Final, énième projet de Justin K Broadrick (on ne les compte même plus, c’est peine perdue) revient avec un nouveau LP à la structure quelque peu alambiquée – quatre titres de respectivement neuf, seize, treize, et dix minutes – et toujours, comme à son habitude sous ce pseudonyme, construit sur l’étirement de sonorités sombres, allongées, éthérées et distordues. Ici, non comme chez Jesu, pas de trame rythmique, on évolue au gré des sons et des nappes qui les enveloppent.
Le disque débute avec « Right Signal » ; on y nagerait presque en plein Carpenter, marchant dans de longs couloirs sombres, redoutant à chaque seconde de se faire découper en tranches par quelque atrocité bestiale surgissant dans son dos. Plus sérieusement… La construction de l’édifice sonore jouant sur la densité, mêlant larsens lointains, interférences radio, oscillations et grésillements épars, appelle à une sensation de malaise quasi-palpable.
« Wrong signal » débute très progressivement avec une vague grésillante se rapprochant de nous, charriant et déposant vague après vague ses motifs électroniques discrets, laissant une guitare plaquer quelques accords plombés (on y aperçoit alors le spectre de Jesu, mais dans un lointain à peine perceptible). Ici, on se sentirait presque en terrain familier, sentiment appuyé par des notes de synthés (vers 5′) qui viennent adoucir la surface du morceau rendue rugueuse par les bruissements digitaux. Vers 12′, le titre verse enfin dans un troisième mouvement, s’étirant peu à peu vers une fin paisible et réconfortante.
« Stop at Red » nous entraine à nouveau dans des sphères plus oppressantes, jouant là encore avec la densité des sons, plombant l’atmosphère de façon perpétuelle et la rendant littéralement irrespirable. Trois notes de guitares épurées, répétées, à peine remarquées au milieu de cette ombre sonore épaisse et persistante, nous déstabilisent et nous renversent.
Comme un soulagement, « Green » revient vers des ambiances plus accueillantes, à la façon d’un Eluvium empilant les nappes de clavier qui se mouvent lentement, et nous sort de la torpeur claustrophobe du morceau précédent, comme pour nous ramener doucement à l’éveil et nous tirer d’un long et ténèbreux cauchemar.
Reading All The Right Signals Wrong est une pièce remarquablement aboutie, qui au cours de ses quelques quarante-cinq minutes nous trimbale au travers d’émotions antagonistes, de l’apaisement à l’angoisse, et dégage de tout son long une espèce de sérénité schizophrène. De Final, c’est sans doute un des disques les plus réussis. Alors que viennent de sortir coup sur coup le LP de Jesu, Infinity, et l’album de Greymachine (sa collaboration avec Aaron Turner) c’est aussi une nouvelle preuve du talent de caméléon de Justin Broadrick.
En écoute : « Stop at Red »
[audio:http://www.dustedmagazine.com/media/reviews/4839.mp3]cultive ici son addiction à la musique (dans un spectre assez vaste allant de la noise au post-hardcore, en passant par l’ambient, la cold-wave, l’indie pop et les musiques expérimentales et improvisées) ainsi qu’au web et aux nouvelles technologies, également intéressé par le cinéma et la photographie (on ne peut pas tout faire). Guitariste & shoegazer à ses heures perdues (ou ce qu’il en reste).