On l’a déjà dit moult fois, chez DG, on n’a pas la palme de la réactivité ni celle de la rapidité – et quand on fait une agréable découverte on aime bien prendre notre temps avant d’en parler ici, histoire de laisser les choses s’installer durablement (ou pas) et de laisser le temps faire son affaire. C’est donc en toute logique, ayant posé les oreilles tardivement sur l’excellent disque qu’est Meliora, qu’on a manqué le concert des Suédois de Ghost au Radiant-Bellevue en fin novembre dernier. Fort heureusement, la tournée Black To The Future s’arrêtait hier soir à Grenoble : l’occasion rêvée d’aller faire un tour au pied des Alpes pour se décrasser les oreilles à grands coups de riffs bien heavy.
On passera rapidement sur Dead Soul, trio qui accompagne le groupe sur le quasi-ensemble de sa tournée – étant arrivés juste à temps pour assister aux quatre ou cinq derniers morceaux, soit trop peu pour accrocher au rock teinté de blues livré par le chanteur et ses deux guitaristes. Les autres instruments (basse et section rythmique) sont enregistrés et cela ne joue pas vraiment en leur faveur, même si les deux guitaristes ne s’en sortent pas trop mal.
Après une longue intro sonore (sur le titre « Masked Ball » de Jocelyn Pook, connu pour son apparition sur la BO du film Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick et pour la scène sur laquelle on peut l’entendre) les « Nameless Ghouls » font leur entrée et entament « Spirit », titre d’ouverture de l’album Meliora – troisième et dernier en date, sorti en août dernier. Son redoutablement incisif, batterie claquante, alternance habile de riffs lourds (joués en palm mute) et de phrasés plus mélodiques, Ghost élabore une recette subtile mêlant guitares metal et hard-rock old-school (on pense à Blue Oyster Cult, Metallica, ou AC/DC pour les références les plus évidentes) remises au goût du jour et servies sur un songwriting presque pop, aux mélodies clairement enjouées (« Body And Blood » ou « Zombie Queen » en seraient de bons échantillons). Une sensibilité musicale toute scandinave et totalement décomplexée qui n’a pas peur de se frotter à l’exercice de reprise théâtrale de titres de Abba ou Army Of Lovers, gonflées aux pédales de disto.
Car l’autre spécialité de Ghost, justement – c’est son sens du spectacle et le souci du détail porté sur tous les aspects visuels de son concert : costumes, icônographie, décors… Le concert se déroule comme une messe, dont le chanteur – autoproclamé « Pape Emeritus III », succédant à deux générations d’Alter Ego (correspondant aux albums précédents) – est le prêcheur. Les cinq musiciens, masqués – ils le resteront tout au long du show et n’ont en réalité jamais dévoilé leur visage au public – sont vêtus d’une tunique noire, longue et élégante, et sont marqués d’un symbole brodé qui leur sert d’unique distinction. La forme du masque rappelle évidemment celle des masques de carnaval vénitiens et le caractère ésotérique qu’on prête à leur image (et on revient au film de Kubrick pour l’évocation).
Le caractère occulte des décors et des maquillages, et le simulacre de messe sataniste (le superbe vitrail en fond de scène arbore un belle représentation du diable), volontairement grossier mais habilement éxécuté (des nonnes, visiblement des fans déguisées, iront même jusqu’à distribuer des osties et du vin aux premiers rangs !) – sont surtout prétexte à la communion : et ça fonctionne ! Dès les premiers morceaux, la foule est acquise au groupe et à son leader et l’ambiance restera festive et bon enfant tout au long des deux heures du set. Ce coté spectaculaire, visuel est grandiloquent est assez propre aux scandinaves, tant la culture du metal est ancrée chez eux et tant ils savent l’entourer de folklore et de traditions (n’en déplaise à ses détracteurs qui continuent d’y voir une incarnation du mal absolu, on ne rentrera pas dans ce genre de débat stupide).
Coté setlist, la part belle est évidemment faite aux titres du dernier album (joué quasiment en intégralité) mais on aura droit à plusieurs titres d’Infestissumam (« Secular Haze », « Body And Blood », le marquant « Year Zero », « Ghuleh / Zombie Queen » et « Monstrance Clock » en titre de clôture) ainsi qu’à la reprise du « If You Have Ghosts » de Roky Erickson, dont le groupe a fait son hymne.
Le concert, entrecoupé de quelques interventions (durant lesquelles Papa Emeritus III s’adresse au public en prêchant sa bonne parole – il en profite surtout pour faire passer le message du groupe et ceux de ses chansons, plus ou moins explicitement) se sera passé en un claquement de doigt – et finalement, c’est là le meilleur indicateur de sa qualité : si Ghost passe près de chez vous donc, et si vous êtes friand de rock bruyant et savamment exécuté, n’hésitez pas et allez communier avec Papa Emeritus ! Au passage, notons que c’était notre première visite à la Belle Electrique depuis son ouverture il y a un peu plus d’un an, en janvier 2015 : jauge de 1000 spectateurs, jolie configuration (une fosse raisonnable, des gradins, et un balcon sur la droite) et son excellent : de quoi se rappeler de suivre la programmation en 2016. On en reparle bientôt.
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cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).
Jean Noel Bouet
c’est quoi le message du groupe ? rédac chef !
Lionel
Tiens :)
http://www.metronews.fr/culture/ghost-nos-chansons-ne-parlent-ni-de-dieu-ni-du-diable-mais-des-hommes/mpbf!7FMLm3K2sPKk/