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Giana Factory / Lemon Moon

Giana Factory_LEMON MOONÉvidemment, à posteriori, je m’étais sans aucun doute un peu trop rapidement enflammé pour le Save The Youth des trois danoises de Giana Factory; un jugement légèrement biaisé pour ce premier album d’électropop noire porté par des singles absolument ensorcelants et entêtants (« Rainbow Girl » et « Dive » en première ligne) et des prestations scéniques sèches et élégantes. A l’époque, je n’avais probablement pas assez évoqué une production finalement trop consensuelle qui aurait mérité plus de prises de risque; une réserve d’autant plus compliquée à mentionner que les trois musiciennes s’étaient, en majeure partie, elles-mêmes attelées à la tâche. En sont-elles arrivées aux mêmes conclusions ou ont-elles juste préféré se concentrer sur l’écriture cette fois-ci? Toujours est-il que pour leur second album, Lemon Moon, les trois jeunes femmes se sont tournées vers un proche pour s’occuper de la production: en l’occurrence le DJ compositeur danois Trentemøller, déjà responsable d’un remix de « Dirty Snow » par le passé et que, Lisbet, la guitariste de Giana Factory, accompagne à la basse lors des tournées du bonhomme. Résultat des courses : si l’univers du groupe n’est aucunement chamboulé par cette nouvelle présence, le nouveau producteur a su offrir un surplus de corps et de dynamique aux machines pour produire un album plus solide sur ses appuis, offrant un surplus de régularité à l’ensemble et évitant des points faibles (« Mountains » par exemple) qui, parfois, plombaient un chouia le précédent disque.

Sur Lemon Moon, l’épluchage des idées noires continue avec en ligne de mire le dépouillement stylistique sobre et intime sur « Right or Wrong », « Downtown » ou « In Between »et leur figure traditionnelle des trois voix à l’unisson, dessinant un cadre quasi religieux, la fine tension contrôlée de « Walking Mirror » mais surtout ces pop songs ultra accrocheuses dont le meilleur exemple est sans doute le stupéfiant « I Live At Night », petit frère, sous un demi cacheton de Tranxène, du mythique « Rainbow Girl » ; même fascinante facilité mélodique, mêmes souffles glacés sur la peau, mêmes dépressions inéluctablement enivrantes et dansantes (celles-ci sont d’ailleurs explicites sur « Head Up High ») comme autant de fuites de synthétiseurs belles comme une tragédie imminente; pour en définitive, la même addiction. Un travail sur la froide mélancolie pop que les Giana Factory maîtrisent à merveille et qu’elles réinvestissent de manière plus ou moins réussie tout au long de l’album, trébuchant parfois dans la facilité textuelle (« But I have to do what I have to do, ‘cos I have to do what I have to do » sur « Don’t Fall in Love » ou les « nanananananana » de « It’s Your Life ») mais toujours avec ce sursaut d’âme frigorifiée, cette pudeur toute scandinave qui empêche leurs chansons de tomber dans la médiocrité et continuent à les rendre terriblement attachantes. Et pourtant, c’est lorsque la musique s’éloigne de ces chemins balisés et perd de sa substance, glisse doucement mais irrésistiblement vers un environnement ténébreux et tortueux (« Lemon Moon ») et encore plus verglacé (« My Power Obey ») que tout le potentiel de fascination s’affirme pour faire poindre l’identité trouble du groupe.

Car Giana Factory conçoit depuis ses débuts son univers musical comme une abstraction ouverte à une interprétation symbolique voire mystique dont les signes les plus visibles sont la composition totémique (visuellement d’ailleurs assez moche) des trois musiciennes sur la pochette française du premier album, les larges vêtements de maîtresse de cérémonie portés par la chanteuse Loui durant les concerts ou encore l’argumentaire cosmologique au sujet du livret de Lemon Moon rédigé sur leur page Facebook. Pourtant, rien ne dit que cet aspect du groupe soit pris en compte par l’auditeur lambda. Bien au contraire. Et ce ne sera pas le cas tant que le groupe continuera à timidement flirter, sans jamais s’y immerger totalement, avec une évolution musicale plus sombre et extrême qu’il semble d’ailleurs rechercher. Ceci étant, écrire une collection d’excellentes chansons électropop, il existe pas mal de groupes qui s’en contenteraient.

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