Depuis désormais deux bonnes années, je continue à trainer derrière moi, comme le poids d’un cheval crevé, cet éternel regret de n’avoir pas chroniqué le premier et unique album des Notes. Intitulé Wishing Well, il se concluait avec le foudroyant « Lost for Days », délicieuse petite bombe à la mélodie brouillée, élevée aux guitares saturées, à la voix sous-mixée, comme une représentation rescapée mais pourtant rafraichissante et idéale d’une certaine idée de la pop indé bruitiste de la fin des années 80. Mais bon, d’un autre côté, personne ne m’avait averti que le groupe allait disparaitre comme un morceau de plancton dans le système digestif d’une baleine quelques semaines à peine après la sortie de ce premier opus. Le remord est-il une raison valable pour chroniquer, six mois après la parution de l’objet, le EP When You Lie de Flowers, le nouveau projet de Sam Ayres (guitariste et compositeur des Notes) qu’il a monté avec Rachel Kenedy (voix) et Jordan Hockley (batterie)? Qui, avec ses qualités, aurait dû l’être bien avant? Ou est-ce simplement que le retard est devenu une caractéristique inhérente et obligatoire à la rédaction des chroniques de Dark Globe et que tu en as marre, ami lecteur, de ma recherche perpétuelle d’excuses à ce sujet? Je te laisse choisir et m’en remets à ta judicieuse perspicacité.
Il n’y rien assurément de décisivement novateur dans la musique de Flowers que ce soit par rapport aux compositions précédentes des Notes ou aux évidentes références C86 du groupe. On connait par cœur cette formule qui s’embarrasse au minimum des fioritures, préfère aller directement à l’essentiel (aucun des morceaux ne dépasse 2 minutes 40 et le EP de quatre titres se rapproche à peine des dix minutes), s’enivre de ces évidences de mélodies délivrées dans un souffle (« When You Lie »), de ces murs de guitares exquisement bruyantes à la Jesus and Mary Chain, de ces rythmiques binaires qui entrechoquent nos pieds entre coups de spleen et d’euphorie. Pourtant, malgré toutes ces conventions musicales, à l’écoute, le ravissement reste toujours là. Et ce qui finit d’emporter notre engouement au sujet de Flowers, c’est la voix cristalline et tremblotante de Rachel Kenedy planant au-dessus de l’ensemble: en déséquilibre constant sur « Watch and Wonder », triomphante de concorde sur le dépouillé électro acoustique « Boat Song » ou lumineuse incarnation de ce trépignement des sentiments amoureux jusqu’à l’explosion lumineuse du plaisir de l’instant (« You Held My Hand »).
Sans doute plus ou mieux que le plupart de ses contemporains stylistiques, Flowers, avec ces chansons que l’on imagine enregistrées en urgence dans une chambre comme autant de besoins impérieux d’expression, représente la fulgurance à fleur de peau d’une idylle fantasmée et découvre une mélancolie adolescente et confuse où les plus tristes sourires semblent toujours précéder de lumineuses déceptions.
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Grand consommateur de Baby Carottes et de sorbets au yuzu, j’assume fièrement mon ultra dépendance au doux-amer, à l’électropop bancale et chétive, aux musiciens petits bras ainsi qu’aux formes épurées du grand Steve Ditko. A part cela? Il y avait péno sur Nilmar.