De prime abord, si l’on excepte le nom, nous aurions bien du mal à établir un quelconque lien entre le film qui a révélé Macaulay Culkin (traduit par « Maman, j’ai raté l’avion » en France) et le projet musical du Torontois Tomska Polska. De toutes évidences, un tel pseudonyme représente certainement plus les conditions de travail et les sonorités particulièrement intimistes des compositions du musicien qu’un clin d’œil aux aventures d’un horripilant pré-pubère aux prises avec deux cambrioleurs dans la maison familiale.
Il n’empêche qu’après l’écoute du second album de Home Alone, nous pourrions facilement imaginer There’s A Light Coming Through comme la bande-son imaginaire d’une biographie cinématographique lente et fantasmée de celui qui était autrefois l’enfant star d’Hollywood; un songe de pellicule dans la droite lignée du « Last Days » de Gus Van Sant. Car, comme Culkin, les chansons de Polska semblent portées par un sentiment d’individualisme gonflé de blanche arrogance; de celle du bon pote slacker qui se sait, à juste titre, pétri de talent, n’a pas besoin de se forcer ou même de prétendre, convaincu qu’il maîtrise la juste formule pour composer une pop profondément rêveuse, plongée presque totalement dans un état d’assoupissement, bercée dans une tranquillité flemmarde et addictive.
La constance stylistique de There’s A Light Coming Through est celle de rythmiques trainant des pieds, d’une voix constamment terrassée par des anxiolytiques, d’une électronique ouatée artisanale et de mélodies ensorcelantes comme un rappel éclatant du titre de l’album. Les instrumentaux y remuent les synapses plus que les pieds (« Restless »), accumulent les poncifs mais réussissent, les mains dans les poches, à draguer le chaland (« Beds » et « Broke the Ice ») tandis que l’errance brumeuse d’une road song s’y transforme en hypnotique surplace nocturne (« Drive All Night ») et que l’invocation du fantôme de Mark Linkous, façon médium vocal, s’y fait avec énormément d’affection et de respect (« Blunts »). Le tout est encadré par deux chansons (« Interstates & Stuff » et « Basement ») d’une douceur simple et infinie, parcourues de mots parfois inaudibles mais continuellement soufflés comme autant de chuchotements longs et tranquilles, de frissons de plaisirs tièdes sur la peau invitant à reprendre le cours du rêve.
Avec son esthétique DIY, There’s A Light Coming Through rappelle le plaisir des états semi-comateux et décrit une délicate réalité appréhendée au travers de l’épais brouillard de la somnolence. D’un point de vue plus prosaïque et peut-être symbolique, il représente sans aucun doute la plus belle découverte musicale de ce passage de l’hiver vers le printemps.
Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.