enseigne. Subtilité: pas le maître mot donc… Mais une bonne dose d’humour et pas trop de sérieux… Ca ne fait pas de mal parfois, et il faut le dire, ça détend un peu l’atmosphère. Etant donné ce qui arrive juste après on en a bien besoin.
« Bonsoir. Nous sommes J’AiMELESTRAiNS ». Malgré l’image qui lui colle à la peau, Dave Martin ne manque pas d’humour. iLiKETRAiNS entre sur scène sur Epiphany, le morceau ambiant de l’album: première constatation, ses membres ont abandonné les uniformes du British Railways pour un habillement plus sobre, pantalon et cravate noirs, chemise blanche, arborant au bras gauche un brassard noir en mémoire des disparus dont leurs textes racontent les destins tragiques. On appréhendait quelque peu, après avoir découvert le concept de l’album, que le concert vire à la leçon d’histoire, mais l’ambiance macabre qui plane sur les compositions du groupe de Leeds se prête à merveille à la narration des visuels projetés en arrière-plan. Des les premières notes de Twenty Five Sins, qui conte le grand incendie de Londres au XVIIème siècle, les flammes projetées sur l’écran blanc semblent embraser la scène. Les images donnent tout leur sens à la démarche historique du groupe, et au début de chaque chanson on voit s’afficher le nom du personnage central, puis son année de naissance et de mort: chaque titre prend ainsi la forme d’un hommage émouvant. Les uns après les autres, les récits héroïques (l’expédition en Antarctique menée par Robert Scott, dans Terra Nova) ou morbides (la peste décimant un village dans We All Fall Down) s’enchaînent, au rythme des crescendos et des envolées lyriques; la recette classique « post-rock » utilisée sans mesure sur l’album fonctionne ici à merveille. Après environ une heure de spectacle, le groupe quitte la scène puis revient pour interpréter en rappel Joshua, titre instrumental sublime (face B du single The Deception) sur lequel les écritures de Bernard Moitessier défilent comme seules paroles sur des images de l’océan: « I am a citizen of the most beautiful nation on earth. A nation whose laws are harsh yet simple, a nation that never cheats, which is immense and without borders, where life is lived in the present. In this limitless nation, this nation of wind, light, and peace, there is no other ruler besides the sea ». Rarement les visuels et la musique se seront aussi bien entrelacés, et rarement la projection d’images lors d’un concert aura eu autant de sens. Puis cédant à l’apothéose de Before the curtains close – pt.II (hymne de près de dix minutes datant des premières démos du groupe) les anglais mettent fin à ce moment de grâce, avant de partir sous les applaudissements du public à la hauteur de son enthousiasme. Le jeu de mot est facile, mais on va le faire quand même: Ce soir là, iLiKETRAiNS nous a vraiment emmené au ciel…
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Ci-dessus une vidéo de Rook house for Bobby filmée à la Scala, bien piètre témoignage mais les images parlent parfois mieux que les mots..
cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).