Parfois, la mondialisation a quelque chose d’à la fois d’extrêmement étrange et rafraichissant dans sa façon de modifier notre perception égocentrique pleine de clichés des personnes et des lieux pour aller jusqu’à autoriser les rapprochements temporels et historiques. Ainsi, les deux australiens des High Highs (Jack Milas et Oli Chang) ont beau être originaires de Sydney, s’être installés à Brooklyn comme plus de la moitié des artistes intéressants du moment, on se dit qu’avec leur dream folk doucement matinée d’électronique, toute en lyrisme intimiste et baisers sur l’échine, ils se seraient plutôt bien amusés à la fin du 19ème siècle et n’auraient pas dépareillé au milieu des artistes impressionnistes européens d’alors. Si bien entendu, les sonorités de leur premier album appelé Open Season (et sorti en début d’année 2013…) n’ont absolument rien à voir avec la musique de cette période artistique, c’est au niveau de l’esprit du disque que nous semblons retrouver une familiarité dans cette recherche non pas tant d’une description d’une réalité que la perception floue mais lumineuse et colorée (« In a Dream ») d’une nature toute en jeux de lumières, reflets sur les eaux (« White Water ») et instantanés de mouvements (« You’re so tired of living like a kite » sur « Open Season »).
Sur Open Season, le voyage, accompli sous forme de sentiments intérieurs, se déroule entre vagues à l’âme (« Milan ») et frissons sur la peau, crépuscule et lumière tamisée, bricolage tout en équilibre précaire et électrique au voltage quasi-asthmatique (« Phone Call »), voix éthérée se mélangeant à la mélodie jusqu’au dénuement presque acoustique de « Bridge », guitare sèche, piano et chant combinés. Si les deux morceaux les plus emblématiques du duo (« Flowers Bloom » et « Open Season ») étaient déjà présent précédemment sur le premier EP du groupe, ceux-ci ont été enregistrés à nouveau pour l’album. Malgré cette très légère prise de muscle, « Flowers Bloom » donne toujours cette impression d’avoir été nourrie dans du coton, prémisse de sensualité élégante et harmonieuse avant l’acte et dessinée de manière évanescente et poétique; une chanson inexorablement attirée par l’éther sur un rythme lancinant et que seuls les bruitages de craquements de disque semblent encore relier de manière tout à fait instable au tangible. Stylistiquement et mélodiquement cohérent, l’album évolue dans un espace sensible restreint, à la dynamique fragile et mince comme du papier à cigarette jusqu’à attirer l’auditeur dans une plaisante léthargie uniquement rompue sur sa presque conclusion par le fulgurant crêve-coeur en cascade de guitares acoustiques, « Love is All ».
Alors, si les compositions donnent souvent une impression de facilités symboliques dans la métaphore (« Flowers Bloom » pour symboliser évidemment l’éveil à la sensualité), recourent parfois trop systématiquement à des « ouhouhouh », louchent vers des ficelles structurelles un peu grosses (la fuite de l’instrumental au piano en introduction avec « Dey » pour finir avec une presque berceuse appelée « Pines » à la guitare acoustique) et si les évidences mélodiques paraissent parfois trop criantes (le pourtant carrément envoutant « Open Season »), tout cela finalement importe peu. Car à l’écoute de ce disque débordant de tranquillité et de délicatesse, rien ne résiste au plaisir de se laisser emporter pour tomber aussi inéluctablement et profondément amoureux de cette musique.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.