Après une entrée en gare remarquable avec le splendide Progress Reform, au format quelque peu ambigu (30 minutes – un peu long pour un EP, un peu court pour un album) les anglais d’iLiKETRAiNS, sorte de Tindersticks à la sauce My Bloody Valentine, sont de retour avec Elegies to lessons learnt, annoncé comme le premier LP de la formation. C’est en effet pas moins de onze titres que propose la galette, et on s’attend à du bon, du très bon…
Même mise de coté l’orthographe originale de son nom (les i en minuscule, le reste en majuscule), iLiKETRAiNS est incontestablement un groupe à part, de par sa façon d’habiller des chansons au structures classiques avec des sonorités post-rock des plus brumeuses, ce son de guitare clair, froid comme une lame, ou encore la voix grave néanmoins doucereuse de Dave Martin, l’étrange présence d’un trompettiste dans le line-up, et j’en passe. Mais ce qui frappe chez ce groupe de Leeds, c’est la force des émotions qui se dégagent de leurs chansons (si bien qu’on se demande parfois si les autres y sont aussi sensibles, ou bien si l’on est seul dans ce cas). Le chant de Martin, qui relève parfois presque du jeu d’acteur tant celui-ci semble possédé par ses textes, et les mélodies sombres sur lesquelles ils viennent s’appuyer enveloppent les morceaux d’un voile obscur et oppressant. Déclamés à la première personne, les évènements (tout à fait historiques) dont traitent les chansons ont le plus souvent rapport à la mort et à la guerre: The Deception évoquant le suicide de Donald Crowhurst, navigateur au destin tragique et désespéré à l’image de cette ligne: « All I ever wanted is a little recognition, here I sit with my head in my hands, lost in a sea of deception ». Spencer Perceval est le récit du meurtre d’un politicien Anglais du XIXème siècle raconté par son assassin, alors que Remnants of An Army emprunte le nom d’un tableau d’Elizabeth Butler, sur lequel on peut voir William Brydon, épuisé et seul survivant d’une armée de quinze mille soldats, arriver à cheval aux portes de Kaboul en 1842.
Elegies to lessons learnt reprend les affaires là où l’alléchant Progress Reform les avait laissées. Pas de virage à cent-quatre-vingt-degrés donc, mais la simple concrétisation que tout le monde attendait: Spencer Perceval ou encore l’intro We all fall down (dont la marche de caisse claire aurait pu être empruntée à Explosions In The Sky) suivent la même trajectoire, mais Martin et les siens montrent également leur savoir-faire sur des titres plus rythmés, voire épiques (The Deception, ou le génial We go hunting) et s’autorisent même une interlude « ambiant » des plus réussies (Epiphany).
Les cheminots de Leeds livrent avec cet album un disque profond, une oeuvre passionnante qui sait s’approprier totalement son auditeur, au fil des écoutes, pour devenir obsédant. C’est le genre de disque qui vous fait regretter de ne pas avoir instauré de système de notation à votre zine, simplement parce que vous ne pouvez pas lui mettre la note la plus haute, alors que vous le feriez volontiers. Il n’y a plus qu’a transformer l’essai sur scène et le tour sera définitivement joué…
En écoute: « The Deception »
[audio:https://darkglobe.free.fr/public/music/Iliketrains_TheDeception.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).